Le racisme anti-blanc : un sujet de société que nous devons affronter.

bondy blog bannière.jpg

Le 7 décembre dernier, je vous avais annoncé la sortie prochaine d’un nouvel ouvrage aux Éditions du Puits de Roulle : « Le racisme anti-blanc – Ne pas en parler : un déni de réalité », de Tarik Yildiz.

Aujourd’hui, le Bondy Blog vient de publier une interview très intéressante de son auteur. (Source)

1772329269.jpgTu as écrit un livre intitulé « Le racisme anti-blanc. Ne pas en parler : un déni de réalité ». Peux-tu expliquer ce qui t’a donné envie d’aborder ce sujet ?

J’ai travaillé pour le site Terre d’avenir, édité conjointement par l’agglomération de communes de Seine-Saint-Denis Plaine Commune et le BondyBlog. Dans ce cadre, j’ai eu de nombreux témoignages spontanés qui m’ont alerté sur ce problème. J’ai écrit quelques articles qui en ont parlé. Puis, je me suis rendu compte que c’était un sujet qui mériterait un traitement plus large. C’est pourquoi j’ai décidé de les compiler et de les proposer à des éditeurs. L’un d’eux m’a recontacté même s’il était gêné par le titre au début.

Justement, pourquoi distinguer le « racisme anti-blanc » comme tu le fais du racisme au sens large ?

Pour comprendre cela, il faut se mettre du côté des victimes de ce racisme. Elles ont utilisé cette expression à de multiples reprises. Ne pas le formuler ainsi aurait été une trahison. Même si cela fait polémique je pense que l’expression se justifie. Il ne s’agit pas de faire une hiérarchie mais de décrire une réalité. C’est un constat qui appelle à une future analyse.

Es-tu sûr que ce qui est décrit dans ce livre est complètement le reflet de la réalité ?

J’ai moi-même assisté à ce type de problème dans mon quartier lorsque j’étais plus jeune, dans mon collège par exemple. Un copain de classe, prénommé Christophe, se faisait harceler, insulter, frapper et tout le monde dans la classe faisait le lien avec son origine. Les différents témoignages du livre montrent la même chose quel que soit le groupe d’appartenance des différents protagonistes.

Être blanc, c’est prendre le risque d’être un bolosse comme on dit en banlieue ?

L’expression de bolosse est à la croisée de ce que je dénonce : à la fois une attaque contre une origine ethnique et une appartenance sociale supposées. Guillaume, Bastien, Fatma ou Céline (quelques-unes des personnes interrogées dans le livre, ndlr) montrent que c’est de plus en plus une réalité en banlieue, à tel point que certains Français s’inventent une origine métissée. Cette intolérance se focalise sur l’origine ethnique supposée d’abord chez les plus jeunes, au collège, car l’effet de groupe y joue à plein régime pour ce type de racisme. C’est au collège que la situation semble globalement la plus difficile. Puis cela s’atténue globalement dans les classes plus âgées sans disparaître toutefois comme le montrent Bastien et sa mère. Cet effet de groupe contre « les Français de souche » est donc plus problématique au collège qu’au lycée et au lycée plus que dans la vie adulte.

Tu utilises des expressions comme « Français de souche », or tu ne ressembles pas à l’image stéréotypée de la France ?

(Rires) Mes parents viennent de Turquie, mais je suis français et j’ai grandi en banlieue. Je pense que ces questions ont souvent été laissées à des sites marginaux. Je crois que c’est un tort et qu’il s’agit d’un vrai sujet de banlieue et un sujet de société que nous devons affronter.

En reprenant cette expression, tu n’as pas peur de servir la soupe au Front national ? Surtout que ton livre semble très critique vis-à-vis de l’immigration musulmane…

En banlieue, il y a une concentration de problèmes, mais le problème du racisme anti-blanc n’a rien à voir avec la religion des personnes. L’intégration se fait moins bien pour des raisons sociales parce que le groupe se referme sur lui au fur et à mesure. Trop de gens de la même appartenance y sont regroupés. Avant, c’était plus facile économiquement, l’État jouait son rôle dans les quartiers ainsi que l’école. Ils permettaient une réelle ascension sociale. Quelque chose s’est cassé dans les dernières années mais il ne faut pas confondre corrélation et causalité. Enfin, je ne me définis pas en fonction de ce parti politique ni d’aucun autre d’ailleurs.

Mais tout de même, pour ceux qui vont lire ton opuscule, il y a des passages récurrents sur la religion musulmane. Hassan se dit musulman, mais il a des problèmes car il mange durant le ramadan ou achète de l’alcool, etc.

Justement, c’est un très bon exemple de ce que je dénonce. Le racisme anti-blanc oblige tout le monde à se conformer à une norme bien plus répressive et qu’elle que soit l’origine de ceux qui y sont confrontés. S’il y avait eu une véritable mixité sociale dans les quartiers, Hassan n’aurait pas ressenti cette pression. La vraie différence c’est qu’avant, la banlieue était un lieu de mélange. Il existe des zones où la pâte ne prend plus. La loi du groupe prédomine sur celle du vivre ensemble. Des gens de ces quartiers partent de ces zones, laissant ceux qui restent de plus en plus dans l’entre-soi. L’enjeu c’est que ce ne soit pas seulement des Zemmour ou des Finkelkraut qui puissent en parler. Les gens des quartiers doivent pouvoir en débattre. C’est aussi une bataille de mots. Je parle de ce racisme anti-blanc parce que je ne veux pas laisser cette expression à des groupes dont je ne partage pas l’idéologie.

Mais ton livre semble être à charge : tu n’as trouvé presque aucun témoignage qui critique ta thèse. Il n’y avait aucun habitant dans ces quartiers pour s’oppose à cette notion de racisme anti-blanc ?

Si on comprend le racisme comme l’appartenance supposée à un groupe, alors, je crois qu’il y a en France comme ailleurs des cas de racisme. Le racisme dont je parle est une réalité. Ce sont les gens qui sont largement venus à moi pour raconter leurs ressentis avec leurs propres mots. Mon étude ne prétend pas à une représentativité scientifique du terrain. J’ai simplement voulu raconter et montrer ce que certains habitants de ces quartiers ressentent à travers des témoignages spontanés.

Ton livre sort après celui d’Hugues Lagrange (« Le déni des cultures », au Seuil) qui met en relation une origine ethnique et des problèmes d’intégration. Qu’as-tu pensé du débat que cela a provoqué en France ?

J’ai trouvé l’analyse d’Hugues Lagrange intéressante. Je crois qu’elle apporte quelque chose au débat. Je ne la partage pas même si je la trouve plus mesurée que les réactions caricaturales qu’elle a provoquées. Pour permettre l’intégration, les facteurs culturels de l’origine ethnique ne sont pas déterminants. Le plus important, c’est la force de l’État et sa volonté de permettre l’intégration notamment par le biais de l’école républicaine. Il faut juste aider les gens à s’élever.

Propos recueillis par Axel Ardès

Tarik Yildiz, « Le racisme anti-blanc. Ne pas en parler : un déni de réalité », Les Éditions du Puits de Roulle.
Lire l’article et les commentaires sur le Bondy Blog.

7 Replies to “Le racisme anti-blanc : un sujet de société que nous devons affronter.”

  1. Anna Galore

    Interview super intéressante ! Tarik sait vraiment très bien parler de son travail et de son livre.

    Bravo pour son courage, aussi, il a su prendre un sujet pas évident (et facilement détournable par des extrémistes) avec clarté et intelligence.

