Les portes du ciel au Louvre

Rien de tel que Ramsès II, Toutankhamon ou Akhenaton pour attirer les foules dans un musée. C’est cependant un thème moins accrocheur qu’a choisi le département égyptien du Louvre. Conçue par Marc Etienne, l’un des conservateurs, l’exposition est consacrée aux « Portes du Ciel ».

1993223265.jpgDeux siècles, onze sites, un ouvrage

Depuis près de deux siècles, les égyptologues français explorent la terre des pharaons. Les objets qu’ils ont mis au jour, les archives et photos prises sur leurs chantiers de fouilles, sont un trésor que décrit « Objets d’Egypte, des rives du Nil aux bords de Seine » (Musée du Louvre/Le Passage, 214 p., 35 €. A paraître 12/03/2009). Pour présenter en un seul ouvrage autant de travaux et de passion, onze sites ont été sélectionnés, sous la direction de Guillemette Andreu, directrice du département des Antiquités égyptiennes du Louvre. Parmi eux, Tanis, où Pierre Montet avait découvert d’extraordinaires tombes royales… à un très mauvais moment : en mars 1939, alors que le monde allait s’embraser.

Du temps des pharaons, l’expression désignait les battants du tabernacle abritant la statue d’une divinité. Le propos, ici, est naturellement plus vaste : à travers toutes les portes de séparation – entre le sacré et le profane, le pur et l’impur, le monde des vivants et celui des morts -, il s’agit de faire entrer les visiteurs dans l’univers mental et religieux des anciens Egyptiens. Pour cela, plus de 370 oeuvres, datant de l’Ancien Empire à la période romaine, ont été rassemblées. Une partie des pièces proviennent de musées européens (Berlin, Londres, Leyde, Florence, Turin, Copenhague), mais la plupart appartiennent aux salles ou aux réserves du Louvre. Cette exposition permet de les redécouvrir en les resituant dans leur contexte.

2033786697.jpgStatues, sarcophages, stèles ou papyrus expriment une pensée complexe, très étrangère à nos schémas cartésiens. Les portes de l’ancienne Egypte n’ont rien à voir avec les tiroirs dans lesquels nous classons les idées et enfermons la réalité. Toute une dimension magique, en particulier, s’y dégage : chaque objet, chaque image a une fonction précise et une efficacité supposée. Nommer une chose la fait exister. Dessiner ou graver des aliments sur la paroi d’une tombe assurera au défunt un ravitaillement, même quand les offrandes alimentaires, déposées par les vivants dans sa chapelle, viendront à cesser…

L’exposition est conçue comme une boucle. Partant d’un tabernacle central en pierre, provenant du temple de Philae, les visiteurs traversent successivement quatre espaces, matérialisés chacun par un mobilier, une couleur et un éclairage particuliers, séparés les uns des autres par des « portes ».

On commence par l’univers, dont les différents espaces communiquent entre eux : la terre pour les êtres vivants, le ciel pour les divinités et l’au-delà pour les défunts. La survie du monde dépend de leur collaboration. Dans cette section, dominée par le jaune du Soleil, les petits objets signifient autant que de grandes stèles : par exemple, ce bijou, en forme de chapelle, de bois doré incrusté de verre, de faïence et de lapis, représentant l’astre qui se meut à travers le ciel avant de traverser le monde inférieur, à bord d’une barque, le véhicule fondamental de l’univers égyptien.

La deuxième section est celle de l’au-delà que le Soleil parcourt pendant la nuit, pour en ressortir, triomphant, au petit matin. Le défunt, lui, doit franchir toutes sortes de portes, gardées par des figures redoutables, pour accéder au Champ des offrandes.

Une carte de l’au-delà

Une description étonnante de l’au-delà figure sur la cuve funéraire d’un haut fonctionnaire du Moyen Empire, Sépi. Cet ensemble de vignettes et de textes, d’une grande complexité, est probablement la première carte géographique jamais établie dans le monde.

