Présence du chamanisme – Nouveau courrier : Langues et montre molles.

rellotges_tous_dali_persistencia_de_la_memoria_la_clau.jpg36ème courrier : Langues et montre molles.

Bonjour.

Les dates des 2 prochaines soirées au « temps du corps » ont été modifiées. Elles auront lieu les vendredi 20 mai et 17 juin à 20 h 15.
20 mai : dépasser ses peurs pour incarner son mandat céleste & 17 juin : défaire les stagnations.

Un bref résumé de la soirée de vendredi dernier au « temps du corps ». Ce soir-là, dans une salle aussi attentive que remplie, j’ai pu reprendre les données du texte sur les Loges (voir 35e courrier) et y ajouter quelques données pratiques concernant le thème dominant de cette année : reconstituer sa dignité corps-âme, esprit et tout ce que cela implique au niveau des gestes (ritualiser son quotidien en ralentissant certains gestes pratiques ou en les détaillant intérieurement) de façon à reconstituer une sensation d’être plutôt que de machine à faire et à s’adapter, à vivre subtilement et pas mécaniquement. Tout cela adapté au qi gong ou à la pratique du sport de manière à se sentir vivre plutôt que de courir sans souffler (souffle= psyché=âme)

Salvador Dali avait inventé les « montres molles », superbes, étranges et inutilisables… Elles pendent, mollement. Que se passe-t-il quand on parle une langue molle ? Un linguiste de grand talent, Pierre Encrevé, a dans un article de « Libération » (19 avril 2011) étudié la langue parlée par le Président, actuel, de notre pays dont il constate avec déplaisir qu’elle est partagée par beaucoup. Remarquable analyse d’un homme déchu qui a, par sa langue incohérente, détruit sa fonction de l’intérieur et abaissé sa dignité en même temps que celle de la collectivité qu’il prétendait incarner.

La langue, dit P.Encrevé, c’est d’abord du corps. Quiconque parle une langue inconsistante, au lieu de celle exigée par sa fonction, abaisse ladite fonction : enseignant, parent parlant l’adolescent (je sais pas trop…, machin, truc, tu vois, voilà, etc.), thérapeute, tout le monde doit parler une langue laissant aux forces impersonnelles de l’univers l’espace pour s’exprimer. Sinon, ayant abaissé sa fonction par ses gestes et ses mots, on perdra en crédibilité faute d’assise interne. Et on ne sera bien nulle part. La vraie vie sera toujours ailleurs… c’est-à-dire jamais.

Ont disparu de la langue moderne, parlée par beaucoup, les liaisons (l’invariable quatre – donc sans s- accolé à éléphants est prononcé quatrezéléphants ; ilzont pas au lieu de ils n’ont pas ; une espèce d’oiseau : devient un espèce d’oiseau quand le mot espèce, pourtant féminin, devient masculin quand il est accolé à un autre, masculin).

Que se passe-t-il quand celui qui parle ne prend pas le temps de se demander de quoi il parle ? La peur règne quand on ne prend pas le temps de se poser face à autrui. Et on donne à effectuer à son interlocuteur la totalité du travail de compréhension de la situation.

On s’abaisse devant autrui aussi en construisant ses phrases sans faire attention à la présence nécessaire de négations pour dire son positionnement : ils ont pas, je crois pas, je sais pas, y vient pas… A l’observation, lors de séances de thérapies, les personnes qui ne posent ni leur oui, ni leur non sont sans cesse ballotées, n’ont aucune cohérence dans leurs décisions, sont traitées comme des objets utiles ou inutiles, jamais respectées. Quel crédit peut-on avoir quand le oui que l’on dit soutenir n’est pas soutenu par la force d’un non potentiel qui lui donne de la valeur ?

De même, comment protéger son intimité ou celle d’autrui, quand ont disparu les formes élégantes de l’interrogation qui posent l’adverbe en tête de phrase ? Quand « où es tu ? » devient « t’es où » ? Et s’accompagne de « tufaisquoi ? »

Cette absence de distance nécessaire entre l’autre et soi, entre la fonction que l’on incarne et son monde intime, engendre vie ballottée, position d’objet jetable, indignité permanente.

Un langage pauvre en nombre de mots (aspect quantitatif) et qualitativement effondré (mots coupés de leurs racines, donc de leur énergie première) entraîne une vie émotionnelle perturbée. S’il y a peu de mots disponibles pour s’exprimer comment les chocs venus d’ailleurs ou du dedans vont t’ils être intégrés ? Plus on a de mots disponibles et pleins d’énergie (aspect étymologique), plus on a de solutions permettant à son corps-être de se sentir tranquille.

Combien de personnes prononçant le mot « dépression » se rendent compte qu’elles tentent de diminuer (dé) une pression. Qui parlant de déprime se rendent compte qu’elles décrivent une perte de prime et donc de leur propre valeur ? Quand on parle d’émotion, n’y a-t-il pas une motion (mise en mouvement subie) qui a lieu ?

Un collègue me disait : « c’est par la qualité de son expression que l’on construit sa vie : expression moche=vie moche ». Et une collègue récemment, me parlant de la langue parlée par ses patients hommes ou femmes, me disait « faut-il s’étonner que quand on parle n’importe comment, on vive n’importe comment et qu’en disant n’importe quoi, on vive n’importe quoi ? » Et une autre ajoutait : « les personnes qui parlent n’importe comment se font traiter n’importe comment, sont tout le temps insatisfaites, tristes et malheureuses ».

2011, année 12 roseau (roseau = langue, flexibilité du corps et de l’esprit, culture de haut niveau, transmission de valeurs de noblesse) est l’année pour récupérer la noblesse de son expression et de pouvoir s’exprimer, comme le font de nombreux peuples en ce moment. Chaque année offre une possibilité de surmonter les conditionnements transmis par la culture du milieu d’origine, le destin, le temps et l’espace vécus.

Pour remodeler sa vie, chacun a sous sa propre gouverne son corps, la langue qu’il parle, les gestes qu’il effectue. Un projet de grande taille qui n’est pas accompagné d’une transformation de ces 3 niveaux ne peut avoir d’assise solide.

Étude des gestes et des mots les plus justes qui redonnent du temps pour se sentir être un vrai vivant plutôt qu’un objet rebondissant, ballotté, malheureux. Chacun doit trouver ses propres moyens d’y accéder : ateliers d’écriture, dictionnaires, cours de toutes sortes, reprise d’une psychanalyse où l’on entend comment on s’adresse à soi ou à autrui… Tout cela doit avoir lieu avec une intention claire pour agir là où la vie doit se reconstruire.

Cordialement.
J.G.Foucaud

* * * * * *

anti

2 Replies to “Présence du chamanisme – Nouveau courrier : Langues et montre molles.”

  1. anti

    Oui, le langage est un impondérable d’un bon équilibre.

    Au début est le Verbe…

    Merci pour le lien vers l’article de Pierre Encrevé que je viens de rajouter dans l’article avec, en bonus, la vidéo des Inconnus « Cé ton destain » qui illustre tellement bien les propos de Jean-Gabriel.

    anti, allez ! Prantouazenmin !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *