Oradour sur Glane

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Une note pas très gaie pour commencer la semaine, mais une note importante. En fait, c’est en voulant mettre un lien que je me suis aperçue que je n’en n’avais pas encore parlé sur le blog, mais ailleurs, sur un autre forum. Voilà qui sera donc réparé.

Il y a deux ans, l’été 2007, je suis allée avec les enfants visiter le village souvenir de Oradour sur Glane, village martyr détruit le 10 juin 1944, quelques jours seulement après le débarquement de Normandie.

Tout a été détruit ce jour là, faisant officiellement 642 victimes, hommes, femmes, enfants…

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Le général De Gaulle demandera à ce que les ruines soient conservées telles quel pour le devoir de mémoire et de fait, il en fut ainsi et le nouvel Oradour fut construit à côté.

Déambuler dans ses rues de ruines silencieuses procure un curieux et désagréable effet, mais… je suis contente d’y être allée et contente d’y avoir emmené les enfants qui étaient tout aussi mal que moi, histoire de comprendre un peu que la vie, la guerre, c’est pas un jeu et histoire aussi de se souvenir que malgré la barbarie, la puissance de l’adversaire, la connerie ambiante eh bien, le nazisme n’a pas triomphé !

Il y a eu un rescapé. Un seul. Un enfant de 8 ans. Roger Godfrin. J’ai acheté sur place un livre qui raconte sa terrible journée « Sauve-toi Roger«  paru chez Lavauzelle.

Voici les informations que j’ai trouvées sur le net :

roger2.jpg Roger GODFRIN est né le 4 août 1936 à Charly, à une quinzaine de kilomètres au nord de Metz, en Moselle.

Le 18 novembre 1940, il quitte le village de Charly et s’installe, ainsi qu’une soixantaine de Mosellans expulsés, à Oradour-sur-Glane.

Après le drame d’Oradour-sur-Glane, Roger reste caché une semaine au château de Laplaud avant qu’un cousin réfugié vienne le recueillir.

Ses parents et ses sœurs comptaient au nombre des 642 victimes.

Il sera par la suite souvent associé aux commémorations se déroulant à Oradour et dans son village de Charly qui prend comme nom

CHARLY-ORADOUR en hommage aux victimes du massacre.

En 1953,il est auditionné comme témoin au procès de Bordeaux où comparaissent les Alsaciens, enrôlés de force dans la SS qui ont participé au massacre.

Devenu adulte, il fonde un foyer et aura 2 enfants. Il travaille dans une usine sidérurgique avant d’exploiter un débit de tabac à Basse-Ham. Roger GODFRIN meurt le 10 février 2001,à l’âge de 64 ans.

livre020.jpg » Le samedi 10 juin 1944 vers 14 heures. Nous entendons des bruits qui se rapprochent de plus en plus ; des bruits de mitrailleuses , de mitraillettes.

Notre instituteur, monsieur Goujon nous fait mettre à plat ventre.

Puis nous descendons à l’école enfantine qui se trouve à environ 250 mètres de l’église. Là nous attendons durant une dizaine de minutes ; jusqu’au moment où une sentinelle (un soldat allemand) arrive. Il parle avec monsieur Goujon , puis nous fait mettre en rangs pour que nous rejoignions le rassemblement sur le Champ de Foire.

Au cours de la même semaine, mes parents nous avaient précisé à nous leurs enfants : » Si un jour vous voyez les Allemands, allez vous cacher dans le bois qui se trouve derrière le cimetière ».

Là, maintenant cette recommandation me revient à l’esprit. Je dis alors à mes deux sœurs (Marie-Jeanne et Pierrette) de partir vers ce bois et qu’on s’y retrouverait tous.

Je prends la direction du cimetière.

Deux sentinelles me refoulent.

Elles auraient pu me tirer dessus ; j’étais à 20 mètres de leurs fusils-mitrailleurs.

Je fais demi-tour. Je me cache. J’aperçois monsieur Thomas, le patron de mon père ; lui aussi il essaie d’échapper à la tuerie. Il m’amène à sa maison (en construction) sur la route des Bordes.

Nous empruntons un petit chemin. Nous entendons des voix qui s’expriment en allemand. Nous nous couchons derrière une grille, à l’abri de laquelle se trouvent déjà allongés madame Daltchtein, sa nièce et son frère Bertrand.

Les voix des deux sentinelles se font de plus en plus distinctes.

