Les seigneurs contre les saigneurs

Quand nous étions à Toulouse pour assister aux conférences du Dalaï Lama, nous avons arpenté plus d’une fois de tout son long la rue Bayard, notre hôtel étant à un bout et le centre-ville à l’autre. Il se trouve que j’ai vécu un certain temps dans cette rue lorsque je faisais mes études dans la Ville Rose il y un peu plus d’une trentaine d’années. Mais la plupart des repères que j’y avais n’existaient plus.

walter spanghero.jpgUne figure qu’on y croisait souvent était Walter Spanghero, grand rugbyman toulousain dans les années 60-70, un seigneur, un vrai. Ce géant au sourire débonnaire et à la popularité immense avait été surnommé l’Homme de Fer par les joueurs sud-africains qui ne sont pourtant pas des mauviettes. Il faut dire qu’ils devaient s’y mettre à six pour l’arrêter quand il fonçait vers l’essai.

Lorsqu’il a senti arriver la fin de sa carrière sportive, il a eu la sagesse de se retirer des stades en pleine gloire et il a monté une entreprise de location de voitures – installée initialement rue Bayard. J’avais bien sûr envie de la montrer à Anti mais malheureusement, elle n’était plus là.

Hier, au détour d’un article de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Aboliton de la Corrida) que m’a fait parvenir Anti, j’ai eu le plaisir de recroiser la route de Walter Spanghero.

Figurez-vous que Jean Nouvel, architecte pro-corrida, a eu le culot de faire un amalgame hallucinant entre la corrida et le rugby. La réaction n’a pas tardé. Il s’est pris un pack d’avants en pleine poire, à commencer par Spanghero qui a écrit ces mots :

« Je suis particulièrement surpris qu’on puisse faire l’amalgame entre le rugby et la corrida. Le Rugby est un sport de combat avec un respect ô combien sincère de l’adversaire. La corrida est une confrontation inégale entre une personne et un taureau qui tombe dans un piège. De ce duel il ne sort jamais vainqueur, car pour arriver à ses fins, l’homme affaiblit l’animal à coups de piques et lui sectionne les veines. Quelle lâcheté !! »

corrida chabal.jpgLe rugby étant un sport d’équipe, Spanghero n’est pas resté seul longtemps. Sébastien Chabal, pas du tout content d’avoir vu une photo de lui piquée en douce et détournée avec un masque de taureau au profit d’une propagande pro-corrida, en a remis une couche. Il a fait parvenir ce qui suit à la presse :

Sébastien Chabal entend par ce communiqué protester vigoureusement contre l’utilisation – sans qu’il ait été informé d’aucune façon que ce soit – d’une image de lui pour l’affubler d’une tête de taureau afin d’assurer la promotion de la feria de Béziers.

Sébastien Chabal, qui n’entend pas de près ou de loin être un acteur du débat sur la tauromachie, n’a en aucun cas donné son accord à l’amalgame pratiqué dans cette affiche entre son sport (le rugby) et cette manifestation taurine. »

D’autres rugbymen, scandalisés, ont carrément participé à une manif anti-corrida organisée par la FLAC et PETA à Béziers, en s’allongeant sur le sol avec des fausses banderilles sur le dos, comme nous l’avons fait à Nîmes. Leur déclaration :

« Nous estimons qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre la corrida et le rugby. Certes, ici nous sommes en terre taurine. Mais il nous semble que la corrida devrait être un fait du passé. La comparer au rugby nous gêne. »

corrida béziiers.jpgEt pour finir en beauté, un extrait de la réaction de Christian Laborde, l’auteur de Corrida Basta.

« Spanghero n’est pas un torero. Spanghero, c’est front contre front, viande contre viande, caisse contre caisse. Le torero, lui, ne livre aucun duel, regarde un taureau affaibli, ruisselant de sang, charger le leurre qu’il lui tend.

Spanghero et son adversaire se disputent âprement le ballon, envoient du bois et les ailiers à l’essai. Les coups donnés et rendus, le match gagné ou perdu, les crampons essuyés, la sueur effacée, Spanghero et le mec qui lui a donné du fil à retordre se retrouvent pour boire et chanter.

Il n’y a pas de troisième mi-temps au terme d’une corrida : juste la dépouille suppliciée et mutilée d’un taureau que l’on traîne hors de la l’arène, taureau que la lune, quand il était vivant, visitait amoureusement chaque nuit.

