L’Agence, Alexandre Donders -13-

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L’Agence

(Vous avez l’argent ? Nous avons les comédiens !)

***

Une pièce d’Alexandre DONDERS

Suite des messages précédents

MICHEL STARLIGHT, à Peggy : Mais ce mec est jamais sorti de chez lui ! La seule fois qu’il a pris l’avion, c’était à la foire du trône ! Et sa dernière pièce, c’était une pièce de bœuf au restaurant Planet Hollywood. C’est d’ailleurs tout ce qu’il connaît d’Hollywood !

JACQUES : Et ça prétend écrire des poèmes avec des rimes en «oune» !

ALAIN NAUDIN : Eh bien je… je…

BERNADETTE : Bien. Pour en revenir au fond du débat…

Le téléphone de peggy sonne. Elle décroche .

PEGGY : Ouais…

BERNADETTE, se levant, et se dirigeant vers Peggy : Pardon ? Qu’est-ce que j’entends ? Mais c’est pas vrai d’être irrécupérable à ce point là ! Oh, je te parle, la comédienne ! Je vais t’en donner des cours accélérés, moi ! La méthode Delaunay, ça s’appelle. Tu parles français en une heure où bien t’es remboursée ! (Elle lui donne des claques derrière la tête en lui scandant : ) L’Agence bonjour ! L’Agence, bonjour ! (Peggy essaye de parler.)

PEGGY : Je crois que c’étaient les deux messieurs d’hier soir…

BERNADETTE, qui n’a pas compris : Les deux messieurs d’hier soir ? Mais tu ne t’arrêtes donc jamais ?

Bernadette, après avoir regardé sa main un peu douloureuse, se prépare à remettre une claque à Peggy, après avoir remis en place sa bague.

MICHEL STARLIGHT, se lève et se parle à lui-même : Non, non, non… Tu ne dois pas t’impliquer dans la souffrance de l’autre en souffrant toi-même ! Sinon l’autre peut te le reprocher, parce tu le frustres d’une partie du plaisir dont il te fait cadeau en se tordant de douleur !

JACQUES : J’ai pas tout compris…

MICHEL STARLIGHT, à Jacques, de dos, les mains sur le bureau de Peggy : Ca ne s’adressait pas à toi, Jacques. La plupart du temps, je ne m’adresse qu’à des gens très intelligents. Ceci dit, pour toi, je suis prêt à faire une exception…

JACQUES : Ecoute-le, lui ! C’est facile pour toi de faire des grands discours profonds ! Tu bois pas !

MICHEL STARLIGHT : Il m’arrive de boire, Jacques, mais de temps en temps, je fais des pauses. La nuit, par exemple. Et le matin, au réveil, j’ai une préférence pour le café…

JACQUES : Ca, c’est la meilleure ! Un comédien sobre ! Eh, Starlight, je peux te prendre en photo ? Je l’enverrai à Incroyable Mais Vrai !

BERNADETTE : C’est bon, Jacques… Tu nous saoules, là…

PEGGY : Oui, Jacques, tais-toi, qu’on en finisse !

JACQUES, fier de lui : Moi, c’est l’alcool qui m’a sauvé…

MICHEL STARLIGHT : Bien. Je poursuis, puisque la demoiselle s’impatiente… (Peggy, qui se tenait déjà la tête d’une main, a un geste de l’autre pour se protéger.) N’aie pas peur, petite… Je tartine des triscottes tous les matins, et j’en ai jamais cassé une entre mes doigts… Tenez, en prenant dans le gras du bras, vous pincez en tournant !

PEGGY, qui a peur, crie : Aïe ! (Avant d’avoir mal.)

MICHEL STARLIGHT : Tu vas te tenir tranquille, dis ? Et garde ta voix pour crier quand t’auras vraiment mal !

BERNADETTE : Comédienne… !

MICHEL STARLIGHT, se penche et dit très gentiment à Peggy : L’Agence, bonjour. (Elle n’a pas le temps d’essayer de dire la phrase, il la pince violemment. Elle pousse un hurlement. Il continue jusqu’à s’essouffler, puis s’arrête et montre ses mains à l’assistance.) Et voilà, même pas mal ! (Il va se rasseoir, très fier.)

Alain se lève de façon assez solennelle et s’approche de peggy.

