In-a-gadda-da-vida, l’impro défoncée devenue un hit

Le 27 mai 1968, alors que la France est en plein chaos après une grève généralisée à tous les secteurs d’activité, loin, très loin de là, dans un studio de Long Island aux USA, le groupe californien psychédélique Iron Butterfly s’ennuie en attendant que son producteur arrive. L’ingénieur du son leur demande alors de jouer un truc, n’importe quoi, afin de profiter de ce temps mort pour qu’il puisse faire ses réglages.

iron butterfly

Les musiciens sont dans un état second – drogue, alcool, la totale. Ils décident de se lancer dans des variations improvisées autour d’un thème qu’ils ont dû jouer entre eux une ou deux fois avant d’arriver au studio, sans jamais en avoir fait une vraie chanson jusque-là. Doug Ingle, le chanteur, est raide défoncé au LSD. Il utilise quelques vers très basiques, d’une banalité affligeante : « Dans le jardin d’Eden, chérie, ne sais-tu pas que je t’aime ? Dans le jardin d’Eden, ne sais-tu pas que je serai toujours sincère, bébé ? Oh, viens avec moi et prends ma main, oh viens avec moi et parcourons cette terre.« 

C’est tout, fin des paroles. Il va les répéter en boucle, au début et à la fin du morceau. Sauf que Ingle est tellement barré qu’il n’arrive pas à articuler « In the garden of Eden » et le déforme, d’une voix pâteuse, en « In-a-gadda-da-vida« .

iron butterfly 2

Mais un miracle se produit. Les musiciens sont, comme très souvent à cette époque, des instrumentistes brillants, aux références culturelles multiples. Même défoncés – ou peut-être parce qu’ils le sont – ils créent un morceau qui va devenir un pilier de l’histoire du rock. Riffs lourds et entêtants, ambiance pseudo orientale, solo de guitare, solo de clavier et surtout extraordinaire solo de batterie de Jack Pinney qui va marquer les mémoires, non seulement parce qu’il est d’un équilibre parfait sans jamais tomber dans l’étalage gratuit de virtuosité, mais aussi parce que l’ingénieur du son va s’amuser à appliquer dessus un effet sonore alors tout nouveau, connu sous le nom de phasing.

Le phasing, c’est un filtrage des fréquences d’un son qui évolue de façon continue, comme une vague en pleine mer qui monte et redescend lentement. Cet effet est à l’époque utilisé sur les guitares ou les orgues. C’est la première fois qu’il va l’être sur une batterie. Résultat, les toms vont sonner cycliquement de plus en plus aigus puis de plus en plus graves et le tout oscille d’un bout à l’autre du solo. D’autres batteurs ont repris cette idée plus tard, dont John Bonham, mais ce sera l’objet d’un autre volet de Culture Rock.

L’improvisation, d’une durée totale de 17 minutes, est enregistrée en une seule prise, la première. Quand le producteur est arrivé et qu’il l’a entendue, il a décidé de la garder sans aucune modification. Comme il ne manque pas d’humour, le titre phonétique est conservé.

Ce morceau fait partie, avec quelques autres de la même époque, de ceux qui préfigurent la naissance du heavy metal, tels que Summertime Blues (Blue Cheer), Voodoo Child (Jimi Hendrix) et Born to be wild (Steppenwolf). Le disque va se vendre à 30 millions d’exemplaires dans le monde, uniquement pour ce morceau-là. Pas mal pour un bœuf entre mecs défoncés.

Très belle journée à vous

8 Replies to “In-a-gadda-da-vida, l’impro défoncée devenue un hit”

  1. valentine

    Salut les défoncés de la culture Rock tendance Heavy Métalleux! MERCI ANNA!
    Grâce à toi j’ai pu faire une cure de « jeunisme » incontrôlée et surtout incontrôlable….
    43 ans et demi (le demi est très important quant on retombe ado!) de come back, WAHOU…la défonce! LA TÊTE DANS CES « PUT…. de tiroirs à la C.. où c’est de toute façon c’est le Bordel intégral…. pour retrouver ce tube incontournable qui m’a fait « grandir » musicalement, n’en déplaise aux  » Pissefroids » accrocs de la musique de chambre!
    Tu m’as fait faire un grand pas dans ma culture rock…car je ne connaissais pas le fin mot de ce morceau …d’autant plus Mythique pour moi maintenant, car étant le digne reflet d’une époque sans tabous et (…presque) sans interdit!
    Que (d’auto) censure depuis…
    J’ai « découvert » ce 33 tours en 1970… et oui un peu attardé le mec… (mais après je me suis rattrapé!) grâce à un pote Rock and roller de Genèèèvve (…en Suisse, là où Moscovici aimerait bien grappiller …pas du Chasselas …mais quelques tunes!) Valentine écoutait du Jazz, du Reggiani et surtout Léo (C’est extra…) et moi G.F.Railroad et Iron Butterfly…. C’était pas gagné!
    Et 43 ans et demi (!) après nous sommes toujours sur la route… de Menphis ensemble!
    Longue Vie aux notes CULTURE ROCK de ce blog et à mon humble avis, cela va pas être Tino Rossi ( avé tout le respect que je lui porte et surtout je veux pas d’ennuis avé les Corses) que nous allons écouter à Noyèl!!!
    Musicalement et culinairement vôtre, Le Chef

  2. dominique

    merci pour le « documentaire »
    moi non plus je ne connaissais pas l’histoire mais je connaissais le morceau depuis 1970, époque collège, et depuis toujours eu un 33T puis un CD, parfois offert un exemplaire à de jeunes batteurs…
    merci Anna

  3. dominique

    née en 56 !
    un seul chat à la maison (mais il en vaut bien 2 ou 3 avec ses 8 kg sur la balance) et un autre, une réfugiée, sur le lieu de travail.
    quel plaisir votre blog, je laisse rarement des commentaires mais je suis toujours d’accord.
    encore merci

  4. didier

    superbe ce morceau que j’ai écouté des dizaines de fois

    anecdote: la personne qui allait devenir ma femme m’avait emprunté le 33 tours qu’elle passait en boucle chez sa copine, mais sans moi…

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