Henri Gougaud : L’indien et le loup

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L’indien et le loup

Kwesalis était un Indien de l’extrême nord canadien. Selon les gens de son village, c’était un chasseur avisé. Un jour, comme il longeait la côte, il aperçut un loup couché contre un rocher. Il geignait, sa gueule saignait. Kwesalis se pencha sur lui et vit qu’un éclat d’os de daim était planté dans sa mâchoire. Il lui parla à mots tranquilles, il caressa son front, son échine mouillée, puis risqua prudemment sa main entre ses crocs. Il ôta l’os, il murmura :

– Grand frère, ton mal est parti.

Le loup d’un bond se redressa et s’éloigna en trottinant. A quelques saisons de ce jour, au village la variole tua des dizaines de gens.

Kwesalis se trouva malade, couché parmi les moribonds au corps couvert de plaies purulentes, puantes. Il pensa qu’il allait mourir.

C’était un soir, au crépuscule. Il somnolait et gémissait. Il entendit soudain des hurlements de loups qui se rapprochaient des cabanes.

Il en vit deux franchir le seuil, haletants, la gueule fumante. Ils se mirent à baver sur lui, à lécher ses bras, sa poitrine, ses jambes, son visage aussi.

Combien de temps ? Il ne put dire. Le fait est que le lendemain il put se lever et sortir. En quelques jours, il fut guéri. Alors, une nuit, il rêva.

Un chasseur inconnu lui apparut en songe, et cet homme lui dit :

« Le faiseur de chamane est entré dans ton corps. Désormais tu pourras soigner. Tu sauras rattraper les âmes ».

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« A mon réveil, dit Kwesalis, je n’avais plus le même esprit. J’étais devenu un chamane. Je n’ai jamais voulu cela, mais c’est ainsi, je n’y peux rien ».

Quand l’ethnologue américain Franz Boas recueilli son témoignage, Kwesalis était encore le plus fameux guérisseur de la côte nord-ouest du Pacifique.

© Henri Gougaud pour Nouvelles Clés.

Très belle journée à tous !

anti

7 Replies to “Henri Gougaud : L’indien et le loup”

  1. valentine

    Il y a quelques jours, dans le canton du Valais en Suisse romande, les chasseurs ont eu la peau du malheureux loup qui avait eu le culot de se repaître de deux ou trois moutons (et ceci avec l’aval des autorités)………….Je n’arriverais jamais à m’y faire!

  2. ramses

    Coucou Valentine !

    A voir : Le parc aux loups des Cévènes.

    A lire : « Variations sauvages » d’Hélène Grmaud, par ailleurs pianiste classique de renommée internationale.

  3. valentine

    Merci Miss et Ramses pour vos liens! J’aime énormément Hélène Grimaud et je découvre son interview à propos de sa rencontre avec une louve. J’aime cette idée de fascination qui ramène à la fibre viscéral de notre être et qui fait place à l’instinct….

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