Le culte des ancêtres au Viet Nam

« C’est peut-être l’essence de tes anciens parents
Que tu verras dedans. « 

En te relisant Voie, je repense à une citation vietnamienne lue dans un magasin vendredi après-midi, très belle, parlant des ancêtres. Il faut savoir qu’au Vietnam, le culte des ancêtres est très important. Peut-être Sampang pourra nous en dire quelques mots quand elle aura retrouvé son ordi ?

Anti

*****

Le culte des ancêtres au Viet-Nam :

Pourquoi monde invisible plutôt que religieux ? Il est communément admis que le monde religieux vietnamien, est principalement traversé par trois religions : le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme. Il y a là déjà quelques ambiguïtés pour un lecteur occidental qui, appartenant à telle ou telle confession, catholique, musulman, protestant etc., se représente les religions comme exclusives. Les ouvrages généraux sur le Việt Nam, considérant ce fait, parlent de syncrétisme pour qualifier la présence de ces trois religions. Ils y ajoutent le plus souvent la pratique du culte des ancêtres et des « croyances animistes » jugées comme périphériques et singulières. Il s’agit là, d’une vision culturo-centrée, héritière d’un sentiment de supériorité désuet dont les origines sont en partie est dans la nature même des monothéismes. Il y a quelques années, au Việt Nam, un vieux monsieur dont un des fils avait émigré en Europe, a tenu les propos suivants : « ..les chrétiens disent croire en un seul dieu mais mon fils m’a expliqué que dans vos « pagodes » il y a aussi le fils de ce dieu, une déesse qui ressemble à Quan Âm et de nombreuses statues de personnes saintes que les gens prient aussi… ». Là où un chrétien perçoit un monde homogène, un regard exotique peut y percevoir un syncrétisme confus. Il en est de même au Việt Nam : le commun des croyants intègre simultanément plusieurs dimensions religieuses adaptées aux diverses dimensions de la vie.

Une autre ambiguïté réside dans le fait que chacune de « ces trois religions » peut être décrite autrement que comme une religion ; pratiques magiques et philosophie pour le taoïsme, morale et pensée politique pour le confucianisme, philosophie et doctrine pour le bouddhisme. En effet, pas de dieu créateur mais des dieux, des génies, des démons, des empereurs du ciel, des héros divinisés ; pas de prophètes et de religions révélées mais des Maîtres – fondateurs.

Deux principes vitaux issus du Néant (vô cực), le dương et le âm (sim. au yang et yin chinois), cycliques et complémentaires, se déclinent dans le monde sensible sous les cinq qualités représentées par le feu, la terre, le métal, l’eau et le bois. Un tableau de correspondances peut être établi car non seulement la Terre est à l’image du Ciel mais le macrocosme et le microcosme sont dans des rapports d’interdépendance. Cette vision du monde par correspondances est fondamentale pour comprendre la culture vietnamienne. Elle imprègne la vie quotidienne, des pratiques oraculaires aux soins médicaux. Les très officiels Instituts de Médecine Traditionnelle se référent aujourd’hui encore à cette cosmogonie.

Les Vietnamiens ont investi leur environnement de forces dont la signification se retrouve dans la cosmologie vietnamienne qui s’inspire de celle élaborée par les Chinois. Dans cette représentation, le monde est donc mu par deux forces, le duong et le âm, principe mâle et femelle qui, par leur contradiction même, donnent souffle et vie à l’univers entier. La nature, comme tous les êtres vivants, participent de la même essence et sont en communication permanente par l’intermédiaire de ces courants vitaux.

L’homme est constitué des mêmes forces vitales que l’univers. Dès sa conception, l’être humain est constitué de deux groupe d’âmes : les hôn (au nombre de 3) auxquelles viendront s’ajouter dès la naissance les 7 (ou 9 pour les femmes) phách ou vía. La mort survient lorsque ces deux composantes se séparent. Ainsi, la vie se transforme continuellement et la mort n’est qu’une des étapes de la longue et lente évolution de l’énergie universelle.

