L’Agence, Alexandre Donders -7-

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L’Agence

(Vous avez l’argent ? Nous avons les comédiens !)

***

Une pièce d’Alexandre DONDERS

Suite des messages précédents

ALAIN NAUDIN, lui tend la main et se présente : Bonjour. Alain Naudin. Bernadette Delaunay, c’est bien ici ?

PEGGY, tentant de se faire passer pour Bernadette : Oui, oui, c’est bien ici… Là… Là… Un peu partout, en fait…

ALAIN NAUDIN : Vous m’excuserez, j’ai un peu d’avance. Un déjeuner qui a sauté.

PEGGY : Aïe… Asseyez-vous, je vous en prie… Profitez des meubles tant qu’il y’en a !

ALAIN NAUDIN, qui a compris qu’il ne s’adressait pas à Bernadette : Alors, voilà, je suis auteur dramatique, et…

PEGGY, chez qui ces deux mots ne correspondent pas à grand chose et qui cherche à comprendre : Les deux en même temps ? …

ALAIN NAUDIN, qui s’amuse de la situation : Je vois… Vous avez du papier ?

PEGGY : Pourquoi faire ?

ALAIN NAUDIN : Je vais prendre des notes pour une prochaine pièce… Pendant que vous cherchez en quoi peut bien consister mon métier…

PEGGY : Ah ! Parce que «Auteur Dramatique», c’est un métier ? Ah ! Ouais… Vous venez de vous trahir, là… Pas folle, la guêpe… Du papier comment ? Du papier blanc comme celui qu’on met dans le téléphone à image ?

ALAIN NAUDIN : Le téléphone à image ?

PEGGY : Oui, là… (Elle montre le fax.)

ALAIN NAUDIN : Ah ! Vous voulez dire le fax…

PEGGY : Non, le fax, j’ai pas le droit d’y toucher ! Parce que sinon, si c’est du papier pour autre chose, du papier rose, j’en ai… (Elle ouvre un tiroir et lui secoue sous le nez un rouleau de papier toilette, qu’elle range immédiatement.) Mais je le garde pour moi, en cas d’urgence, parce que la nuit, c’est fermé…

ALAIN NAUDIN : Vous travaillez la nuit ?

PEGGY, évidente : Ben non, hein, c’est pour ça… Alors… « Auteur Dramatique… » (Elle cherche intensément, et réfléchit tout haut.) Dramatique, ça veut dire que c’est grave… Je le sais, parce qu’on me dit toujours : T’es dramatique ! Mais auteur dramatique… Ah ! Ca y est… J’ai compris ! Vous êtes dans le cirque. (Silence d’incompréhension d’Alain Naudin.) Mais si ! Vous montez sur un fil là… A des hauteurs dramatiques. (Un temps.) Alors là, j’ai peur de ne pas pouvoir vous être utile à grand chose .

ALAIN NAUDIN : Je suis moi aussi saisi d’un terrible doute…

PEGGY : Par contre, si vous cherchez une agence immobilière, il y en a une au rez-de-chaussée.

ALAIN NAUDIN : Non, c’est bien une agence artistique que je cherche et apparemment… J’ai trouvé ! Vous avez des comédiens ?

PEGGY : Moi non, enfin, pas sur moi, mais Madame Delaunay en connaît quelques-uns…

ALAIN NAUDIN : Je peux les voir ?

PEGGY : Ah, mais c’est qu’ils sont pas là… Et ça prendrait un temps fou de tous les appeler… En plus, ici, je ne suis pas sûre que ça contienne… Ce que je peux vous proposer, en dernier recours, à titre commercial, c’est de vous les montrer en photos.

ALAIN NAUDIN : Ce serait parfait. (Peggy lui sort des photos. Il regarde.)
Vous avez des CV ?

PEGGY, d’un geste : C’est la porte, là…

ALAIN NAUDIN : Non, des CV !

PEGGY : Ah, des CV ! J’ai cru que vous plaisantiez, j’avais jamais entendu VC en verlan… (Elle sort les CV.) Voilà, Tout est là…

ALAIN NAUDIN : Paul Decouleur ! Ah, j’aime bien !…

PEGGY : Et il est dedans ?

ALAIN NAUDIN : Oui…

PEGGY : Ah ! C’est cool ! (Se tournant, très énervée tout à coup, vers le bureau vide de Bernadette : ) Ben tu vois qu’on a un acteur de couleur ! Il s’appelle Paul ! Faut regarder dans le livre de temps en temps ! ! ! (Elle revient, tout sourire, sur Alain.)

ALAIN NAUDIN : Jean de Luz ! C’est pas commun comme nom, ça !