PEGGY, misérablement : Ca, alors, c’est vraiment pas sympa…

BERNADETTE, à Peggy : Tu te tais, toi, la triscotte, sinon je te passe par la fenêtre et on va voir si tu retombes du côté beurré !

JACQUES : Moi, si tu me passes par la fenêtre, je retombe forcément du côté beurré !

ALAIN NAUDIN : T’as peut-être pas mal, mais t’es crevé ! (Il attrape les cheveux de Peggy, et lui tire la tête en arrière.) Là… Tu la tiens bien… Tu as tout ton temps… Elle risque pas d’aller bien loin ou alors sans ses cheveux…

JACQUES : Ca marcherait pas avec moi, ton truc…

ALAIN NAUDIN : Bien… Poursuivons. (Se penchant sur Peggy.) L’Agence, bonjour. (Sans attendre une éventuelle réponse, il donne un coup du plat de la main sur le bureau.)

BERNADETTE : Doucement avec le bureau ! Il est verni !

ALAIN NAUDIN : Et voilà. Normalement je fais ça avec un peu plus d’enthousiasme, mais vous m’avez interrompu, ça m’a gâché le plaisir.

PEGGY : C’est quand même pas sympa d’être pas sympa à ce point-là !

JACQUES, se lève, une règle en fer à la main : L’idéal, c’est d’éviter tout contact charnel avec la victime, à cause des maladies. J’ai appris ça quand j’étais prof de gym dans le Marais, vous allez voir. Vous obtenez tout ce que vous voulez, et plus si affinités… «Frappe qu’un Coup», qu’on m’appelait dans les vestiaires… (Il caresse la tête de Peggy qui a un soubresaut d’effroi. Il lui dit, dans un demi sourire : ) C’est rien, c’est Jacques…

BERNADETTE, à Jacques, qui saisit la main droite de Peggy : Pas la main droite ! Pas la main droite !

PEGGY : Pas la main droite ! Non, pas la main gauche non plus !

BERNADETTE : Si, si, la main gauche c’est ok, vas-y, Jacques ! N’en fais pas trop non plus, Peggy ! (A Alain et Michel : ) De toute façon, elle a toujours eu deux mains gauches !

JACQUES, en tapant comme un sourd sur la main gauche de Peggy : Il est ou ton cousin Germain, là ? Il est ou le petit prince de l’hémoglobine ?

BERNADETTE : N’abîme pas la règle ! Elle est graduée !

JACQUES, s’arrêtant : Et voilà ! Elle aurait une voix plus grave, et elle s’appellerait Michou, je pourrai en faire ce que je veux, c’est tout… (Il retourne s’asseoir.)

Peggy fait mine de se lever.

BERNADETTE : Hopopop ! Tu vas ou, là ?

PEGGY : Chercher un verre d’eau…

BERNADETTE : Et puis quoi encore ? Un Mars et des BN ? Ou tu te crois ? Tu as eu largement le temps de boire quand tu étais dans la cuisine !

MICHEL STARLIGHT : Quoique… Sans eau courante, c’est pas forcément évident… Même dans une cuisine…

BERNADETTE : Elle est comédienne, non ? Alors, elle a qu’a jouer la fille qu’a pas soif ! (à Peggy.) Tu restes assise !

JACQUES : D’abord tu travailles, ensuite seulement, tu bois… Au fait, Peggy, j’ai trouvé un mot pour toi sur ton bureau, je peux te le lire ? (Peggy tend mollement la main pour que Jacques lui apporte le petit mot.) Oh non, je peux te le lire ? J’aime bien lire… Allez, s’il te plaît ! (Peggy lui fait comprendre qu’elle accepte.) «Mon amour…» (Ces deux mots font rire Jacques.)

MICHEL STARLIGHT : C’est vrai que c’est d’une banalité…

ALAIN NAUDIN : Tu vas voir qu’il va lui dire : Je t’aime.

JACQUES, lisant : «Je t’aime … Je vais penser à toi en réparant mon scooter…»

BERNADETTE : Enchaîne, Jacques, on va pas passer la journée sur Peggy !

JACQUES : En fait, c’est tout. C’est tout ce qu’il y’a d’écrit en tout cas…

Peggy s’effondre en pleurant.

ALAIN NAUDIN : Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?