Le culte des ancêtres pratiqué au Viêt Nam s’appuie sur ces développements théoriques mais l’ensemble de la population croient surtout en l’existence d’une vie après la mort qui ne peut être positive pour les morts comme pour les vivants que si les énergies d’une personne défunte sont canalisées. Pour ces raisons, les cérémonies funéraires, les célébrations d’anniversaire de décès comme les offrandes régulières qui sont offertes aux ancêtres composent un ensemble de pratiques et de croyances riches et variées qui ne forme pas une religion en soi mais qui représente un phénomène social duquel peuvent être extrait diverses institutions (le système de parenté, l’organisation politique et économique, etc.) qui fondent l’originalité de la culture vietnamienne.

Toutes les familles vietnamiennes ont un autel ancestral figurant, le plus souvent, dans la pièce principale de la maison. Ce culte se sépare du culte des morts car il s’adresse uniquement aux membres défunts d’une même famille. Cependant, tout mort n’a pas droit au statut d’ancêtre, n’est pas ancêtre qui veut ! Les défunts sont soumis à une classification que tous les Vietnamiens connaissent et à laquelle tous souscrivent : aux côtés des ancêtres familiaux virevoltent les âmes errantes des morts sans culte. Les conditions de la mort, l’entretien mortuaire, l’enterrement, le deuil et le culte offert par les vivants sont les conditions sine qua non à un avenir d’ancêtre.

La production d’un ancêtre commence dès le décès de l’individu. La famille doit s’occuper du cadavre (diverses préparations sont nécessaires) afin que le mort ne soit ni perturbé par des morts en mal d’avenir ni bouleversé par son nouvel état. Lorsque le jour et le lieu de l’inhumation sont arrêtés (on fait ici appel à un géomancien), l’enterrement a lieu. Les amis, la famille proche et les voisins sont conviés à la cérémonie qui se conclut par un repas qui est sensé recouvrir les dettes que le mort a pu contracter de son vivant.

La séparation corporelle entre le mort et les membres de sa famille étant effective, diverses cérémonies vont se succéder durant les trois ans de deuil (cette période est de moins en moins suivie en milieu urbain) qu’observeront les parents proches. La période de deuil étant passée, les anniversaires de décès continueront à se célébrer. Ces derniers donnent lieu à de somptueuses festivités (selon la richesse des familles) auxquelles sont conviés tous les proches du défunt : les réseaux de connaissance sont ainsi entretenus au fil des ans malgré la mort de ceux qui les avaient fait naître. Dans sa réalisation, le culte des ancêtres traduit les relations familiales, amicales et celles, plus lâches mais non moins importantes, de voisinage.

Tout événement familial, naissance, mariage, réussite professionnelle, construction d’une demeure, décès, est signifié aux ancêtres. Habituellement, c’est le chef de maison qui dirige la cérémonie. Ce jour-là, des bâtonnets d’encens parfument les lieux, ils sont sensés permettrent la communication avec l’au-delà. Des mets de choix sont offerts pour que les ancêtres soient dans de bonnes dispositions pour recevoir les hommages des vivants. Une fois l’offrande faite, le repas est redistribué aux invités qui profitent de ce jour de réunion pour discuter des affaires familiales (héritage, mariage, naissance, etc.). Lors de chaque cérémonie pour les ancêtres, les Vietnamiens font aussi des offrandes aux âmes errantes, celles-ci se font devant le seuil de la maison et permettent de se prémunir contre une éventuelle invasion.

Autrefois, le culte des ancêtres permettait aux familles aisées de préserver un héritage familial à l’intérieur de la lignée (Huong Hoa : des rizières, des biens immobiliers étaient redistribués par l’intermédiaire du culte des ancêtres). Ces dispositions sont beaucoup moins importantes actuellement.
Le culte des ancêtres n’est qu’un aspect de la réalité culturelle des Vietnamiens et il ne peut se comprendre qu’au regard d’autres agencements cultuels, d’autres organisations sociales. Ainsi, l’organisation des cérémonies liées à ce culte exprime la hiérarchie de chacun des membres dans la lignée familiale. De la même manière, les représentations de l’homme, de l’univers qui sous-tendent le culte sont autant d’éléments qui ne peuvent être détachés de cette pratique culturelle.