PEGGY, se penchant et retournant la photo, pour mieux voir : Ah, mince ! Non, lui, il est mort la semaine dernière ! Ah ben, c’est sympa de m’y faire penser, j’avais oublié de retirer sa photo ! (Elle déchire la photo et la met à la poubelle, en disant : ) Voilà, la prochaine fois, si tu veux bosser, t’auras qu’a rester en vie !

ALAIN NAUDIN : Il est mort comment ?

PEGGY : Dans un tournant.

ALAIN NAUDIN : Vous voulez dire sur un tournage…

PEGGY : C’est possible. Un mec super sympa !… Canon en plus.

ALAIN NAUDIN : Faudra penser à le canoniser, alors ! (Puis, riant : ) Ca fera Saint Jean de Luz !

PEGGY : C’est trop tard puisque je vous dis qu’il est mort.

ALAIN NAUDIN, prend son visage dans ses mains. En fait, il commence à chauffer : Bien… Je peux faire quelques pas, là ?

PEGGY : Pour aller ou ?

ALAIN NAUDIN : Pas loin… Juste là, quelques pas…

PEGGY : Ben, oui…

Alain se lève, marche, dos à Peggy, en faisant une gueule super atterrée. Peggy le regarde d’un air ultra soupçonneux. A un moment, Alain regarde Peggy, ils se font tous deux un grand sourire, puis reprennent leur position initiale.

ALAIN NAUDIN : Dites… Ca vous dirait de venir dîner chez moi, en compagnie de quelques amis ?

PEGGY, méfiante : C’est pas sexuel, au moins ?

ALAIN NAUDIN, fait non de la tête : Non, non… C’est juste pour un petit dîner.

PEGGY, rassurée : Alors d’accord…

ALAIN NAUDIN : Bien, je crois que j’ai tout vu en ce qui concerne les hommes.

PEGGY : Ah non !

ALAIN NAUDIN : Non… ?

PEGGY : Il y’en a un qui vient cet après-midi. Il a fait 3 milliards d’entrées. Il s’appelle Michel Starlight !

ALAIN NAUDIN : Michel Starlight ? Michel Starlight… mais, ce type est encore plus con que vous… (Il réalise son erreur. Il essaye de s’en sortir en répétant : )
Que vous… Vous… (Et il enchaîne.) Enfin, je veux dire, plus con que vous… ne l’imaginez.

PEGGY : Ouais, enfin, il vaut quand même trois milliards…

ALAIN NAUDIN : Non, vous confondez avec Steve Austin.

PEGGY : Steve Austin ? Il est pas chez nous, celui-là !

ALAIN NAUDIN : Non, il est chez lui, avec sa femme, Super Jaimie. Ils essayent désespérément de faire un petit qui soit pas bionique. Mais enfin, là n’est pas la question. (Il reprend le book. Il va essayer de la flatter.) Vous êtes dedans non ?

PEGGY : Dans quoi ?

ALAIN NAUDIN : Dans le book… (Peggy fronce les sourcils, elle croit qu’il est grossier.) Dans le livre, là, avec les photos !

PEGGY : Oh, non, moi, je ne suis pas comédienne… ça me gêne… Ça me gêne… Mais je n’ai pas fait d’études, alors…

ALAIN NAUDIN : Ca n’a aucun rapport. Si tous les comédiens avaient fait des études, il y’aurait du travail pour tout le monde.

PEGGY, qui n’a rien compris : Ah ! Ouais… Comment on fait alors ?

ALAIN NAUDIN : Il suffit de rencontrer des gens…

PEGGY : Des gens comment ?

ALAIN NAUDIN : Des gens… (Il tousse)… Comme moi…

PEGGY : Comment ça, comme vous ?

ALAIN NAUDIN : Comme moi… Des artistes, quoi…

PEGGY : Et ça se rencontre ou, les gens comme vous ?

ALAIN NAUDIN : Eh bien… Ici, par exemple…

PEGGY : Ou ça, ici ?

ALAIN NAUDIN : Là… Dans l’agence.

PEGGY : Trop cool ! A quelle heure ?

ALAIN NAUDIN : Je peux vous poser quelques questions ?

PEGGY : Pour voir si je pourrais être comédienne ?

ALAIN NAUDIN : Voilà. Pour voir si vous pouvez être comédienne. (Il se lève et pose ses questions en marchant les mains dans le dos, comme à l’école primaire.)

PEGGY, se repositionnant : Je suis prête.

ALAIN NAUDIN : Vous avez lu Colette ?

à suivre

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One Reply to “L’Agence, Alexandre Donders -7-”

  1. ramses

    C’est bizarre, cette Peggy me fait penser à ma barmaid qui était danseuse à Broadway, avec moi dans le rôle de Naudin… Simple coïncidence, probablement…

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