Pétrole, le commencement de la fin

L’expression est encore peu fréquente dans les médias mais va le devenir dans les mois qui viennent. Nous sommes en train d’atteindre, voire de dépasser, ce que l’on nomme le pic pétrolier, c’est à dire le point à partir duquel la production mondiale de pétrole va décroître jusqu’à l’épuisement définitif de cette ressource.

pic pétrolier.jpgCertains pays ont déjà annoncé qu’ils avaient passé le pic de leurs réserves, comme l’Algérie (début 2010) ou les pays de la mer du Nord (dès 2000). L’agence de l’énergie américaine le prévoit pour 2012 au plus tard (graphique ci-contre).

En France, l’ASPO (Association pour l’étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel) confirmait il y a quelques mois qu’en effet, le pic est atteint et estime, comme beaucoup d’autres, qu’il n’y aura plus une seule goutte de pétrole disponible d’ici 2050 au plus tard. Voici quelques extraits des explications données par l’ASPO. Ceux d’entre vous qui souhaitent lire plus en détails les méthodes d’estimation des réserves peuvent se reporter à l’article intégral dont j’ai donné le lien.

Le pic pétrolier

Plus de la moitié du pétrole est consacrée aux transports, en général totalement dépendants de ce liquide.

Les réserves mondiales de pétrole sont estimée à environ 1250 Gb (Gb = milliards de barils, b pour baril = 160 litres). La production, ou consommation, mondiale d’hydrocarbures liquides est d’environ 85 Mb/j, ou 31 Gb/an, sachant que chaque année, il faut mettre en production 4 à 5 Mb/j de nouveaux gisements seulement pour compenser le déclin des gisements existants.

Le maximum mondial se situerait pour les pessimistes soit en 2005 ou 2008, soit avec un plateau ondulé de 2005 à 2015-2020. Il n’est pas exclu que ce maximum de production ait été déjà atteint. En ce qui concerne les sables bitumineux, la production représente moins de 2 Mb/j.

Il est tout à fait souhaitable de développer les économie d’énergie et les alternatives au pétrole, mais cette évolution prend du temps et elle est tout juste amorcée (en 2008 plus de 70 millions de véhicules thermiques à 4 roues pour la route ont été construits pour moins de 1000 électriques).

La crise actuelle et la baisse relative de la demande dans les pays développés ne doivent pas nous masquer la réalité de la situation. Une reprise de l’économie et celle de la demande pétrolière pourraient se heurter rapidement à une production trop limitée.

Comment y faire face

Un certain nombre de constructeurs automobiles ont déjà pris la mesure de l’enjeu et ont commencé à réagir.

Les autres devront suivre rapidement ou ils disparaîtront, faute de clients. En effet, le prix du carburant va forcément s’envoler quand la pénurie de pétrole deviendra sensible. Et, tôt ou tard, les ressources seront de toute façon épuisées.

Les deux voies principales sont :

C9 citroen.jpg1 – la mise au point et la commercialisation de véhicules hybrides (moteur à essence couplé à un moteur électrique), afin de limiter considérablement la consommation nécessaire tout en gardant les avantages des véhicules actuels (puissance, autonomie par plein). Il s’agit forcément d’une solution temporaire qui ne fera que repousser la date de fin du pétrole sans l’empêcher mais néanmoins, elle permettrait une transition progressive vers le Zéro Pétrole. Plusieurs modèles existent déjà sous différentes marques et la technologie semble désormais bien au point.

L’annonce la plus impressionnante date d’il y a quelques jours : Citroën va lancer sur le marché chinois une berline de luxe à moteur hybride aux performances époustouflantes. Longue de 5,30 m (contre 4,91 m pour la C6), elle est animée par un moteur V6 2.0 de 272 ch, auquel est ajouté un bloc électrique de 55 ch. La puissance cumulée peut atteindre 460 ch et la consommation ne dépasserait pas 2,6 l/100 km pour des émissions de CO2 de 70 g/km.

Cela signifie qu’il est possible d’envisager à moyen terme l’apparition de véhicules plus communs dont la consommation tomberait en dessous des 2 litres aux 100, voire 1 litre, avec des émissions de CO2 inférieurs à 30g/km.

2 – les véhicules 100% électriques : nous en avons déjà parlé ici, voir notre article sur les ZOE lancés prochainement par Renault.