Pour ce qui est des familles vietnamiennes installées en France, la plupart continuent de pratiquer ce culte. Toutefois, les conditions sociologiques n’étant pas les mêmes, les festivités liées à cette pratique ont donné lieu à diverses orientations. Ainsi, les religieux bouddhistes prennent une place de plus en plus d’importance dans un culte où ils n’avaient aucun rôle. Les photos des défunts leur sont confiées, les cérémonies d’anniversaire sont célébrées, pour la plupart, dans les pagodes, les enterrements sont faits selon les lois françaises en vigueur. Malgré ces changements, en France comme au Viêt Nam, le culte des ancêtres reste largement pratiqué et les nouvelles dispositions (invitation aux anniversaires de décès par des avis télévisuels par exemple) montre la dynamique des croyances et des représentations qui sous-tendent ce culte. Si les vivants doivent s’adapter à de nouvelles conditions sociales, ils continuent d’assurer une longue vie à leurs ancêtres:

Ce rituel de deuil en plusieurs temps transpose progressivement la peine de perdre un être cher dans la mémoire de chaque personne et organise le souvenir collectif comme une référence privée partagée. On garde ses morts. Il prévient considérablement la dépression comme la réaction psychologique à une perte totale et définitive de présence de la présence de l’autre. La douleur est partagée.

La présence de l’autel des ancêtres à domicile rappelle aux hommes que la mort existe, qu’elle n’est pas invisible mais représentable dans le mental. Bien expliqué positivement d’une génération à l’autre au cours du Đám giỗ, l’angoisse des enfants devant le temps et la mort prend une autre allure: c’est l’intériorisation de ce qui arrivera à tous et par ordre (la mort) et la pérennisation des transmissions assurera une sorte d’éternité de l’Être après avoir existé. Chaque personne accède au sacré. Cette présence est prétexte aux récits de famille comme du roman et des histoires de vie utile à l’éducation, notamment l’éducation du caractère. La transmission des récits de jeunesse des anciens sert de référence à ce qui est convenu d’appeler la crise d’adolescence, qui ne sera plus une crise mais seulement des rites quasi ordinaires de passage entre deux âges.

Le culte en lui-même garde une actualité certaine que viennent justifier les notions modernes en psychologie intergénérationnelle: respect des générations et reconnaissance des filiations, importance du sacré dans l’espace symbolique domestique, fonction structurante de l’éthique, prise en compte de la temporalité des actes de naissance et de mort. La personne, même l’enfant, peut prendre l’ancêtre à témoin pour n’importe quel sujet: il vient s’exprimer à voix haute (ou basse) devant l’autel, lieu sacré par excellence qui bénéficie d’une immunité définitive.

Ainsi il y a toujours la transmission : transmettre la mission…

Sampang

12 Replies to “Le culte des ancêtres au Viet Nam”

  1. anti Post author

    Alors, je me suis régalée. Deux choses à la lecture de ce très intéressant article. La première est qu’on m’avait parlé moi de rituels intervenant une, voire plusieurs années après l’enterrement, de fêtes funéraires pendant lesquelles on déterrait les défunts, lavait les os, les promenait, puis les remettait en terre. Cela te dit-il quelque chose Sampang ?

    Ensuite, en lisant ce passage particulièrement :

    « Ce rituel de deuil en plusieurs temps transpose progressivement la peine de perdre un être cher dans la mémoire de chaque personne et organise le souvenir collectif comme une référence privée partagée. On garde ses morts. Il prévient considérablement la dépression comme la réaction psychologique à une perte totale et définitive de présence de la présence de l’autre. La douleur est partagée »

    j’ai repensé à ce que disait le Lama lors de la prise de refuge de mon amie lorsqu’il parlait de la dédication. Il expliquait comment et pourquoi il est nécessaire de dédier ses actes au bien de tous les êtres. Non seulement parce que c’est bien, mais parce que cela permet de ne pas perdre le bénéfice de ces bonnes actions. Par exemple, disait-il, vous faites une méditation, vous la dédiez au bien de tous les êtres, vous partagez, vous multipliez ces effets. Vous ne le faites pas. Vous vous mettez ensuite en colère pour une raison diverse, vous perdez tout le bénéfice de votre méditation et vous ne pouvez pas le récupérer puisque vous ne l’aviez pas donné. Vous devez alors tout recommencer tandis que lorsque vous avez donné, vous pouvez retrouver le bénéfice de votre bonne action auprès de celles et ceux avec qui vous aviez partagé.

    anti, C.Q.F.D.