  2. Netsah

    ça m’énerve quand des gens s’étonnent de ce racisme « anti-blanc »… la xénophobie est une bêtise humaine, black, blanc, beur, asiat on est tous humains, tous animaux, on est donc tous susceptible d’être xénophobe si on a été éduqué dans une climat de peur de l’étranger. Je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire à ça.. ce n’est pas aller dans le sens du FN que de le dénoncer. Le racisme c’est avant tout un manque d’ouverture d’esprit et de culture, et en terme d’esprits ouverts je ne pense pas que le FN soit bien servi.

  3. Netsah

    J’aurai du dire « qui font semblant de s’étonner ». Je me doute bien que beaucoup de gens qui n’ont jamais vraiment fréquenté les quartiers chauds des grandes villes, où les cités banlieusardes les plus pauvres, ou juste fréquenté leurs habitants, peuvent difficilement l’imaginer, ou même y songer. Non moi ce qui m’énervent c’est tous ces gens qui savent très bien que ça existe mais qui font semblant de s’étonner, juste pour le politiquement correct, comme si parler de racisme pour les blancs était une insulte raciale en soit, ou des mots d’extrême droite..

  4. anti

    « ça m’énerve quand des gens s’étonnent de ce racisme « anti-blanc »… »

    Pareil ! C’est agaçant ce faux politiquement correct. Cela étant, je n’avais pas la même vision de l’ampleur de ce phénomène avant de lire le livre de T. Yildiz, pas plus que je n’avais conscience de la violence en général dans les collèges de ZEP avant de lire un avant projet d’ouvrage d’un autre auteur à destination des futurs collégiens.

    anti

  5. Kathy Dauthuille

    « Ne pas parler : un déni de réalité » Tout est là.
    On en vient donc à s’interroger, à aller plus loin, à creuser. Pourquoi les gens n’osent pas parler ? n’osent pas dire ? Pourquoi est-on arrivé à un climat de peur ?

    Quand j’essaie d’y réfléchir j’ai l’impression que si l’on ouvre une porte, il y en a une autre derrière qui en cache encore une autre.
    Et le but, il me semble, est d’arriver à ouvrir toutes les portes pour y voir plus clair afin de résoudre ces dérives.

    Déjà si on se pose les questions c’est un début vers la compréhension de l’autre. Il me semble que ce livre peut permettre d’aller plus loin pour étudier les comportements et arriver peut-être à désamorcer les rapports agressifs pour construire une relation plus positive.

  6. Anna Galore

    « comme si parler de racisme pour les blancs était une insulte raciale en soit, ou des mots d’extrême droite »

    A ce sujet, j’ai vu ce matin un truc plutôt drôle et vraiment très intéressant. Depuis que le livre de Tarik est sorti, nous suivons avec une alerte Google, Anti et moi, tout ce qui se dit sur le web concernant l’expression « racisme anti-blanc ». Il s’agit très majoritairement de sites frontistes. Sur l’un d’entre eux (je ne le nomme pas, aucune raison de lui faire de la pub même indirecte), ce matin, le type qui postait sa note du jour venait de lire l’interview de Tarik dans le Bondy Blog et son commentaire était du genre : « Alors là, c’est le monde à l’envers ! Voilà que maintenant c’est un Franco-Turc qui parle de racisme anti-blanc, c’est à y perdre son latin ! »

    Complètement déstabilisé, le mec ! Non seulement quelqu’un se mettait à lui piquer son pain quotidien, mais en plus c’était un pas-vraiment-français-de-souche et qui en parlait pas du tout comme d’un affront suprême aux yeux des adulateurs de la « suprématie blanche ». Et ça, il n’en revenait pas.

    CQFD ! Le sujet n’appartient pas au FN, il n’appartient à personne. Le phénomène est réel, personne ne peut se l’approprier et c’est en en parlant comme le fait Tarik qu’on ôtera aux bas-du-Front les maigres os qu’ils pensent pouvoir ronger en les détournant, comme ils l’ont déjà fait depuis des décennies avec les mots « nation », « identité » et autres qui sans leur prisme haineux déformant ont (ou devraient avoir) un sens parfaitement honorable.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *