Sur les traces de Serendip

La sérendipité est un hasard heureux qui conduit à un résultat inattendu mais intéressant. J’ai entendu ce mot pour la première fois lorsque j’étais chercheur dans une boîte de biotech – le hasard en science conduit souvent à des pistes inattendues et parfois à de grandes découvertes (voir la pénicilline par exemple).

Le mot dérive de Serendip, d’après un conte persan du XVIe siècle « Les trois princes de Serendip », qui a connu une grande diffusion en Occident grâce à des traductions successives. Il en a même été tiré un film que j’ai vu il y a pas mal d’années (plutôt moyen, c’est dommage). Les personnages principaux poursuivent un objectif et rencontrent sur leur route des indices apparemment insignifiants et sans rapport évident avec leur quête, mais qui pourtant vont se révéler indispensables. Un petit peu l’ancêtre des enquêtes de Sherlock Holmes par Arthur Conan Doyle ou celles d’Auguste Dupin dans les nouvelles écrites par Edgar Poe et traduites par Baudelaire (dont le célèbre « Double assassinat dans la rue Morgue »). Le mot Serendip est probablement une déformation de Suvarnadweepa (l’Île Dorée), l’ancien nom de Ceylan / Sri Lanka.

Et j’en reviens à la sérendipité, qui m’a conduit à la création d’une nouvelle composition, en me faisant copier-coller de façon incorrecte des rythmes de batterie que j’explorais dans Cubase (mon logiciel favori) non pas vers les pistes de batterie concernées mais vers des pistes banalisées qui, par défaut, utilisent un piano acoustique. En effet, dans les instruments électroniques depuis le début des années 80 et dans tous les logiciels qui permettent de créer de la musique depuis, tous les instruments sont codés sous forme de hauteurs de notes et autres paramètres (volume, effets, etc.). Pour une batterie, ces notes sont arbitraires (ce qu’on appelle une « drum map », un tableau de correspondance qui associe des notes à des sons de percussions, par exemple Do un son de grosse caisse, Ré un son de caisse claire, Mi une autre caisse claire, puis les toms, les cymbales, les percussions, etc.)

Du coup, mes rythmes de batterie sont devenus des thèmes de piano tout à fait inattendus… et qui, malgré quelques dissonances (que j’ai conservées), sonnaient super bien harmoniquement, ce qui est un miracle puisque les tables de correspondances sont absolument arbitraires.

L’introduction de Serendip expose les principaux thèmes de batterie-convertie-en-piano que j’ai retenus. J’ai ensuite développé et complété ces thèmes par d’autres instruments – basse, guitare glissando, guitare arpégée, cuivres, synthés). La première vraie batterie qui entre une minute après le début accompagne son équivalent piano à la note près. Il y a d’autres lignes de batterie ensuite, elles sont toutes utilisées également sous forme de piano ou de synthé à un endroit ou un autre du morceau.

Le résultat est fort joyeux. Enjoy !

3 Replies to “Sur les traces de Serendip”

  1. eMmA MessanA

    Ah c’est génial, c’est trop bien ce que l’on peut réaliser avec ces logiciels. J’adore, sans compter que le thème de la sérendipité est bluffant.

    J’imagine la bande-son d’un court-métrage.
    Au début, c’est comme une surprise. Un homme assis, nonchalant, regarde au loin, il voit une femme. Coup de foudre.
    Il se lève et décide immédiatement d’aller à sa rencontre. Une course effrénée démarre, sa foulée est ample, il respire fort. Puis, on sent qu’il s’essouffle, ses cheveux dansent, sa chemise se mouille.
    Au début c’est un peu angoissant : que lui veut-il à cette femme ?
    Plus les couleurs musicales deviennent joyeuses, plus un sourire éclaire le visage du poursuivant. On l’accompagne dans sa course.
    Elle se retourne, elle rit. Comme une évidence. Ils s’enlacent.

    I enjoyed. Thanks.
    Bon dimanche à la maisonnée.

  2. Anna Galore Post author

    Babel, excellent film, mais oui c’est tout à fait le thème de la sérendipité !
    eMmA, comme c’est gentil de passer ici 🙂 Amusant ce que tu imagines, pas du tout ce que j’avais en tête, mais pourquoi pas, on peut projeter ce qu’on veut sur une musique instrumentale. Mon ami Philippe, musicien chevronné depuis quarante ans, y a vu lui une évocation de l’univers et des harmonies de Bela Bartok. Quant à moi, je n’y ai vu qu’un développement joyeux, sans aucune illustration dans le monde réel, plutôt quelque chose d’onirique, comme la rencontre incongrue (c’est ce qui m’est arrivé en créant le morceau) entre, disons, un astronaute et des indigènes restés au stade heureux d’il y a des milliers d’années. Je vais essayer de faire un petit montage visuel en ce sens.

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