Profanation

Charlie

« Tu as tué un être innocent qui n’avait jamais tué personne, tu as commis une chose affreuse » (Coran, sourate 18, verset 74).

Le carnage perpétré hier dans les locaux de Charlie Hebdo nous a tous profondément choqués. Charlie, qu’on l’aime ou pas, ça n’a jamais été juste un journal. C’est l’esprit même de la liberté, l’humour qui ne s’interdit rien, l’indépendance vis à vis de tous les pouvoirs. Qu’on connaisse ou pas des gens qui y travaillent, Charlie, c’est nos potes, c’est nous.

Nous sommes tous en deuil. Nous sommes tous aux côtés des proches des victimes et nous mêlons nos larmes aux leurs. Nous sommes tous soulagés de savoir qu’il y a eu quelques rares rescapés.

Parmi ceux d’entre nous qui sont engagés dans la cause animale, nous avons été des dizaines à appeler Luce Lapin, journaliste qui écrit sur la protection animale depuis vingt ans dans les colonnes de Charlie. Elle m’a rappelé vers 13 h, en larmes, dévastée. Elle a échappé à la mort par miracle : elle s’était absentée de la salle de rédaction deux minutes avant l’arrivée des meurtriers pour prendre quelque chose dans son bureau. En entendant les premiers coups de feu, Luce a cru qu’il s’agissait de pétards et a voulu aller voir. Une collègue l’a aplatie au sol alors que l’enfer se déchaînait à quelques mètres, tuant Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Bernard Maris, Michel Renaud, Moustapha Ourrad, deux policiers (Franck Brinsolaro dans les locaux et Ahmed Merabet à l’extérieur), Frédéric Boisseau et Elsa Cayat. Il y a aussi onze blessés dont quatre dans un état critique. Parmi eux, Fabrice Nicolino. L’urgentiste Patrick Pelloux, chroniqueur de l’hebdo et président d’honneur du CRAC Europe, est indemne.

Oui, Charlie a publié des caricatures qui se moquent du Prophète, et aussi du Pape, des rabbins, du PS, de l’UMP, du FN, des chasseurs, des agriculteurs, de la corrida… Des personnes se sont senties outragées, d’autres ont ri. Et alors ? Dans un pays de liberté, le blasphème n’existe pas. Dans un pays de liberté, on ne tue pas quelqu’un parce qu’il dit quelque chose de désagréable ou de drôle, suivant le point de vue qu’on en a. Dans un pays de liberté, on s’exprime, on débat, on rit, on pleure, on va éventuellement devant un tribunal mais on ne fait pas taire un coup de crayon par un tir de kalachnikov.

Charb se demandait dans une de ses chroniques il y a quelques mois quel dieu pourrait être si faible qu’il aurait besoin de se faire aider par des hommes pour prendre sa défense et quel croyant pourrait être si prétentieux pour croire qu’il va sauver à lui seul l’honneur de son dieu.

Comment peut-on être aussi lâche que ceux qui ont fait ça et en sont fiers… Eux qui ont crié au blasphème, ils sont les seuls à avoir commis une profanation, celle contre la liberté.

Les arriérés qui ont voulu tuer Charlie ont échoué. S’ils veulent vraiment tuer Charlie, ils devront nous tuer tous. En voulant faire taire dix personnes, ils en ont soudé des dizaines de millions, y compris hors de nos frontières.

Nous sommes tous avec Charlie. Nous sommes tous Charlie.

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6 Replies to “Profanation”

  1. valentine

    Nous sommes encore sous le choc! Le sentiment quelque part d’avoir touché le fond.
    Les « anciens » de Charlie font partie de nos vies.
    Les dessinateurs vaudois ont dit: « ils ont touché à quelque chose de sacré ».
    Oui, je suis Charlie, avec vous tous et vive la liberté d’expression sans quoi nous ne serions que des ectoplasmes.
    Pensées aux disparus, leurs familles et proches. Cabu, Wolinski, je vous pleure.

  2. Lison

    Triste nouvelle. Personne n’a le droit de prendre la vie a qui que ce soit.
    Nous sommes de tout cœur avec vous.

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