J’entends encore leur rire sadique.

Et puis à cet instant-là, les mitrailleuses crépitent de partout.

Françoise me tient par une cheville, je parviens à me libérer. Grâce à ma petite taille (je n’ai que sept ans et demi) et à l’importante végétation de ce mois de juin, je réussis à passer et à m’enfuir.

Je suis : « fusillé » .

Donc je me camoufle. Je traverse les champs de céréales, pour rejoindre le hameau de Laplaud. J’ai peur, bien-sûr. Vous savez à sept ans et demi, quand on entend tout ces coups de feu…

Je m’allonge à terre.

Peut-être ai-je alors un malaise, je ne sais pas.

J’entends un bruit.

Je crois qu’il s’agit de serpents, dont j’ai très peur.

Mais non : il s’agit d’un petit chien que j’appelle Boby. Il me suivra partout… Il me faut traverser la route des Bordes. Or, des chenillettes passent, montent vienne des Bordes à Oradour.

J’en entends une ; je la vois ; je m’apprête à traverser la route, mais je ne m’aperçois pas qu’une autre chenillette monte vers les Bordes avec six soldats à l’arrière, côte à côte et dos à dos.

Je traverse la route des Bordes avec mon petit chien Boby en direction de la Glane. On me tire dessus ; sans résultat : ma petite taille me sauve la vie.

J’arrive au bord de la Glane ; je saute dans l’eau ; je gagne l’autre rive, monte sur les berges et parviens à me coucher derrière un gros chêne(à moins que ce soit un châtaignier).

J’entends une dernière rafale. Les voix des Allemands s’éloignent de plus en plus.

Je me dit alors :  » Bon ils s’en vont ! »

J’ai le courage de me relever. Sur l’autre rive, il y a mon petit Boby.

La dernière rafale que je viens d’entendre, c’est lui qui l’a prise.

Épouvanté à outrance, épuisé, ému, je m’écroule…

Gabriel, un cantonnier qui habite au hameau de Laplaud me découvre là.

Il me transporte au hameau de Laplaud chez la vicomtesse de Saint-Venon. Et la famille Pincemaille, réfugiée ici comme nous, me récupère alors.

Je suis blessé mais ce n’est pas par des balles : les ronces m’ont « arraché » le torse et les cuisses ; j’ai perdu un soulier en sortant de l’école.

Ce soir, nous allons dormir dans le bois. Le lendemain matin, nous revenons à Laplaud.

L’après-midi, on voit encore des flammes sur Oradour.

Une personne nous indique que : « Deux hommes transportent quelqu’un sur une brouette » ; il s’agit de madame Rouffranche , la seule : » évadée miraculeuse » de l’église.

Précédemment, on l’avait toujours dit :

– Oh tu sais ! Ton papa, ta maman, tes frères, tes sœurs , ils ne sont pas morts ! :  » Ils  » les ont mis de côté. Ils ont seulement brûlé les maisons.

Mais là, quand madame Rouffrance est arrivée, je la vois blessée, avec les cuisses et le bas-ventre en sang.

Elle affirme :

« Ils ont tué tout le monde , et ils ont brûlé tout le village » .

C’est alors que je comprends que mon père, ma mère, trois sœurs et un frère sont morts à Oradour.

Je reste à Laplaud, chez monsieur Pincemaille, durant 4 ou 5 Jours, jusqu’à l’arrivée de Julien Weber (expulsé comme nous et demeurant au Charrier , commune de Saint-Gence près de Nieul.)

Il dit à monsieur Pincemaille : » Je suis le cousin germain de la Georgette : » je viens chercher le Roger, c’est un cousin germain, lui aussi ».

Je pars donc chez lui, au Charrier, pour plusieurs mois (six ou sept).

A la fin de la guerre, le frère de ma mère ; Emile Maillard est venu (il fut libéré après 29 mois de camp de concentration en Haute-Silésie).

Il dit à Julien Weber :

– Écoute je suis le frère de la Georgette et c’est à moi de récupérer le Roger !

Je suis rapatrié le 17 Août 1945.

A la gare de Metz , on me reçoit : » avec les honneurs militaires » .

Madame Ségolène de Wendel (la grande entreprise de Wendel) dira même : » le jeune héros d’Oradour est revenu en Moselle ».

En l’espace d’un an, moi j’ai changé trois fois de parents parce que j’ai perdu mes parents, le 10 Juin 1944 à Oradour sur Glane.

Je suis donc resté huit jours chez monsieur Pincemaille ; puis six mois chez monsieur Weber ; puis je suis arrivé chez monsieur Maillard.

C’est ma vie , et c’est tout…

Roger Godfrin lors de la visite du général De Gaulle à Oradour en mars 1945 .

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A lire, un article complet sur la Wiki et sur Oradour-Souviens-toi d’où proviennent les photos noir & blanc.

anti, qui n’a pas la mémoire qui flanche…

6 Replies to “Oradour sur Glane”

  1. Anna Galore

    L’horreur, comme il y en a eu tant d’autres et des pires…
    Et comme il y en a toujours, ailleurs, sur d’autres fronts, pas forcément lointains – il y a encore quelques années en plein coeur de l’Europe.
    A croire que l’Histoire ne nous apprend rien.

    Le récit est vraiment très émouvant.

  2. Kleman

    C’est un témoignage fort et « vivant » de ce qu’à pu être l’inhumanité humaine durant cette période,
    et pas à plusieurs milliers de kilomètres, c’était chez nous…

    j’aimerai bien y aller, voir et vivre ces émotions, comprendre…
    je suis passé plusieurs fois à côté
    peut être la prochaine fois que je rends visite à Céline en voiture

  3. anti

    L’histoire apprend à ceux qui savent déjà… malheureusement. Rappelle-toi une discussion que nous avons eu il y a peu Anna sur l’avenir de la planète…

    Ado, je me suis passionnée d’histoire de la seconde guerre mondiale. J’étais amoureuse d’un garçon qui ne s’intéressait qu’à cette période de l’histoire, alors, je me suis tout fadé ce qu’il y avait de possible et imaginable afin de pouvoir discuter avec lui. C’était terrible… Je crois que j’ai perdu foi en l’humain à cette période. Je n’ai jamais voulu aller dans un camp de concentration, je n’en n’ai plus la force, je sais trop ce qu’il y a eu là-bas, dans le détail. Tu vois, à chaque fois que je lisais un de ces livres, je prenais le suivant en me disant que dans le prochain, il y aura un semblant d’âme humaine chez ces êtres. Mais rien. Rien du tout. Au contraire, ça devenait de pire en pire. Plus j’apprenais, plus je voulais en savoir et plus c’était l’horreur. De me souvenir de ces lectures me fait mal au ventre et me donne envie de pleurer. Fabrice, lui, mon amoureux de l’époque, un tout doux, s’est envoyé une balle dans la tête. Il s’est raté. Dommage. Il est maintenant aveugle et tétraplégique.

    Malgré toutes les horreurs commises, l’ampleur de la cruauté, comme je le disais dans ma note, le mal a perdu. Suffisamment de personnes ont su s’allier pour vaincre et c’est ça que j’ai voulu montrer surtout aux enfants. Des salauds, ça existe,faut s’en méfier comme de la peste mais, ils sont vulnérables. Ils peuvent perdre et d’ailleurs, ils ont toujours perdu jusqu’à présent.

    Si tu as l’occasion Kleman, vas-y. Ca vaut le détour.

    anti

  4. Le Roy

    Il y a une bonne quinzaine d’années, je suis allée visiter ce village ravagé par la guerre. Malgré le temps, cet endroit est encore chargé de la terreur des victimes. Entre les ruines d’une maison, une vieille machine à coudre. Sur un reste de pignon, des roues de vélo rouillées et tordues. Quelques morceaux de vaisselle par endroits et des traces de suie qui ne font qu’accentuer l’horreur de la destruction. Cet endroit marque à jamais un esprit sur la capacité des hommes à être féroces envers les leurs. Pour comprendre la réalité d’une guerre, Oradour sur Glane est un exemple bien triste.

  5. ramses

    N’oublions jamais Oradour sur Glane…

    Les hommes (environ 300) furent regroupés et tués à la mitrailleuse.

    Les femmes et les enfants (environ 400) furent tués à l’intérieur de l’Eglise, à laquelle les barbares avaient mis le feu…

    Il n’y eut que 6 survivants, 5 hommes et une femme et aussi Roger, qui a réussi à s’échapper…

    http://oradoursurglane.free.fr/index2.htm

  6. sylvia

    J’ai visité ce village lorsque j’avais douze ans. Je n’étais plus la même quand j’en suis sortie. J’ai encore la même envie de vomir et de pleurer presque trente ans après…

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