Le président, Verneuil.

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Le Président est un film d’Henri Verneuil avec des dialogues de Michel Audiard (d’après un roman éponyme de Georges Simenon) sorti en 1961.

C’est un film que j’aime beaucoup. Gabin y est excellent; Blier très bon, les dialogues croustillants. En voici quelques extraits :

Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, dans les proportions qui restent à déterminer.

Le repos c’est fait pour les jeunes : ils ont toute la vie devant eux, moi pas.

Les amis n’aiment pas être fidèles, ils ont l’impression de perdre leur personnalité.

Mais, sauf pour les dictateurs et les imbéciles, l’ordre n’est pas une fin en soi.

C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user.

Entre l’intérêt national et l’abus de confiance, il y a une marge.

On ne dit rien à sa femme quand on a épousé une banque. Ça se paye la fortune, c’est ce qui coûte le plus cher. À l’époque de votre mariage, je vous avais pris pour un petit maquereau, mais finalement vous êtes une sorte d’honnête homme. Vous venez de rembourser la dot. Votre beau-père peut être fier de vous. Écrivez !

On a une mauvaise vue d’ensemble quand on voit les choses de trop près.

Mais en écoutant M. Chalamont, je viens de m’apercevoir que le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l’on veut. Les chiffres parlent, mais ne crient jamais. C’est pourquoi ils n’empêchent pas les amis de M. Chalamont de dormir. Permettez moi messieurs, de préférer le langage des hommes : je comprends mieux.

Or je comprends très bien que le passif de ces entreprises n’effraie pas une assemblée où les partis ne sont plus que des syndicats d’intérêts.

Je désespérais d’entendre ça un jour. C’est bon. On l’embrasserait.

Réaction Mulstein, directeur de Paris-Presse, lors de l’appel, à l’Assemblée, du Président Beaufort concernant les députés liés à la Haute finance.

La Politique, messieurs, devrait être une vocation. Je suis sûr qu’elle l’est pour certain d’entre vous. Mais pour le plus grand nombre, elle est un métier. Un métier qui ne rapporte pas aussi vite que beaucoup le souhaiterait et qui nécessite de grosses mises de fonds. Une campagne électorale coûte cher. Mais pour certaines grosses sociétés, c’est un placement amortissable en quatre ans. Et pour peu que le protégé se hisse à la présidence du conseil, alors là, le placement devient inespéré. Les financiers d’autrefois achetaient des mines à Djelizer ou à Bazoa. Et bien ceux d’aujourd’hui ont compris qu’il valait mieux règner à Matignon que dans l’Oubangui, et que de fabriquer un député coûtait moins chez que de dédommager un roi nègre.

Il y a une chose plus grave que la trahison, Millerand, c’est la bêtise.

Dites-vous bien Millerand, que lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver. Et dans chaque combrioleur, il y a souvent un préfet de police qui sommeille.

Lors de la tentative de la secrétaire de Beaufort de dérober une lettre compromettant Chalamont.

Pour des raisons particulières je vous ai longtemps pris pour un salaud et je constate avec plaisir que là aussi j’avais quinze ans d’avance. Et dire que vous avez failli m’avoir. Vous êtes intelligent Chalamont, comme la plupart des salauds d’ailleurs. Vous savez qu’il y a des hommes qu’on peut acheter avec une enveloppe ou un bout de Légion d’honneur. Moi, vous avez essayé de m’avoir par la vanité. Ce que vous venez de faire est ignoble.

Tout antisémite a son Juif. Tout anticlérical peut bien avoir son curé, pas vrai ?

A voir si on ne voit qu’un passage du film : le discours de l’assemblée sur l’Europe.

Autres dialogues remarquables

Une dame de compagnie : Paraît qu’on ne peut pas trouver Wagner exquis. Alors qui peut-on trouver exquis, je vous le demande !
Chalamont : Mozart ou Tino Rossi.

Augustin : Tiens, tu veux le fonds de ma pensée, hein, les députés il faudrait tous les fiche dans la Seine.
Beaufort : Oh, soit tranquille, ils savent nager.

Beaufort : Vous me demandez d’intervenir auprès des services des adjudications pour faciliter une affaire à laquelle vous, conseiller général, êtes associé. Alors je dis non, c’est tout !
Taupin : Et bien, j’ai besoin d’un coup de main. Tu peux tout !
Beaufort : C’est précisément pour ça que je ne peux pas tout me permettre. Excusez-moi !

