Un viticulteur meurt d’une « maladie professionnelle » due aux pesticides

214142_14545999_460x306.jpgPhoto Paul François, l’agriculteur intoxiqué par les produits chimiques, aux côtés de son ami Benoît Biteau, élu régional en Poitou-Charentes et éleveur de races menacées de disparition. Photo DR – Source Sud Ouest

Vous vous en souvenez peut-être, Jean-Paul Jaud est une personne dont j’admire les engagements et dont j’ai parlé à plusieurs reprise sur le blog (lire Severn, la voix de nos enfants, Nos enfants nous accuseront, le DVD et Nos enfants nous accuseront).

J’ai reçu cette information de sa part hier et comme je suis convaincue qu’il n’y a pas de vain combat, je vous livre les choses telles qu’elles sont, parce que plus nous serons au courant, plus nous pourrons agir pour les générations à venir.

Un viticulteur meurt d’une « maladie professionnelle » due aux pesticides

Yannick Chénet, 45 ans, viticulteur à Saujon (Charente-Maritime) s’est éteint samedi soir des suites d’une leucémie reconnue comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole. Il avait notamment témoigné dans le film « Severn«  de Jean-Paul Jaud sur le danger des pesticides.

Dans ce long métrage, Yannick Chénet livrait un témoignage poignant sur sa maladie : « Les produits qui m’ont empoisonné et ceux qu’on me donne pour me guérir sont fabriqués par une seule et unique firme. »

« Severn », l’ode à la vie en guerre contre l’agriculture intensive

Le cinéaste Jean-Paul Jaud est parti en guerre contre l’agriculture intensive. Son second film sur ce sujet, tourné en partie dans notre région, tape juste. Et fort.

Tous les amateurs de football connaissent Jean-Paul Jaud, l’homme qui, aux débuts de Canal+, a apporté une vraie révolution dans l’art et la manière de retransmettre les matches.

Par contre, beaucoup d’entre eux ignorent que cet individu entier a toujours refusé de devenir salarié de la chaîne, tenant trop à sa liberté. Une liberté lui ayant permis de mener à sa guise son métier de cinéaste et de réaliser nombre de documentaires basés sur la même trame, celle des saisons. Sa série des « Quatre saisons » l’a conduit dans maints univers : le bassin de Marennes-Oléron, pays de son enfance, les cuisines du chef étoilé Guy Savoy, les vignes et les chais de Château d’Yquem.

Il s’est également penché avec délice sur les variations de la vie d’un berger pyrénéen, selon que le soleil brille ou que tombe la neige. Le berger de Jaud, devenu son ami, avait une drôle d’habitude. À longueur de temps, il se régalait d’oignons crus cultivés dans son propre jardin, sans autre ajout qu’un compost naturel. Le cinéaste, séduit par ce régime, a pris l’habitude, dès son retour à Paris, de faire provision d’oignons au supermarché du coin.

Le jour où il a appris qu’il souffrait d’un cancer, il a hurlé à l’injustice. Comment un homme comme lui, incapable du moindre excès de table, sobre comme un chameau, non-fumeur, sportif, avait-il pu être ciblé par la maladie ? Au fil de ses discussions avec les médecins, il s’est persuadé – et on ne lui a pas dit le contraire – que les produits chimiques de l’agriculture intensive déversés sur sa plante potagère préférée étaient la cause de son malheur. Il s’est soigné. On lui a assuré qu’il était guéri. Il a alors pu entamer sa croisade. Avec son arme de destruction massive : sa caméra.

Succès inespéré

C’est ainsi que, voilà deux ans, est sorti « Nos enfants nous accuseront », terrible réquisitoire contre les pesticides, les herbicides et autres saloperies du même tonneau. En fait, un film d’espoir, puisque son fil rouge racontait l’arrivée tranquille des produits bio à la table de la cantine scolaire de Barjac, petit village du Gard. Quel contraste avec les images d’agriculteurs déversant des tonnes de produits toxiques sur leurs arbres fruitiers et venant confier en pleurant qu’après chaque épandage, ils étaient victimes de saignements de nez des semaines durant. Ce documentaire a réalisé une performance formidable. Un succès inespéré : 300 000 entrées pour une sortie avec seulement vingt copies dans toute la France ! Preuve que lorsque le bouche-à-oreille s’y met…

Le 10 novembre prochain, une nouvelle attaque virulente est programmée avec la sortie du second étage de la fusée, un film titré « Severn, la voix de nos enfants ». Mais, déjà, Jean-Paul Jaud a repris son bâton de pèlerin, sillonnant le pays pour des projections en avant-première suivies de débats. La Rochelle, Saintes, Marmande (1) ont constitué quelques-unes de ses étapes dans notre région.

Autant le dire tout de suite, « Severn » tape encore plus fort que la réalisation précédente. Il est construit de la même façon. Critiques virulentes des pratiques d’un monde marchant sur la tête avec en face des messages d’espoir venant de partout sur notre planète et montrant qu’il est possible d’envisager les choses autrement.

Yannick, poignant

Là aussi, il y a un fil rouge. Particulièrement émouvant. Celle qui revient sans cesse, fabuleux leitmotiv, s’appelle Severn Cullis-Suzuki. Elle avait 12 ans, en 1992, lorsqu’elle s’est adressée aux puissants, aux chefs d’État et de gouvernement réunis à Rio pour le Sommet de la Terre. Elle les a copieusement enguirlandés à cause de la couche d’ozone, des animaux et des plantes s’éteignant tous les jours, disparus à jamais. « Ce que vous faites me fait pleurer la nuit ! » s’était alors exclamée cette gamine que Jean-Paul Jaud a retrouvée dans son île canadienne. Elle est devenue une femme ayant donné la vie à un petit garçon durant le tournage…

Espoir. Jaud montre quantité de raisons d’espérer dans « Severn ». Depuis le Japon, le Canada, la France. Avec des images superbes. Mais partout, crûment, il filme des désastres, des catastrophes. On n’en retiendra que deux, parce que proches. La première victime s’appelle Paul François. C’est un agriculteur de Charente touché par une grave intoxication après avoir respiré le solvant d’un herbicide produit par Monsanto (voir le tag OGM et surtout, si on a le coeur : Le Monde selon Monsanto).

Seconde victime, Yannick Chénet, viticulteur de Charente-Maritime, frappé par une leucémie causée par les produits liés au traitement de la vigne – cela a fini par être prouvé. Yannick a été guéri après une greffe de moelle osseuse. Aujourd’hui, le rejet de cette greffe est cause de multiples malheurs.

Et soudain, dans le film, il lâche cette phrase terrible : « Les produits qui m’ont empoisonné et ceux qu’on me donne pour me guérir sont fabriqués par une seule et unique firme. »

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One Reply to “Un viticulteur meurt d’une « maladie professionnelle » due aux pesticides”

  1. Anna Galore

    « Les produits qui m’ont empoisonné et ceux qu’on me donne pour me guérir sont fabriqués par une seule et unique firme. »

    Effarant, à tous points de vue. Inhumain, meurtrier, cynique. L’horreur ordinaire de l’agriculture dévoyée par des marchands de mort qui ne voient que leur profit au mépris de toute autre considération.

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