Ces gens-là piétinent les astres, saccagent les bêtes, abaissent l’homme, et tentent maintenant d’accrocher à leur char le rugby, le «ruby», le «rubis» qui se joue sur nos terrains d’émeraude. Ne les laissons pas faire : enfonçons ces merdicoles malfrats, mouchons ces morticoles morveux, déchirons l’affiche du sang ! »

Très belle journée à vous

Photo de Walter Spagnhero : La Dépêche du Midi
L’essentiel des infos de cette note et les autres illustrations viennent du site de la FLAC

8 Replies to “Les seigneurs contre les saigneurs”

  1. anti Post author

    « Les seigneurs contre les saigneurs »

    Excellent titre pour un excellent article. Bravo à celles et ceux qui savent prendre position. Rappelons que celui qui ne dit mot, celui qui n’agit pas consent.

    Je me régale en lisant Christian Laborde depuis quelques jours. Je le lis avé l’assent. Il vous décoche les mots avec la précision d’un chirurgien et vous envoie au tapis en moins de lignes qu’il ne le faut pour l’écrire.

    On va y arriver !

    anti

  2. valentine Post author

    Quand je pense que nous vivons au XXIème siècle…………..les propos tenus par des gens connus « entrent » mieux dans les consciences collectives, continuez donc à vous exprimer haut et fort.

  3. Sylvana. Post author

    Hou là là !!! Je sens que je vais finir par aimer le rugby. En tout cas bravo à ses rugbymans, mais les pro se rattachent à tout ce qu’ils peuvent. Mais oui Anti on va y arriver.

  4. Véronique Post author

    Le rugby, un sport généreux, sincère, un vrai spectacle pour les yeux !
    La corrida, un massacre, une honte, une antiquité périmée qui n’aurait jamais dû exister.
    Je ne vois donc aucun point commun entre le rugby et la corrida : le premier est un sport, le second est une tradition barbare dont les adeptes devraient, une fois dans leur pauvre vie, se transformer en taureau !!!
    Un petit hors sujet : je suis toulousaine, une vraie de vraie, ayant vécu dans cette belle ville de ma naissance jusqu’à mes 25 ans. Anna, que faisais tu dans la rue Bayard ? Elle était vraiment connue à l’époque, cette rue…

  5. Anna Galore Post author

    Aaaaaaaah, enfin une VRAIE Toulousaine en effet ! Hé bien, figure-toi que ce « pôle d’activité » de la rue Bayard bien connu des habitants de l’époque (et dont j’ai parlé à Anti également) a, semble-t-il, disparu lui aussi ou plutôt, il a dû migrer quelques rues plus loin. Même les soirs où on revenait un peu tard à notre hôtel face à la gare, on n’en a vu aucune trace.

    Quant à moi, si j’ai habité là, c’est tout simplement parce que c’était à la fois près du centre et pas cher. Le voisinage un peu particulier ne dérangeait personne (en tout cas, ni moi ni mes copains ou copines). Je me souviens d’une fois où j’étais en train de bricoler l’installation d’un auto-radio dans ma vieille relique de bagnole garée sur une placette triangulaire face à chez moi (au 33) pendant qu’à quelques mètres, une de ces dames faisait son boulot à un rythme soutenu. Je me suis dit que pendant le temps que ça m’avait pris de tout brancher, elle avait dû gagner bien plus que ce que mon appareil avait coûté.

  6. Véronique Post author

    Tu as raison : quartier agréable, proche du centre et qui, malgré sa réputation, était agréable à traverser, même tard dans la nuit avec mes potes, lorsqu’on rentrait de boire un verre de sous les arches du Capitole ou lorsqu’on venait de se faire un ciné place Wilson ! Mais il est vrai que Toulouse a beaucoup changé. Es tu une VRAIE Toulousaine toi aussi ?
    Peut-être que nous nous sommes croisées, un jour, comme on le fait avec des milliers de personnes.
    Les chats ont eu raison de nous, j’ai pu, grâce à eux, croiser et stopper ma route avec la tienne et celle d’Anti, une rencontre riche et spéciale : vous dégagez quelque chose de particulier, une certaine sagesse, une aura vraiment puissante.
    Merci les Miaousssssss ……….

  7. Anna Galore Post author

    « Es tu une VRAIE Toulousaine toi aussi ? »

    Mon père est Toulousain de naissance. Moi, j’ai vu le jour en Tunisie mais toute la famille est revenue à Toulouse lorsque j’avais 7 ans. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 31 ou 32 ans. Mon fils aîné (Netsah sur le blog) y est né et y vit toujours !

    Et merci pour tes mots sur notre rencontre 😉

  8. anti Post author

    Maraouw ! Et bé ! Séquences émotion ce matin. Touchées nous sommes Véronique…

    anti, que la force des miaousssss soit avec toi petit katpatdawan !

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