Rodilhan pour fêter la suppression du PCI, quel chemin parcouru !

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Le dimanche 14 juin 2015, la corrida prévue à Rodilhan n’a pas eu lieu. Les deux planifiées à Manduel la veille, non plus. Les pinailleurs vont dire qu’il ne s’agissait pas de corridas mais de bolsins avec mise à mort. Ils peuvent appeler cela comme ils veulent, ça ne change rien : torturer en spectacle des bovins jusqu’à ce qu’ils succombent, c’est la même chose quel que soit l’âge des bovins suppliciés et celui des tortionnaires concernés.

Rodilhan en fête ? Oui, sans corrida

En ce dimanche ensoleillé, des militants de tous bords venus à l’appel du CRAC Europe se sont rassemblés pour célébrer la radiation de la torture tauromachique du patrimoine culturel immatériel de la France (PCI). Et ils l’ont fait dans le plus symbolique des endroits : à Rodilhan, ville de sang et ville-symbole de la violence déchaînée des aficionados, non seulement à l’encontre de ruminants mais également d’êtres humains. Le lynchage du 8 octobre 2011 a rendu cette commune célèbre dans le monde entier, la marquant durablement d’un sceau d’infamie.

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Depuis, 70 victimes parfaitement identifiées attendent toujours le procès de 30 agresseurs parfaitement identifiés. Cela fait presque quatre ans et toujours pas le moindre début de signe d’ombre de date de comparution. Face à ce déni de justice, les anticorrida reviennent inlassablement dans la ville de la honte à chaque fois que son maire, toujours le même, décide de programmer à nouveau une séance de torture. Celle du 14 juin 2015 a été annulée sous notre pression, ainsi que les deux prévues le 13 à Manduel où aucune action n’avait été annoncée. Nous avons décidé de venir quand même, puisque notre déclaration de manifester nous y autorisait.

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Et comme il n’y avait plus d’enjeu – les corridas de Manduel et Rodilhan ayant été annulées – il ne s’est plus agi que de fêter notre victoire dans le plus improbable des endroits : sur la place de la mairie de Rodilhan, aux abords directs de l’arène. Bien sûr, la plupart des militants qui avaient prévu de venir ont reporté leur voyage à plus tard – se déplacer a un coût et aucun d’entre nous ne peut être présent à toutes les actions. Ceux qui sont venus quand même ont vécu une manifestation comme jamais auparavant : nous étions là pour fêter ensemble non seulement l’annulation des trois corridas, mais aussi et surtout l’abrogation de l’inscription de la tauromachie au PCI.

Après nous être rassemblés devant la façade de la mairie pour y déployer nos banderoles et rappeler à tous notre stratégie d’unité afin de favoriser la tenue du plus grand nombre possible d’actions pacifiques anticorrida, nous avons installé devant la voiture-sono une buvette largement fournie pour que tous les présents fassent la fête dans une ambiance chaleureuse de joie partagée.

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Nous avons rendu hommage à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la longue marche qui mène à l’abolition. Nous avons rappelé que beaucoup d’entre nous avaient rejoint la lutte au moment de l’annonce de l’inscription de la corrida au PCI et avaient redoublé d’engagement en découvrant l’ultra-violence des aficionados à Rodilhan en 2011. En ce dimanche très particulier, soudain, nous avons eu la sensation concrète des pas de géant accomplis ces dernières années : radiation de la tauromachie du PCI, annulation enfin obtenue d’une corrida à Rodilhan, quel chemin parcouru ! Qui aurait pu l’imaginer il y a encore quelques mois ?

Nous sommes tous parfaitement conscients du fait que la corrida n’est toujours pas abolie (mais il est certain qu’elle le sera puisque nous ne lâcherons rien pour y parvenir). Nous n’ignorons pas non plus que la séance de torture annulée dimanche sera probablement reprogrammée un peu plus tard (peu importe, nous ou d’autres seront là pour s’y opposer à nouveau). Et nous savons que l’abrogation de l’inscription au PCI va être contestée en cassation, mais ce dernier sursaut n’est pas suspensif. En attendant, ce dimanche était un jour de succès pour notre combat et nous étions tous ravis de le fêter justement en ce lieu précis.

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Quelques mots maintenant sur les grands perdants.

Une annulation justifiée par des motifs à la Valls

Il est intéressant de revenir sur les raisons données par les responsables concernés au sujet des motifs réels de l’annulation des trois séances de torture. Chacun ou presque en a donné une version différente qui évoluait avec le temps. On se serait cru dans un remake des justifications embarrassées de l’aller-retour de Valls en vol privé pour aller voir une finale de foot en Allemagne : d’abord une simple envie de voir ce match (sur le dos des contribuables), puis une mystérieuse réunion avec l’UEFA, puis un ordre du jour de la prétendue réunion lu laborieusement par Platini, puis tout le monde qui rétropédale pour revenir à la première version.

Pour Manduel et Rodilhan, c’était le même cafouillage médiatique (c’est dire si Valls est un maître à penser pour les aficionados). La première annonce faite par Yvan Lachaud, président de Nîmes Métropole, attribuait la cause de l’annulation à la mobilisation annoncée de 500 manifestants à l’appel du CRAC Europe.

Puis le vice-président Jean-Marc Soulas a publié un communiqué apocalyptique mêlant des faits réels et d’autres inventés en lien avec des actions citoyennes de ces derniers mois dans la région (Arles, Palavas, Nîmes) qui pourtant n’ont causé aucune violence sauf à l’encontre des anticorrida sérieusement malmenés comme d’habitude.

