Il y a quelques jours, un superbe article a été consacré par Christopher Zara à Carole Davis dans le prestigieux International Business Times (IB Times). En voici la traduction en français, faite par mes soins et validée par Carole. Les photos sont celles de l’article original.
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Avec une vie entière consacrée au bien-être animal, Carole Raphaelle Davis ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’exprimer son opinion sur ceux qui assistent à des corridas dans le sud de la France.
“Ils sont abominables,” a-t-elle déclaré lors d’un entretien depuis sa résidence à Nice. “Ce sont des arriérés, des ploucs. Les Américains ne connaissent pas les ploucs français. Aller dans ces communes, c’est se retrouver dans le film Délivrance, version européenne.”
Les communes auxquelles Carole Davis fait allusion sont concentrées dans le sud du pays, où des douzaines de corridas sanglantes sont organisées du printemps à l’automne. La corrida est illégale sur la majeure partie de la France, où elle est considérée comme un crime à l’encontre des animaux, qui peut valoir à ceux qui le commettent jusqu’à deux ans de prison. Mais une exception juridique spéciale permet de la pratiquer dans des municipalités telles que Arles et Nîmes, ainsi que dans de nombreux villages. Là, à des centaines de kilomètres des cafés chics et des nightclubs à la mode de la haute société parisienne, ce violent sport de sang, dans lequel les taureaux sont torturés et transpercés à mort devant des milliers de spectateurs enthousiastes, est profondément imbriqué dans le tissu culturel.
C’est en quelque sorte un vilain petit secret de la vie française dans certaines petites villes. Mais à l’heure des réseaux sociaux où aucun vilain petit secret ne reste caché, les corridas de la France rurale entrent de plus en plus en collision avec le monde extérieur et se heurtent frontalement avec la prise de conscience du 21 siècle sur les droits des animaux.
Carole Davis, qui est directrice des campagnes européennes de l’organisation Friends of Animals (amis des animaux), souligne que l’opinion publique a évolué rapidement sur le sujet ces dernières années, après que les vidéos d’une action anti-corrida dans l’arène de Rodilhan en 2011 soient devenues virales. On peut y voir des aficionados attaquer brutalement des activistes de la protection animale alors que ces derniers sont assis sur le sable pour tenter d’empêcher la tenue d’une corrida.
“Il s’est agi d’une violence sans merci et sans précédent contre des manifestants anti-corrida” a dit Carole Davis. Elle a ajouté que ces vidéos ont joué un rôle significatif dans l’élargissement du soutien à la cause anti-corrida. “Cela a changé le jeu. De plus en plus de gens ont vu la violence et ont voulu soutenir ces activistes français incroyables qui ont risqué leur vie pour des taureaux.”
Carole Davis lors de la manifestation de Rodilhan en 2013 (photo Josie Borselli)
Les affrontements entre activistes et aficionados ont redoublé depuis. En août dernier, lors d’une action aux arènes de Rion-de-landes, huit manifestants ont été blessés dont un très sérieusement. Une vidéo de l’incident sur Daily Motion montre la police locale traîner hors de l’arène des activistes qui se débattent en criant. De façon générale, les manifestations publiques peuvent être mouvementées en France, où il n’existe pas d’équivalent du Premier Amendement de la constitution garantissant une liberté totale de le faire. “Si quelque chose vous semble injuste, vous pouvez tout simplement descendre dans la rue pour le dénoncer” a-t-elle rappelé. “Mais en France, vous devez d’abord déclarer où vous comptez manifester et négocier éventuellement sur ce point.”
Le combat a investi le monde digital. Les activistes dénoncent la pression qu’ils subissent sur les sites de médias en ligne par des aficionados qui les menacent d’encore plus de violence s’ils continuent à manifester. Roger Lahana, membre de l’association anti-corrida CRAC Europe, nous a fourni plusieurs de ces messages, comme par exemple : “Quand on joue avec le feu, on risque de se brûler et je peux vous dire qu’ils ont retenu le taureau car il était en train d’arriver et là c’est pas une oreille qui aurait été touchée mais il aurait fallu déplorer des blessés graves, voire plus.”
A l’inverse, les aficionados disent que ce sont eux les victimes harcelées par les « extrémistes » de la cause animale. Ils parlent du CRAC comme étant une « organisation terroriste » qui agit pour faire disparaître leurs traditions de longue date.
