L’altruisme chez l’enfant : une série d’expériences révélatrices

Aujourd’hui, je partage avec vous cet article de Matthieu Ricard que je trouve très intéressant sur l’empathie et l’altruisme chez les enfants. A mon sens, il donne des pistes quant au fait que souvent les enfants se sentent particulièrement vulnérables et profondément blessés quand l’autre, plus grand, voire adulte, ne se montre lui pas altruiste envers lui qui l’est par nature.

L’altruisme chez l’enfant : une série d’expériences révélatrices, par Matthieu Ricard

Des recherches accomplies par l’équipe de Michael Tomasello et Felix Warneken à l’Institut Max-Planck de Leipzig ont montré que les tout jeunes enfants offraient spontanément leur aide à un expérimentateur pour accomplir diverses tâches – leur apporter un objet tombé par terre, par exemple – et cela en l’absence de toute récompense. Comme le remarque Felix Warneken : « Ces enfants sont si jeunes qu’ils portent encore des couches et sont à peine capables de parler, et pourtant ils manifestent déjà des comportements d’entraide. »

Peu de chercheurs, jusqu’alors, avaient étudié expérimentalement le phénomène d’entraide chez les très jeunes enfants. En effet, les théoriciens du développement ont été longtemps influencés par l’hypothèse, formulée par Jean Piaget et son élève Lawrence Kohlberg, selon laquelle les comportements empathiques orientés vers autrui ne se manifestaient pas avant l’âge scolaire, et qu’avant cet âge l’enfant était entièrement égocentré. Piaget a étudié le développement du jugement moral chez l’enfant, lequel est lié à son développement cognitif. Mais, en mettant l’accent exclusivement sur la faculté de raisonner, il a négligé l’aspect émotionnel et en a conclu que les jeunes enfants étaient dépourvus d’empathie avant l’âge de sept ans. Depuis, d’innombrables recherches expérimentales ont montré qu’il en va tout autrement, et que l’empathie se manifeste très tôt chez l’enfant. Il commence par offrir une aide « instrumentale », en apportant, par exemple à un adulte un objet dont il a besoin, ce qui suppose une compréhension des désirs de l’autre. Un peu plus tard, il manifeste une aide « empathique », en consolant, par exemple, une personne triste.

Lorsqu’un expérimentateur en train d’accrocher du linge fait tomber une pince à linge et peine à la récupérer, la quasi-totalité des enfants de dix-huit mois se déplacent pour ramasser la pince et la lui tendre. Ils réagissent en moyenne dans les cinq secondes qui suivent la chute de la pince, ce qui est approximativement le même laps de temps dont a besoin un adulte placé dans une situation similaire. De même, les enfants viennent ouvrir la porte d’un placard devant laquelle butte un expérimentateur qui a les bras chargés de livres.

Mieux encore, les enfants reconnaissent spécifiquement une situation dans laquelle l’adulte a véritablement besoin d’aide : si ce dernier jette délibérément la pince à linge par terre au lieu de la faire tomber par inadvertance, les enfants ne bougent pas.

Les enfants de dix-huit mois vont jusqu’à montrer à un adulte qui se trompe la bonne façon d’effectuer une tâche simple. En voyant un expérimentateur s’efforcer maladroitement d’attraper par un trou trop petit une cuillère qui lui a échappé des mains et qui est tombée dans une boîte, les enfants se déplacent pour ouvrir une trappe qu’ils ont repérée sur le côté de la boîte, récupèrent la cuillère et la tendent à l’expérimentateur. Là encore, les enfants ne bougent pas si l’expérimentateur a ostensiblement fait exprès de jeter la cuillère dans le trou.

Au vu de ces recherches, Michael Tomasello avance un certain nombre de raisons démontrant que les comportements de coopération et d’aide désintéressée se manifestent spontanément chez l’enfant. Ces comportements se manifestent très tôt – entre quatorze et seize mois –, bien avant que les parents aient inculqué à leurs enfants des règles de sociabilité, et ne sont pas déterminés par une pression extérieure. Ils sont observés au même âge dans des cultures différentes, ce qui indique qu’ils résultent bien d’une inclination naturelle chez les enfants à venir en aide et ne sont pas des produits de la culture ou d’une intervention des parents. Enfin, la mise en évidence de comportements similaires chez les grands singes donne à penser que les comportements de coopération altruiste ne sont pas apparus de novo chez l’être humain, mais étaient déjà présents chez l’ancêtre commun aux humains et aux chimpanzés il y a quelque six millions d’années, et que la sollicitude à l’égard de nos semblables est profondément ancrée dans notre nature.

Le blog ci-dessous est un extrait de l’ouvrage de Matthieu Ricard Plaidoyer pour l’altruisme. Si vous souhaitez approfondir votre expérience de lecture nous vous invitons à consulter la page suivante : https://www.matthieuricard.org/books/plaidoyer-pour-l-altruisme.

Très belle journée à toutes et à tous,

Anti

One Reply to “L’altruisme chez l’enfant : une série d’expériences révélatrices”

  1. Valentine

    Une approche de l’enfant qui fait du bien. Je me rappelle de fille aînée, en science de l’éduc à l’époque qui devait se farcir du Winnicot, entre autre, en long, en large et en travers!
    J’aime cette époque où on remet du coeur à l’observation et qui remet la toute puissance théoricienne à sa juste place!

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