Les faux débats, la vraie question

La fin annoncée du pétrole provoque toutes sortes de réactions irrationnelles qui sont autant de faux débats.

La question n’est pas d’être « pour » ou « contre » le pétrole et le confort qu’il apporte dans notre quotidien. Les ressources en pétrole sont forcément en quantité limitée et, un jour ou l’autre, on en atteindra la fin. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait.

La question n’est pas non plus de savoir s’il nous reste 40 ans de réserve ou 50 ou même 100, à coups d’arguments plus ou moins étayés, de soupçons à base de théorie du complot sur la réalité des chiffres ou d’égoïsme pur et simple (du type « on ne sera plus là pour le voir »). Dans ce domaine, on peut tout lire depuis « le lobby du pétrole nous manipule » jusqu’à « le lobby des écologistes nous manipule ». Une fois que le pétrole sera devenu une denrée rare ou aura disparu, il ne sera plus temps d’imaginer une société qui s’en passe.

La question n’est même pas celle du dérèglement climatique provoqué ou pas par l’activité humaine et donc en grande partie par le pétrole, pas plus que celle de la pollution causée directement ou indirectement par notre utilisation du pétrole. D’ici quelques dizaines d’années, cette source-là de perturbation aura de tout façon disparue, sans qu’aucun argument rhétorique ou scientifique ne puisse rien faire pour l’empêcher.

La seule question pertinente est purement pragmatique : notre vie au quotidien reposant de façon aussi importante sur le pétrole, se préparer à sa disparition le plus tôt possible et de la meilleure façon possible est une simple attitude de bon sens.

5 Replies to “Pétrole, le commencement de la fin”

  1. Anna Galore Post author

    La technologie est prête et disponible, de plus en plus de marques proposent déjà des voitures hybrides de série, même s’il s’agit encore de modèles relativement chers. Quant à la Citroën dont j’ai mis la photo, elle sera officiellement présentée à un salon à Shanghaï dans quelques jours.

    Pour le 100% électrique, les Renault de la série Zoe doivent être commercialisées dans le courant de cette année.

  2. ramses Post author

    Les constructeurs automobiles ont compris depuis un certain temps… Ils travaillent depuis plusieurs années sur des prototypes de voitures hybrides et tout électriques, dont les premiers specimen sont déjà en circulation. D’ici 2020, je tiens le pari que plus de la moitié des véhicules ne rouleront plus à l’essence. La courbe de consommation qui continue à progresser sur le graphique jusqu’en 2030 ne me paraît pas réaliste…

    Le problème est plus complexe pour les avions, qui ont une durée de vie plus longue que les voitures et dont les futurs modèles sont toujours prévus à combustion kérosène… Le seul prototype sérieux est celui de l’avion Picard, propulsé à 100% à l’énergie solaire… Mais je doute fort que l’on puisse envisager des transports de masse avec une telle technologie… La fin du pétrole signifiera t’elle un coup d’arrêt à l’aviation civile ? (Je suppose que les militaires constitueront des stocks pour pallier la future pénurie…)

  3. anti Post author

    Pour ma part, je suis curieuse et presque heureuse de me dire que je vais assister à un grand tournant historique de l’humanité car la fin du pétrole c’est toute une remise en cause des pouvoirs politiques partout dans le monde, c’est la fin d’un poids économique certain et on peut s’attendre à de grands bouleversements je pense. Qui vivra verra.

    anti

  4. Anna Galore Post author

    Entièrement en phase avec les commentaires de Ramses, y compris sur la courbe de consommation qui est une simple projection par rapport aux données actuelles mais qui, par la force des choses, ne pourra que s’infléchir vers le bas.

    Les avions vont poser un très sérieux problème puisque, comme tu le soulignes, aucun projet « sans pétrole » crédible ne semble à l’étude chez les grands avionneurs.

  5. ramses Post author

    Il semble qu’un certain nombre d’essais concluants pourraient conduire à propulser les avions de ligne avec des bio-carburants… « Même si la partie est loin d’être gagnée, ce qui intéresse les observateurs dans cet essai, c’est surtout l’utilisation de biocarburants algaux et de jatropha (un poison végétal non consommable) c’est-à-dire de substances qui ne risquent pas de faire grimper les prix du marché alimentaire qui n’en a pas besoin. »

    http://harmonieterre2.blogspot.com/2009/01/biocarburant-pour-les-avions.html

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