  2. sampang Post author

    oui en fait il y a aussi le côté pratique des choses ( c est qu ils sont pô bêtes ces jaunes) ça prend moins de place après quand il n y a plus que les os…
    Blague à part, on enterre une fois bien sûr et alors pour permettre le deuil, pour se souvenir que l on sera autrement, on déterre et lave soigneusement les os. On prend ainsi encore conscience. Et le fait de ce geste d amour encore pour l autre dans ce qu il y a de plus nu, permet une dernière rencontre physique avec lui. Oui Anti c est comme le fait de continuer à lui mettre à manger sur un hotel « des défunts », c est le reconnaitre encore ici.
    quand tu parles des mots et des actes comme cela Anti…Dans le meme contexte je crois que ce que tu dis dans le partage :
    Je suis convaincue que nos pensées sont hors de nous avant même que nous ayons pu ouvrir la bouche… De ce fait il est évident que chaque pensée est importante pour nous, comme pour les autres. Nous ne sommes qu énergie… Notre être entier est énergie dans le sens réel du terme, on le sait aujourd hui. D où notre importance aussi dans les mots écrits qui sont de surcroit véhiculés par l électricité…ici.
    Quand on serait en colère après quelqu un on dit qu il ne faut pas dire les choses qu il ne pourrait pas entendre, parce que pas le meme raisonnement, pas la meme comprehension, tout simplement. On dit qu il faut écrire ce que l on a sur le coeur, penser très fortement à lui et brûler la missive pour permettre à cette énergie d être véhiculée jusqu à l autre.
    De la même façon quand tu prépares quelque chose pour quelqu un… le faire avec Amour, avec plaisir. Parfois on me dit : ‘tin Sampang ce ne sont que des légumes…. bah oui merci je le sais, mais c est faire attention aux hommes qui ont travaillé pour que je l ai ce légume. C est même juste ce légume qui a poussé en entier et pas qu à moitié et donc ce n est pas parce que je suis rapia que je ne perds pas, c est par respect des hommes et des choses. Bien sûr que je n y pense pas en le faisant. ( je repense tjs à cette pub où il y a un p’tit grain de maïs au fond de la boite ^^).
    c est comme ouvrir un cadeau… je n ai su que bien plus tard pourquoi je n arrivais pas à déchirer un papier cadeau, je crois que je pensais à celui ou celle qui avait choisi le papier et c était appliqué à le faire.
    Il y a des choses que l on fait machinalement et d autres dont il faudra toujours être vigilant de prendre conscience de les faire. Et les pensées pour les autres, quelles qu elles soient te reviennent toujours ^^
    ( je me suis laissée aller là ;)) ché même plus si je suis dans le sujet mdr !

  3. anti Post author

    C’est bon de te lire m’z’elle. Très. Et merci pour ces précisions sur certains rites. C’est très beau. Tu en parles avec la même joie mêlée d’humilité que j’en avais entendu parler jadis. Et pour ce qui est de l’intention, des idées qui vivent avant même d’être formulées… oui. Trois fois oui.

    anti

  4. sampang Post author

    c est très égoïste Anti, ça me fait un bien fou d être là avec vous et d écrire 😉
    seulement trois fois ? ( l est pingre mdr !)
    D ailleurs à ce sujet. j ai un autre sujet ( Sampang mode répétitif ;)) qui me tient à coeur et dont j aimerai déposé qqs mots … le plaisir de faire ou d offrir…

  5. anti Post author

    En 3 exemplaires s’il vous plaît, on en discutera au prochain conseil d’administration.

  6. anti Post author

    Je viens de un article très interessant sur FAMADIHANA ou fête du retournement des morts à Madagascar.

    Un extrait faute de pouvoir mettre des liens (le blog refuse les posts ou trop longs, ou avec liens, voire même avec les deux le bougre !)

    « Dans la croyance Malgache, le défunt ne meurt pas mais accède à un nouvel état, celui de « Zanahary ». Il devient un esprit redouté et honoré car pouvant à tout moment interférer dans la vie des vivants. De juin à septembre, les familles toutes classes confondues, font alors le « Famadihana » ou « retournement des morts ». Etonnante pratique, où plusieurs années après la mort, les corps des défunts sont exhumés à la vue de tous pour une toilette mortuaire. Par cet acte compatissant, les descendants chercheront à transformer le défunt redouté en un ancêtre pacifié et bienveillant, de qui on attend en retour conseils et faveurs … »

  7. anti Post author

    C’est curieux de considérer la présence géographique des « doubles funérailles » dans le monde.

    Ici, en Chine :

    « Dans ce village où la pratique, répandue dans toute la Chine du Sud, des doubles funérailles est de rigueur, ce type de terre sablonneuse sert de site d’inhumation provisoire, le mort ne rejoignant son site funéraire définitif — sur les collines — qu’au terme d’une période d’isolement dont la durée coïncide généralement avec celle de la décomposition du cadavre, entre trois et dix ans. Au terme de cette phase de désagrégation, au cours de laquelle le mort pert graduellement la partie putrescible de son corps, considérée comme néfaste, le cercueil est exhumé. Les ossements sont ensuite nettoyés, puis le squelette est reconstitué en position accroupie dans une grande urne en céramique. Il est important de préciser que seuls les défunts admis au rang d’ancêtres reçoivent ce traitement funéraire, qui les consacre dans une dignité statutaire à laquelle ne peuvent prétendre, entre autres catégories de défunts, les enfants morts en bas âge. L’isolement que subit le défunt durant la phase de décomposition s’achève avec l’installation de son urne funéraire dans une tombe familiale, généralement localisée sur les collines. En règle générale, à ce stade de la phase de réinstallation, les urnes réunies dans le même espace funéraire familial ne sont pas enterrées; elles sont soit posées sur le sol, débroussaillé pour constituer une aire rituelle en forme de demi-cercle, soit en partie enfouies. Au terme d’une période dont la durée est indéfinie, une structure en briques ou en pierres est érigée sur le site et les urnes sont inhumées. L’érection d’une tombe définitive — construite en un matériau solide, expression d’une permanence — n’est pas généralisée. La grande majorité des morts ne connaît pas cette forme d’immortalité que procure une structure matérielle définitive devant laquelle se réunit périodiquement le groupe familial pour la célébration des rituels d’offrande. »

  8. anti Post author

    Et encore ! Y’en a d’autres tous plus intéressants les uns que les autres.

    Ce dernier article est très en rapport avec ce que je lisais l’autre jour sur la Substitution :

    Comme signe, le tombeau constitue le paradigme originel de la substitution :

    « Le tombeau apparaît comme la première substitution : une plaque de marbre à la place d’un corps. Un tombeau peut être un indice marquant l’emplacement où on enfouit le cadavre. Le tombeau a donc substitué au corps, non pas la représentation d’un corps – quoique certaines pierres tombales soient évocatrices du corps perdu –, mais le signe de l’absence d’un corps substitué. Le tombeau est donc le signe d’un corps absent : sur le tombeau, il y a une stèle dressée, comme un menhir ou un xolossos, destiné à fixer l’âme du mort. Aucun trait n’est indiqué sur la stèle en Grèce antique : elle n’a pas de valeur représentative. C’est cette dimension des colosses de Memnon en Egypte qui avait tant impressionné Flaubert : il écrivait que, lorsque le vent s’engouffre dans ces deux substituts, le bruit s’apparente au râle d’un mourant.

    En quoi le tombeau est-il la substitution d’un corps absent ? Il ne marque même pas la place du cadavre : chez les Grecs comme chez les musulmans, il peut être dressé là même où il n’y a pas de corps. C’est simplement le lieu de l’âme. Ce n’est pas un monument lié à une fonction utilitaire. Il ne signale pas. Il ne représente pas non plus. Pourtant, la substitution fait sens. »

  9. Anna Galore Post author

    Oui, j’ai pensé également à ce texte sur la substitution que tu m’avais envoyé.

    J’y vois une analogie avec le Temple, lieu de substitution par excellence.

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