Le cinquième rêve

Au début, le Grand Esprit dormait dans le rien.
Son sommeil durait depuis l’éternité.
Et puis soudain, nul ne sait pourquoi, dans la nuit, il fit un rêve.
En lui gonfla un immense désir…

Et il rêva de la lumière.
Ce fut le premier rêve. La toute première route.

Longtemps, la lumière chercha son accomplissement, son extase.
Quand finalement elle trouva, elle vit que c’était la transparence.
Et la transparence régna.

Mais voilà qu’à son tour,
ayant exploré tous les jeux de couleurs qu’elle pouvait imaginer,
la transparence s’emplit du désir d’autre chose.
A son tour elle fit un rêve.
Elle qui était si légère, elle rêva d’être lourde.

Alors apparut le caillou.
Et ce fut le deuxième rêve. La deuxème route.

Longtemps, le caillou chercha son extase, son accomplissement.
Quand finalement il le trouva, il vit que c’était le cristal.
Et le cristal régna.

Mais à son tour, ayant exploré
tous les jeux lumineux de ses aiguilles de verre,
le cristal s’emplit du désir d’autre chose, qui le dépasserait.
A son tour, il se mit à rêver.
Lui qui était si solennel, si droit, si dur,
il rêva de tendresse, de souplesse et de fragilité.

Alors apparut la fleur.
Et ce fut le troisième rêve, la troisième route.

Longtemps, la fleur, ce sexe de parfum, chercha son accomplissement, son extase.
Quand enfin elle trouva, elle vit que c’était l’arbre.
Et l’arbre régna sur le monde.

Mais vous connaissez les arbres. On ne trouve pas plus rêveurs qu’eux
(ne vous amusez pas à pénétrer dans une forêt qui fait un cauchemar). L’arbre, à son tour, fit un rêve.
Lui qui était si ancré à la terre,
il rêva de parcourir librement, follement, de vagabonder au travers d’elle.

Alors apparut le ver de terre.
Et ce fut le quatrième rêve. La quatrième route.

Longtemps, le ver de terre chercha son accomplissement, son extase.
Dans sa quête, il prit tour à tour
la forme du porc-épic, de l’aigle, du puma, du serpent à sonnette.
Longtemps, il tâtonna.

Et puis un beau jour, dans une immense éclaboussure…
Au beau milieu de l’océan, un être très étrange surgit,
en qui toutes les bêtes de la terre trouvèrent leur accomplissement,
et ils virent que c’était la baleine.

Longtemps cette montagne de musique régna sur le monde.
Et tout aurait dû en rester là, car c’était très beau.

Seulement voilà …
Après avoir chanté pendant des lunes et des lunes,
la baleine, à son tour, ne put s’empêcher de s’emplir d’un désir fou.
Elle qui vivait fondue dans le monde, elle rêva de s’en détacher.

Alors, brusquement nous sommes apparus, nous les hommes.

Car nous sommes
le cinquième rêve, la cinquième route,
en marche vers le cinquième accomplissement, la cinquème extase.

Si nous voulons trouver notre propre accomplissement, notre propre extase,
et passer peut-être à la suite du jeu,
il nous faut écouter et respecter, comprendre
la lumière, le cristal, l’arbre et la baleine.

Faites très attention, car :

Dans la moindre couleur, toute la lumière est enfouie
Dans tout caillou du bord du chemin, il y a un cristal qui dort
Dans le plus petit brin d’herbe, sommeille un baobab
Et dans tout ver de terre, se cache une baleine

Quant à nous,
nous ne sommes pas le plus bel animal,
nous sommes le rêve de l’animal.
Et ce rêve est encore inaccompli.

Que se passerait-il si nous éliminions
la dernière baleine qui est en train
de nous rêver ?

« Le cinquième rêve » est une légende amérindienne, rapportée dans le livre éponyme de Patrice van Eersel. Je l’ai découverte il y a quelques jours sur le blog de notre ami Antiochus, qui m’a aimablement encouragée à le diffuser ici.

La première photo est de moi, la seconde d’Anti.

5 Replies to “Le cinquième rêve”

  1. voiedoree Post author

    Confirmation de ce que j’ai toujours pensé…..

    très profond

    « nous sommes le rêve de l’animal »

    oui, non encore accompli mais ce temps est proche…

    voie prophétée

  2. ramses Post author

    Très beaux, ces rêves…

    Espérons que le 6ème sera encore plus beau, concentrant les 5 premiers pour les réconcilier.

  3. Sapotille Post author

    Une parole du Mahatma Gandhi:

    « On peut évaluer le degré de civilisation d’un peuple à sa façon de considérer les animaux ».

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