Une journée ordinaire aux urgences

Petit résumé des épisodes précédents… Samedi après-midi, j’ai glissé en descendant notre escalier en colimaçon qui relie le niveau principal de notre maison et le rez-de-jardin (la partie qui a subi les deux dégâts des eaux du printemps dernier et qui est enfin en cours de restauration mais pas tout); J’ai dévalé une demi-douzaine de marches sur le dos, avec mon pied gauche qui semble s’être replié sous moi, je ne sais pas trop comment. L’atterrissage a été encore plus douloureux que la descente, j’ai même commencé à faire un choc (tremblements compulsifs) mais Anti m’a allongé sur un matelas posé sur le carrelage et m’a donné un bon anti-douleur qui a fini par agir au bout de 45 minutes – c’est long. Anti a appelé SOS Médecins, un toubib est arrivé vers 19 h 30, m’a ausculté et m’a filé un anti-inflammatoire qui ne doit EN AUCUN CAS être donné si on prend aussi des anticoagulants, ce qui est mon cas, mais ça n’a pas eu l’air de gêner le médecin. Ces détails ont de l’importance pour la suite.

Lundi matin, l’empereur, sa femme et le p’tit prince… euh, non, ça c’est une autre histoire. Lundi matin, je me sentais barbouillé, vertiges et un peu de fièvre. Vers 10 h, j’ai vomi mon petit dèj pourtant très léger – une banane et deux verres d’eau. On a appelé le SAMU. Les ambulanciers nous ont dit qu’avec ces symptômes, j’allais forcément être orienté en zone Covid. Au début, on a dit qu’il n’en était pas question du fait que je cumule 6 facteurs de risques sur 6. Mais ils se sont montrés rassurants sur le niveau de sécurité mis en place au CHU.

A mon arrivée, on m’a fait un premier test de dépistage rapide – négatif. Le médecin m’avait dit avant même d’avoir le résultat qu’il ne croyait pas une seconde que j’étais infecté, une fièvre Covid étant plutôt vers 39° ou plus, pas à 37°8. Et très vite, un coupable désigné pour mes symptômes : l’anti-inflammatoire qui m’avait été prescrit. On m’a fait un second prélèvement (c’est le protocole standard en cas de réponse négative) et j’ai été conduit sur un fauteuil à roulettes vers la zone Imagerie pour des radios de mon pied. On était quatre à attendre, dont un très vieux monsieur sur un fauteuil, emmitouflé dans un grand drap d’hôpital, au regard vide. Il était encore là quand je suis reparti. J’ai eu cette image d’une scène-culte de Beetlejuice, celle d’un homme qui attend son tour depuis des siècles sans que rien ne se passe.

On m’a pris trois radios, sous différents angles et j’ai été conduit en Traumatologie. En fait, en salle d’attente, où nous étions trois, moi compris. Jusque-là, tout s’était passé plutôt vite et je me sentais optimiste. Erreur… Les deux autres (im)patients étaient un monsieur et une jeune femme avec des talons aiguille, visiblement excédée et avec un bras qui lui faisait mal.

Des infirmiers sont venus chercher le monsieur, puis, plus rien pendant 2 heures et demie. Rien de rien. La jeune femme se levait toutes les deux minutes et partait dans les couloirs, avec le clic-clac de ses talons, puis elle revenait, encore plus dépitée. Elle m’a raconté qu’elle s’était fait très mal à l’épaule en faisant une mauvaise chute, qu’elle avait déjà eu une radio dans la matinée, que le responsable traumato l’avait examinée mais ne savait pas trop si ce qu’il voyait était une fissure ou une fracture et que donc, il fallait qu’elle attende pour passer une IRM, mais les patients de l’hôpital avaient la priorité donc ça allait prendre du temps. En cas de fracture, elle devrait être opérée immédiatement. A plusieurs reprises, elle m’a dit « j’en ai marre, je me casse ». Elle sortait de la salle d’attente puis y revenait peu après, en ayant toujours mal et en étant de plus en plus énervée (il y a de quoi).

Elle a fini par partir pour de bon et peu après, une interne est venue pour regarder mon pied et ma cheville. Ensuite, l’apprentie-médecin est partie dans une autre pièce pour regarder les radios et elle est revenue en me disant qu’il manquait un cliché de ma cheville de face pour qu’elle ait toutes les infos nécessaires à un diagnostic. Retour au département Imagerie. Il y avait beaucoup plus de monde sur des brancards un peu partout. Le vieux monsieur n’était plus là. Je suis passé très vite, je devais être prioritaire pour une raison ou une autre. On m’a ramené en traumato.

La jeune fille était de nouveau là. Un jeune homme très maigre et très grand est arrivé, il avait une rage de dents. Il a vu un médecin du service qui lui a dit que le CHU ne faisant pas le dentaire et qu’il devait prendre un rendez-vous sur Doctolib, dont il n’avait jamais entendu parlé. Il m’a raconté qu’avant d’arriver aux urgences, il avait appelé tous les dentistes de Nîmes et de ses environs. On lui répondait soit qu’il n’y avait pas de disponibilité avant plusieurs semaines, soit qu’il ne pouvait pas être pris en urgence parce qu’il n’était pas déjà client de ce cabinet (on hallucine). Je lui ai expliqué comme aller sur Doctolib. Les meilleures propositions qu’il a eues était des rendez-vous vers la mi-janvier; Avec une rage de dents.

Au loin, on entendait une femme qui poussait de longs hurlements sans cesse.