JACQUES : C’est vrai que le style est pas génial…

ALAIN NAUDIN : C’est signé ?

MICHEL STARLIGHT : Tu signerais ça, toi ?

PEGGY, en pleurant, se met à crier de plus en plus fort : DAVID ! (Ce qui a pour effet de le réveiller. Il se relève doucement, en se tenant la tête et le dos.)

MICHEL STARLIGHT : D’ou il sort celui-là ?

JACQUES : C’est rien, c’est David. C’est l’auteur du petit mot…

ALAIN NAUDIN : Ah, c’est le… petit copain…

MICHEL STARLIGHT : Et il était là pendant qu’on…

ALAIN NAUDIN : Quelle jeunesse !

MICHEL STARLIGHT : Autres temps, autres meurs !

David saisit le brigadier et se dirige vers Peggy. Il le lève pour lui asséner un coup violent sur la tête.

BERNADETTE : Doucement avec le brigadier ! Pas plus de trois coups !

David arrête son geste, se ravise, et va tristement s’asseoir sur le bureau de Jacques, qui n’en demandait pas tant. Il paraît très perturbé.

MICHEL STARLIGHT : Il a pas l’air tout à fait net… Il est comédien ?

JACQUES : Non, il est au chômage….

ALAIN NAUDIN : Mon Dieu !

MICHEL STARLIGHT : Quelle honte !

ALAIN NAUDIN : Nous, dans le spectacle, on aime pas beaucoup les chômeurs !

MICHEL STARLIGHT : Chômeur, c’est pire que comédien !

DAVID : Je veux lui faire l’amour… ( Un temps. ) Je veux lui faire l’amour…

ALAIN NAUDIN : A qui ? A qui tu veux faire l’amour, mon garçon ?

JACQUES, caché derrière David, essayant de se faire passer pour lui en contrefaisant sa voix : Je veux faire l’amour à Jacques !

BERNADETTE : Jacques, ça suffit ! Tu sais très bien qu’il préfère les filles !

DAVID : Je veux faire l’amour…A Bernadette ! (Un silence.)

BERNADETTE : Pardon ?

JACQUES : Il a dû se tromper, c’est pas possible !

ALAIN NAUDIN : C’est vrai que c’est assez inattendu…

MICHEL STARLIGHT : Il a beau préférer les filles… Ca calme !

BERNADETTE : Mais c’est absolument hors de question ! Alors, tout le monde peut dire : Je veux faire l’amour à Bernadette, et… Non, je regrette, ce n’est pas aussi simple que ça !

JACQUES : Mais calme ta joie ! Pars pas dans tes délires ! Personne ne te le demande jamais, à part lui, et t’as vu dans quel état il est ! Dis-lui «oui», ça t’engage à rien…

BERNADETTE : Mais je… Non ! C’est non ! Je ne suis pas à disposition…

JACQUES : On te demande pas grand-chose !

MICHEL STARLIGHT, à Bernadette : Il faut reconnaître que tu nous aides pas beaucoup ! Ca m’incite pas vraiment à te confier ma carrière, ça !

BERNADETTE, se reprenant : Eh bien, je… Ce n’est pas la période idéale, mais s’il le faut vraiment, je…

JACQUES, à Bernadette : Tu devrais accepter ! Si ça se trouve, l’occasion se représentera pas avant longtemps ! Vas-y, laisse-toi tenter, on regarde pas .

MICHEL STARLIGHT, à David : David… David… Tu as dû te tromper… Tu voulais dire Peggy…

ALAIN NAUDIN : Il est peut-être gérontophile…

BERNADETTE : Merci bien !

MICHEL STARLIGHT : Mais arrête de prendre tout pour toi, Bernadette ! Il pourrait très bien aimer faire l’amour avec des momies sans pour autant avoir envie de toi !

DAVID : Je veux faire l’amour… A Peggy…

BERNADETTE : Pas de ça chez moi !

ALAIN NAUDIN : N’empêche que c’est mieux…

BERNADETTE : Comment ça, mieux ? J’ai encore de belles réserves !

JACQUES : Qu’est-ce que je t’avais dit ! Trop tard, maintenant ! T’as laissé passer ta chance, je pense pas qu’il reviendra sur sa décision… Surtout s’il retrouve ses esprits !

DAVID : Je t’aime, Maria !

à suivre

anti

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