Une tradition critiquable
La corrida a vu le jour en Espagne et elle est pratiquée en France depuis plus de 150 ans. C’est sans conteste un passe-temps sanglant et brutal, avec des matadors qui harcèlent les taureaux après que leurs assistants les aient torturés avec des harpons et des lances. Lors du combat, le taureau est affaibli jusqu’à ce qu’il n’ait plus la force de se défendre. C’est alors que le matador vient l’achever en le transperçant d’une épée. Pour Carole Davis, il ne s’agit de rien d’autre que de “torturer un animal à mort simplement pour le plaisir d’une minorité sadique”. Elle appelle les aficionados des “sociopathes à tous les points de vue.”
Mais les partisans de la corrida peuvent montrer autant de ferveur que ses détracteurs, et ils sont inflexibles dans leur conviction que ce sport de sang est une forme d’art glorieuse, un rituel qui a inspiré Hemingway et Picasso. Coleman Cooney, le fondateur fougueux et éloquent de la très controversée Académie de Tauromachie de Californie à San Diego, défend sa profession sans restriction. Est-ce que les taureaux sont harcelés et abattus ? Absolument. Mais ils ont été élevés pour cela, dit-il, et leur corps a été préparé à affronter un tel sort.
“Ce n’est pas aussi douloureux que les gens imaginent,” a affirmé Cooney en novembre dans l’IB Times. “Pendant la corrida, les taureaux sont tellement chargés en adrénaline qu’il s ne ressentent quasiment aucune douleur.”
Une théorie que Carole Davis rejette absolument. “Ce type est un idiot,” dit-elle. “Si vous êtes poignardé, bien sûr que vous allez avoir plein d’adrénaline qui circule dans votre corps, mais cela n’empêche ni la douleur ni la mort par hémorragie qui vous attend.”
Affrontement entre policiers et activistes à Rodilhan le 27 octobre (photo Josie Borselli)
La mobilisation anti-corrida s’est répandue en Europe depuis deux décennies mais a nettement pris de l’ampleur récemment. La corrida a été interdite en Catalogne espagnole en 2010, ce qui a provoqué une accentuation des réactions violentes. De peur qu’une interdiction similaire soit votée en France, le lobby pro-corrida ont obtenu pour la première fois au monde que la corrida devienne un héritage culturel immatériel – un statut qui la protège dans le cadre de la convention de 2003 de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, dont la France est l’un des signataires. La désignation convoitée implique que des régions liées culturellement à cette pratique sanglante – Arles et Nîmes par exemple – peuvent continuer les corridas avec leurs épées et tout le reste.
Pour les groupes de protection animale, il s’agit d’une tradition barbare d’un autre âge qui devrait être révolu, et ils ne sont pas seuls. Le soutien à la corrida est en plein déclin en France, particulièrement chez les jeunes qui, selon Carole Davis, ne voient pas d’intérêt à “avoir pour distraction de regarder des animaux se faire torturer à mort.” Un homme de 27 ans qui vit à Paris mais a grandi dans le sud de la France a confirmé à IB Times qu’il n’avait aucun ami qui allait aux corridas.
Faisons-les plonger dans le rouge
Carole Davis a précisé qu’en octobre, Friends of Animals a lancé un boycott pour frapper les villes taurines là où ça leur fait le plus mal : les dollars du tourisme. La plupart des Américains qui visitent la France ignorent tout de l’existence même de la corrida. “Nous les en informons et ils sont absolument horrifiés,” dit-elle.
Le boycott vient à peine de commencer et va prendre son ampleur maximale à partir du printemps 2014, quand la nouvelle saison taurine commencera. “Nous n’appelons pas à un boycott global de la France, mais nous faisons prendre conscience aux Américains qu’il y a des régions de France où ils ne doivent plus du tout aller tant que cela n’aura pas pris fin,” précise-t-elle.
Pour qu’un tel boycott soit efficace, il faut bien sûr que les revenus du tourisme US l’emportent sur ceux des corridas elles-mêmes. L’attrait pour les corridas décline dans la population en général mais les aficionados sont encore nombreux – et passionnés. Dans la ville d’Arles, l’une des villes protégées par le classement au patrimoine, les corridas sont un élément central du la feria qui s’y tient tous les ans et qui attire de 350000 à 400000 personnes sur quatre jours, selon Francine Riou, responsable de l’office du tourisme de la ville.
