Wazo

Durant le salon littéraire où nous étions ce weekend, Robert Notenboom a fait une conférence passionnante sur la prosodie et la langue française. Car pour lui, s’il est bien une langue parfaitement adaptée à la poésie, c’est le français. Je ne vais pas vous décrire ici l’argumentaire détaillé qu’il développe pour étayer son propos. L’intégralité de sa conférence devrait d’ailleurs être publiée prochainement par une maison que tout le monde ici connait bien et nous aurons donc l’occasion d’en reparler.

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Ce sur quoi je voudrais revenir, en revanche, c’est sur une anecdote fascinante qu’il a racontée. Mais auparavant, il est important de rappeler dans quelles circonstances Robert est tombé amoureux de notre langue. Car lui, bien que né à Paris, n’avait rien de français. De père néerlandais et de mère allemande, il avait coutume de parler allemand chez lui. Mais à l’âge de huit ans, il s’est retrouvé face à un obstacle monumental. La guerre venait d’être déclarée et le jeune garçon devait donc non seulement apprendre impérativement à parler très vite parfaitement le français mais de plus, sans aucun accent étranger – toute trace de germanité dans ses mots ou sa voix pouvant lui être fatal.

Fort de cela, Robert a pu donc affirmer à l’auditoire sans risque d’être démenti que s’il pensait autant de bien du français, ce n’était pas par chauvinisme mais en raison de sa découverte émerveillée de notre langue dans toutes ses nuances les plus subtiles. Et, pour ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de l’entendre parler, il ne fait nul doute que ses origines non-francophones sont rigoureusement indétectables. Quant à sa façon de s’exprimer, elle est d’une orthodoxie parfaite, sans parler de ses poèmes qui sont d’une rare beauté.

J’en viens à l’anecdote. De tous les mots que le jeune Robert eut à apprendre, celui qui le fascina le plus fut « oiseau ». Pourquoi ? Parce que, dans ce mot d’apparence si banale, aucune des lettres qui le composent ne se prononce comme elle le devrait si on les prend une à une.

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Le O et le I ne se prononcent ni o, ni i, ni oï mais wa. Le S ne se prononce pas comme un s mais comme un z. Ensuite viennent les trois dernières voyelles, E, A et U qui ensemble ne se prononcent ni e, ni a, ni u mais o. Et c’est ainsi que des six lettres du mot oiseau, aucune n’a la prononciation qu’elle aurait dû avoir prise isolément. Amusant, non ?

J’ai demandé à Robert, après sa conférence, s’il connaissait d’autres mots ayant la même curieuse particularité. Il m’a dit qu’en effet, il en avait rencontrés mais qu’il ne saurait plus dire lesquels. Si vous en connaissez, n’hésitez pas à venir nous le dire ici.

Très belle journée à vous

Première photo d’Anti, l’autre de moi

5 Replies to “Wazo”

  1. Terrevive Post author

    Très intéressant !
    Amusant le « wazo » ! Je ne vois pas pour l’instant de mots à dire en ce sens, mais deux mots qui s’écrivent pareil et qui n’ont pas le même sens dans l’exemple :
    « Les poules du couvent couvent ».

    Je crois que l’on a de quoi marquer plein de choses à ce sujet.

  2. Anna Galore Post author

    Robert citait l’exemple du mot « oiseau » pour ensuite commenter le fait que les réformes orthographiques qui se sont succédées depuis que l’orthographe existe ont encore de beaux jours devant elles si leur but est de simplifier la façon dont nous écrivons les mots tout en évitant la perte de sens.

    Ton exemple, lui, se situe au sein d’une autre sphère, celle de la traduction automatique : deux mots écrits avec les mêmes lettres mais ayant des sens totalement différents (et des prononciations différentes également) que seul le contexte permet de comprendre. Dans ce domaine-là, en effet, les exemples abondent et il suffit de jouer quelques minutes avec Reverso ou Google Traduction (en leur soumettant quelques phrases au hasard extraites d’un roman en français vers une autre langue puis en leur re-soumettant la traduction obtenue pour la passer à nouveau en français) pour voir qu’aucun logiciel de traduction n’est encore capable de fonctionner de façon satisfaisante – et de très loin.

    Un exemple très amusant dans le genre est « La chair est faible mais l’esprit est fort » qui donne en anglais (avec ce type de traducteur) l’équivalent de « la viande est pourrie mais l’alcool est bon ».

  3. Netsah Post author

    sur les jeux de traduction :
    http://www.ackuna.com/badtranslator

    vous écrivez votre phrase, en anglais ou en français, vous choisissez le traducteur ou les traducteurs automatiques, et le nombre de traductions avant le résultat final (max. 56 conseillé) et c’est parti.
    J’en partage régulièrement sur leur compte facebook. On obtient des fois des choses très drôles.

    Sinon pour les mots comme oiseau, il y a « monsieur » et « aimant » qui n’en sont pas loin.. mais entièrement avec des sons inattendus par rapport aux lettres.. je vais y réfléchir.. je me souviens quand j’étais petit je m’étais fait la réflexion sur plusieurs mots..

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