L’interne est venue me reprendre en salle d’examen. Un autre médecin a tripoté mon pied, a un peu appuyé là où mon hématome s’était bien installé sur le dessus et m’a dit : « Ca craquouille. » Désolé pour les termes techniques. Il est ressorti et l’interne m’a dit qu’elle transmettait la nouvelle radio à un orthopédiste. On m’a ramené dans la salle d’attente. Cette fois, il n’y avait plus que moi. La jeune fille était vraiment partie, le jeune homme aussi.

L’interne est revenue relativement vite. Selon l’orthopédiste, j’avais une entorse. Elle m’a donné tout le compte-rendu de mon passage aux urgences et une ordonnance détaillée. Sur la première ligne, il y avait l’anti-inflammatoire qui m’avait détraqué (du kétoprophène), alors que plusieurs autres médecins que j’avais vus depuis le matin m’avaient dit de ne surtout pas en prendre.

Inutile de dire que lorsqu’Anti est passée à la pharmacie, elle n’en a pas pris. Le paracétamol est également approprié et lui, il ne fait pas courir à l’ulcère. Pendant qu’elle récupérait tous les médocs et une attelle, j’ai appelé notre généraliste depuis la voiture pour la tenir au courant. Elle a été soulagée – et nous donc. Et elle m’a redit encore une fois de ne surtout pas prendre de kétoprophène. Aucun risque.

Quel bonheur de retrouver la quiétude de la maison. On s’est effondrés de sommeil vers 21 h.

Le bilan de cette journée… Pour moi, une menace flippante écartée (le virus) et une confirmation de ce qu’on savait déjà pour mon pied (ça craquouille). Pour les personnes que j’ai côtoyées, mes camarades d’infortune, la douleur, le désarroi sur les visages, le sentiment qu’ils n’ont plus aucun contrôle sur leur vie tant qu’ils sont là et qu’ils n’ont aucune idée de quand ils en ressortiront. Cela dit, je ne critique absolument pas les soignants, qui se sont montrés très bien, juste débordés par des tonnes d’autres trucs à faire, des obstacles sans fin pour juste poser des diagnostics certes indispensables mais plutôt basiques pour ce qui me concerne (cinq heures pour une entorse).

Un sentiment général de grande misère humaine…

Epilogue : alors que j’attendais Anti à la sortie des urgences, j’ai vu la jeune fille aux talons hauts qui partait en cliquetant vers la sortie, son épaule toujours plus douloureuse. Elle n’avait sûrement pas eu son IRM mais avait dû encore parcourir les couloirs sans se décider. Elle devait reprendre son boulot le lendemain. Au CHU, justement, où elle est agent de propreté.

9 Replies to “Une journée ordinaire aux urgences”

  1. Valentine

    C’est très très flippant en effet. Les urgences hospitalières ressemblent à une gigantesque cour des miracles!
    J’ai déjà eu l’occasion de tester le concept  » urgences » qui te prend 6 plombes d’attente au milieu de grabataires, d’alcolos, d’énervés, de grippés etc…
    Pour ton entorse, tu aurais en fait pu te poser le diagnostic du ça craquouille tout seul et prendre un dafalgan.
    Ton escalier est assez pète gueule aussi!

  2. Anna Galore Post author

    Tu sais, s’il n’y avait eu que mon pied douloureux, je ne serais pas allé aux urgences. En fait, on venait de prendre un rendez-vous avec notre généraliste, c’était bien suffisant. Ce qui a changé la donne, c’est quand je me suis mis à vomir et avoir de la fièvre (même modérée). On ne voyait vraiment pas de rapport avec ce qui m’était arrivé au pied. C’est là qu’on s’est dit qu’il fallait appeler le SAMU. Tout ça pour découvrir que mes symptômes autres que le mal au pied étaient directement dus au kétoprofène…

  3. eMmA MessanA

    Affligeant, démoralisant, indigne…
    Je sors de deux années de relations difficiles avec les hôpitaux et j’ai bien peur de devoir m’y refrotter bientôt…
    J’espère que ton pied va mieux.

  4. Anna Galore Post author

    De mieux en mieux, merci ! En fait, tant que je conserve une position du pied « normale », je ne sens aucune douleur.

    D’ailleurs, aujourd’hui, je sors faire les courses avec ma chérie (et avec mon attelle, cela va sans dire). C’est vraiment trop frustrant de ne pas pouvoir quitter l’étage – certes confortable – où je suis depuis ma chute. Il faut que je sorte un peu 🙂

  5. Dominique Arizmendi

    Oh la la… ça me rappelle quand j ai emmené ma mère au même endroit ; arrivés à 19 h. partis à 2h du matin. Heureusement elle sur un brancard et moi j avais subtilisé une chaise.
    Oui, les soignants se démènent comme ils peuvent ; au moins l accueil est plus agréable et humain qu à Arles.
    Et les soins plus sérieusement faits.
    Courage tu vas galoper bientôt.

  6. Anna Galore Post author

    Merci pour tes encouragements, Domi 🙂
    Pour le moment, mes « galopades » ressemblent surtout à la poursuite effrénée entre Jean Dujardin et le néo-nazi à travers les couloirs de l’hôpital dans le second OSS 117 🙂
    Et j’ai finalement renoncé hier à aller faire les courses, mon corps m’a rappelé qu’il n’était pas encore en état de le faire, mais alors pas du tout. Donc, prudence et patience !

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