Ensuite, Christophe Borgus, directeur de cabinet à la préfecture, a affirmé qu’il ne s’agissait en rien d’un problème de sécurité mais juste d’organisation bâclée, tout en ajoutant quand même que choisir Rodilhan, c’était courir à un affrontement (nous le lui confirmons).

Au final, la seule raison qui a été reprise abondamment dans les médias, c’était bien entendu la première : une grosse mobilisation annoncée pour la manifestation déclarée du CRAC Europe, qui allait forcer le maire de Rodilhan à transformer à nouveau sa commune en prison de haute sécurité.

On va mettre tout le monde d’accord : les séances de torture ont été annulées « sous la pression des anticorrida », pour reprendre le titre du sujet réalisé par France 3. Car il s’agit bien de la pression croissante due à tous les anticorrida qui agissent sur le terrain depuis des années, avec ou sans association, avec ou sans déclaration. Les militants, les vrais, n’ont qu’un seul objectif : obtenir l’abolition de la corrida.

L’étrange conception de la démocratie des petits potentats locaux

Pour Serge Reder, maire de Rodilhan et donc garant du respect des lois de la République, les manifestants sont tout simplement « des hors-la-loi ». C’est ce qu’il a déclaré sur France 3. Il s’agissait pourtant d’une manifestation déclarée et autorisée. Doit-on alors considérer ce maire comme parfaitement nul en droit pour sortir une ânerie pareille ? Ou est-ce à dire qu’il va demander une révision de la Constitution afin de préciser que la liberté d’opinion et de manifester sont des droits fondamentaux, sauf s’il s’agit de contester la tenue de corridas ?

Quant à son argument disant que puisque la corrida est légale, s’y opposer est illégal, qu’il aille l’expliquer à tous les manifestants de toutes les causes depuis que les manifestations existent. C’est comme cela que toutes les avancées de la civilisation se sont produites, de l’abolition de l’esclavage à l’amélioration des droits sociaux, de l’interdiction de certaines déviances sexuelles autrefois considérées comme banales à l’interdiction du travail pour les enfants, sans oublier l’avènement de la République en France une certaine année 1789 (c’était légal de faire tomber la monarchie ?)

Son cher collègue Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, ne vaut pas mieux. Pour lui, Yvan Lachaud n’aurait pas dû annuler les séances de torture car « On ne doit pas reculer devant des terroristes ». Des terroristes, rien que ça. Monsieur Fournier, vous et vos acolytes qui utilisez le même vocabulaire à notre encontre – les Viard, Marleix, Dufranc, Carpentier et j’en passe – montrez-nous nos attentats à la bombe et nos massacres à la Kalachnikov, sinon taisez-vous. Taisez-vous donc, ignobles personnages ! En vous exprimant ainsi, vous vomissez à la figure des victimes du vrai terrorisme, celui qui tue et qui mutile. Honte à vous de tenir des propos aussi abjects et insupportables.

Sur un mode plus léger mais tout aussi pathétique, Fournier s’est même irrité publiquement que Lachaud n’ait pas utilisé la météo comme prétexte d’annulation, de gros orages ayant été annoncés. Sur ce point également, il s’est ridiculisé : après une brève ondée en début d’après-midi, le ciel est passé au bleu persistant.

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Mais, au-delà des mots outranciers et des louvoiements pitoyables, qu’on ne s’étonne pas du soutien indéfectible de Fournier à Reder : ces deux dépositaires de l’autorité publique étaient côte à côte à Rodilhan le 8 octobre 2011 lorsque 70 militants anticorrida se sont fait lyncher par une trentaine de spectateurs venus les rouer de coups sans qu’aucun manifestant ne réplique.

Et qu’ont-ils fait, ces braves maires, devant ce déferlement de violence parfaitement illégal ? Ils ont ri. Eux, les garants de l’ordre public, n’ont pas bougé le petit doigt pour arrêter les agresseurs déchaînés. Ils les ont laissé faire jusqu’au bout et s’en sont réjouis. Reder est même descendu à son tour sur le sable de l’arène pour jouir des scènes de violence au plus près en les prenant en photo.

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Il faudra qu’ils en répondent lorsque le procès de ces actes odieux sera enfin tenu – car il finira par l’être, malgré toutes les manoeuvres dilatoires qui le retardent depuis quatre ans. Complicité de violences en réunion, non assistance à personnes en danger, qui sont les vrais hors-la-loi ?

La corrida n’est officiellement plus un patrimoine culturel français. Bientôt elle sera enfin abolie. Et les tristes pantins qui gesticulent pour tenter d’en sauver les derniers haillons disparaîtront des mémoires à jamais.

Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe

Photos Rodilhan 2011 : Sauvons les Animaux (2, 3, 4), auteur inconnu (Reder dans les arènes)
Les autres photos ont été prises par moi le 14 juin 2015 à Rodilhan

One Reply to “Rodilhan pour fêter la suppression du PCI, quel chemin parcouru !”

  1. anne quievreux

    Effectivement, quel chemin parcouru, grâce à des gens courageux, car il en faut du courage pour affronter pacifiquement une mafia qui ne recule devant rien pour assouvir ses vices. Aucune fourberie ne doit nous étonner de la part de ce gens. Par contre, que l’affaire de Rodilhan ne soit toujours pas passée en justice est une honte nationale: il y a quand même eu de nombreux blessés au cours de cet incident.

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