“Les jeux tauromachiques et les corridas, de même que les traditions provençales, sont ancrées dans notre société” dit-elle. “Bien sûr, nous recevons des réclamations contre les corridas, mais Arles accueillent autour de 2 millions de visiteurs par an, avec une augmentation de 20% chaque année.”
Carole Davis doute de ces chiffres. Elle dit qu’ils font partie d’une campagne de propagande visant à convaincre les touristes que la corrida est une sorte de spectacle merveilleux. “Ils se vantent” insiste-t-elle. “En réalité, ils sont en chute libre. Les arènes se vident. La nouvelle génération ne s’y intéresse pas.”
Alors que les petites villes du sud de la France s’accrochent à l’argument que la corrida est une tradition à préserver, les organismes officiels de tourisme au niveau national évitent soigneusement de s’impliquer dans cette controverse. Katherine Johnstone, une porte-parole de l’agence de développement touristique Atout France, considère qu’il s’agit d’un “sujet politique” et que cela relève donc du consulat français. Les allusions à la corrida sont rarissimes sur les sites web touristiques majeurs tels que RendezvousenFrance.com.
Que la corrida soit une tradition est indéniable. La question est de savoir si c’est là son seul argument pour persister. Les minstrel shows (spectacles parodiques où des blancs se déguisent en noir) et le goudron et les plumes ont été aussi des traditions, comme ne manquent pas de le souligner entre autres exemples les sites anticorrida. Malgré une communauté procorrida fervente, Carole Davis est persuadée que la ténacité de ses opposants finira par l’emporter. Un aspect de leur stratégie, dit-elle, est de multiplier les actions anti-corrida afin de rendre impraticable la protection systématique des communes concernées.
“Ils vont avoir besoin de gendarmes, de CRS, d’hélicoptères” ajoute-t-elle. “Cela est en train de devenir très, très cher pour les communes. Nous ne sommes pas juste quelques dizaines à nous mobiliser. Nous sommes des milliers.”
Christopher Zara, IB Times
Article original : « The Bloody Battle Over Bullfighting In Southern France: Violence, Protests, Boycotts As Cultures Collide«
Que d’humanité,de patience,de courage ont ces anti-corrida,ces anti-torture,ces anti-barbarie….Bravo à eux qui sont nos « porte-parole », qui osent affronter le lobbie taurin,qui osent mettre en lumière les faces cachées de la tauromachie.
Même silencieux, en retrait, nous sommes de tout coeur avec vous pour que disparaisse à jamais cette immonde « coutume » barbare qu’est la tauromachie, cette honte pour l’image de la France.
Merci, Anna Galore, pour cette traduction parfaite!C’est un don de savoir les nuances de l’Anglais americain.
Un grand merci à Christopher Zara et Anna Galore.
Insoutenable cette barbarie, je ne comprends pas qu’on puisse avoir du plaisir à voir ou a torturer un animal a mort pour un spectacle, c’est ignoble et intolérable sans parler des veaux sur qui les enfants se pratiquent, pauvres enfants d’avoir des parents sanguinaires, c’est épouvantable.
MERCI à tous ces courageux guerriers qui portent l’honneur de notre pays face à cette ignominie .
Un texte extraordinaire! Grâce à Carole Raphaëlle Davis, notre lutte traverse l’atlantique! Bravo à elle! 2014 sera une année décisive! Les abolitionnistes seront partout! Dans les 11 départements gangrenés par la barbarie des arènes, tout au long de l’année, sans relâche! Pacifiques, fermes et très déterminés.
Merci à tous ceux qui œuvrent magnifiquement pour nous soutenir dans cette action qui n’est en rien « politique »; nous sommes dans un pays ouvert sur une culture digne et enrichissante qui est connu mondialement pour notre savoir vivre, nos auteurs, nos artistes, nos beaux paysages et notre liberté…notre sensibilité et notre respect pour la Vie! Nous nous battrons contre tous ceux qui aiment la souffrance, la mort et le mépris de l’animal, que sommes également (règne animal) Nous sommes humains et fiers de l’Être!