Monteil : Et dire qu’il a été proposé pour la commission de censure. Heureusement qu’il a été blackboulé.
Un ministre : Par qui ?
Beaufort : Par tous ceux qui savent lire et écrire.

Monteil : Il dit n’importe quoi !
Beaufort : C’est l’apanage de l’opposition.

Un député : Quand on veut pas du pouvoir, on le refuse, M. Beaufort. On peut très bien vivre dans l’ombre.
Beaufort : Et ne jamais en sortir vous en savez quelque chose.

Beaufort : Je vous reproche simplement de vous être fait élire sur une liste de gauche et de ne soutenir à l’Assemblée que des projets d’inspiration patronale.
Jussieux : Je suis un patron de gauche ! Je tiens à vous l’apprendre.
Beaufort : Y’a aussi des poissons volants mais qui ne constituent pas la majorité du genre.

Beaufort : Tout le monde parle de l’Europe. Mais sur la manière de faire cette Europe que l’on ne s’entend plus. C’est sur les principes essentiels que l’on s’oppose. Pourquoi croyez vous, Messieurs, que l’on demande au Gouvernement de retirer son projet d’union douanière. Parce qu’il constitue une atteinte à la souveraineté nationale ? Non, pas du tout ! Simplement parce qu’un autre projet est prêt.
Chalamont : C’est faux !
Beaufort : Un projet qui vous sera présenté par le prochain gouvernement.
Chalamont : Monsieur le Président je vous demande la permission de vous interrompre.
Beaufort : Ah non ! Et ce projet, d’avance je peux vous en annoncer le principe. La constitution de trusts horizontaux et verticaux et de groupes de pressions qui maintiendront sous leur contrôle non seulement les produits du travail, mais les travailleurs eux-même. On ne vous demandra plus, messieurs, de soutenir un ministère, mais d’appuyer un gigantesque conseil d’administration.

Chalamont : Savez-vous ce que vous allez avoir au Gouvernement ? Un Bergelon, un Marcel Ferchoux, un crétin. Et un crétin comme vous les aimez, honnête.
Beaufort : Et ben, ce sera toujours ça ! Étant donné ce que ça rapporte, il faut bien que cela serve à quelque chose d’être honnête !

Beaufort : Madame la rédactrice en chef, au risque de vous décevoir, je me dois de vous informer, que ma vie sentimentale fut extrêmement brève. Veuf, après dix ans d’une union parfaitement heureuse, il ne m’est jamais venu à l’idée de me remarier. Durant les trente années qui ont suivi, Je n’ai eu qu’une maîtresse, la France. Pour le reste, je me suis toujours adressé aux maisons closes et aux théâtres subventionnés.
Millerand : Oh ! On va pas envoyer ça ?
Beaufort : Si, et avec une photo en encore ! Tenez, envoyez donc celle où je suis au gala des petits lits blanc, avec le président Doumergue et les Dolly Sisters.

anti

4 Replies to “Le président, Verneuil.”

  1. Adele Riner

    J’ai acheté le DVD il y a peu de temps, et je me réjouis de revoir prochainement ce film dont les dialogues m’avaient éblouis.
    J’ai gardé un souvenir aussi délectable des dialogues du « Diable boiteux » avec Guitry.
    Il y a des films comme ceux-ci qui marquent par leur esprit, et dont on garde le souvenir comme le goût d’un exceptionnel Bordeaux…

  2. Neidine

    Merci Anti d’avoir pris le temps de copier ces dialogues d’anthologie qui mêlent l’humour, l’ironie, l’autodérision, qui flagellent sérieusement et qui sont INTEMPORELS. C’est leur grand force, traverser le temps sans prendre l’esquisse d’une ride. Trop fort.
    C’était une vraie bonne idée de nous rafraîchir la mémoire ; cela fait du bien.

  3. reginelle

    Exact Miss You… Ce discours est la première chose qui m’est revenue en mémoire. et comme tu les dis, il est toujours d’actualité, et sans doute le sera-t-il encore longtemps. Aussi longtemps que…

    Et en particulier, les propos sur « l’Europe »… qui rejoignaient au plus près ce que j’en pensais déjà à l’époque :

    A avoir à tout prix dans sa vidéothèque. Et puis il y a Gabin…

  4. Sampang

    Dans le même jus et pour cause les dialogues sont aussi d Audiard : « Les grandes familles » film de Denys De La Patellière.
    Un film que nous avons revu avec plaisir il y a 4 jours

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