Troisième espace : la chapelle qui surmonte la tombe. C’est un lieu de culte, où l’on dépose notamment les offrandes alimentaires ; un lieu de passage aussi entre le monde des morts et celui des vivants, où sont accueillies les entités immatérielles qui survivent au défunt. Dans cette section, on trouve toutes sortes de fausses portes, dont deux stèles en quartzite de la XVIIIe dynastie, provenant des Musées de Leyde et de Berlin. Il est difficile de ne pas s’arrêter devant la superbe statue de Youyou et de son épouse Tiy, assis côte à côte, qui croisent leurs bras d’un geste affectueux.

La dernière section est consacrée au temple. C’est la demeure du dieu, le ciel sur terre, dont l’accès est réservé au pharaon. Le prêtre qu’il délègue s’approche du tabernacle pour habiller et parer la divinité, la nourrir, la prier et l’apaiser. On admirera ici une étonnante statue en bronze, de la période tardive (XXVe dynastie), représentant un personnage anonyme : un patient travail de restauration conduit au Louvre y a fait apparaître une peau de panthère, signe de son appartenance à la classe sacerdotale.

Le problème, avec les objets égyptiens, c’est qu’ils sont souvent magnifiques. Difficile d’échapper à l’admiration pour se concentrer sur des concepts, et saisir les méandres de cette pensée, même en franchissant de fausses portes…

940250722.jpg« Les Portes du Ciel – Visions du monde dans l’Egypte ancienne« .

Musée du Louvre, hall Napoléon. Mo Palais-Royal ou Musée-du-Louvre. Tél. : 01-40-20-53-17. Tous les jours sauf le mardi, de 9 heures à 20 heures et jusqu’à 22 heures les mercredi et vendredi. 11 €. Jusqu’au 29 juin.

Catalogue :

« Les Portes du Ciel – Visions du monde dans l’Egypte ancienne ». Ed. Musée du Louvre. 384 p., 39 €.

Source : Robert Solé pour Le Monde

Photos: AFP, Musée du Louvre

8 Replies to “Les portes du ciel au Louvre”

  1. anti Post author

    FANTASTIQUE ! Moi qui suis fascinée par le sujet, je suis aux anges !!! Antiochus va être ravi aussi 😉

    Le mini site du musée du Louvres est d’une richesse renversante ! Je viens de tout enregistrer les pdf et je vais de ce pas me les imprimer pour en prendre connaissance comme il se doit !

    Merci Anna de mon coeur !

    anti

  2. ramses Post author

    On prend bien ici la mesure du fossé qui sépare le « Chef du Conseil suprême des antiquités égyptiennes », Zahi Hawass, et les Conservateurs du Louvre… Avec un matériel très restreint (que l’on nous demandera probablement un jour de restituer), le Louvre fait revivre ces trésors, tandis qu’ils croupissent au Musée du Caire… Ce n’est pas seulement une question de moyens financiers, c’est de la connaissance et de l’amour de l’Art que l’on manque en Egypte. Aucune reconnaissance envers la France, qui a découvert et mis en valeur ces trésors inestimables, qui permettent à l’Egypte de tirer sa seconde source de revenus du tourisme, après ceux du Canal de Suez… 200.000 $ pour le passage aller du Clémenceau, dans un canal construit par les Français et exproprié par Nasser… Vous avez dit « colonialistes » ?

  3. ramses Post author

    Rectification : c’est une somme de 1.300.000 $ que la France a payé à l’Egypte pour le passage aller du Clémenceau dans le canal de Suez !! (Compte-rendu de l’Assemblée Nationale du 17 janvier 2006, 114° séance). Le retour à Brest de cette équipée grotesque s’est fait par le Cap de Bonne Espérance, pour éviter de repayer la même somme !

  4. anti Post author

    Tu me fais rire Voie. La dernière photo, c’est moi qui l’ai rajoutée, comme si il manquait quelque chose pour que tout soit dans l’ordre. J’ai hâte de t’entendre conter ton histoire, à la Guadeloupe qui sait ? Ca avance ces travaux ?!

    anti

  5. voiedoree Post author

    Bon une indication, ça concerne l’oeil d’Horus (le droit)

    j’ai eu l’archi cette semaine, compte tenu des évènements etc….

    Bref premiers coups de pioche pour fin mars j’espère….

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