L’énigme de la cathédrale, par Guy Deca

PA310273.JPG
Cathédrale Saint-Etienne, (Stephansdom) Vienne, novembre 2009

Hier soir, en cherchant un peu dans ma boîte à trésors, je suis retombé sur ce bel article de Guy Deca que les personnes intéressées pourront mettre en parallèle avec les pensées de Roger Godel et notamment celles sur l’Homme et la Haute Montagne dans « Le Numineux et le Profane », chapitre XIII des Essais sur l’expérience libératrice :

L’énigme de la cathédrale

Raymond LULLE passant devant un chantier, demande à un ouvrier qui taille des pierres : « Que fais-tu ? » : « Je gagne ma vie » lui répond cet homme. Il pose la question à un deuxième ouvrier qui lui répond : « Je taille des pierres » Enfin, le troisième, à qui il fait la même demande affirme resplendissant :« Je construis une cathédrale » …

Le Symbolisme révèle que la Cathédrale peut être comparée à l’homme.

Chaque symbole comprend plusieurs niveaux de lecture et de compréhension, en fonction de la recherche et de l’évolution de chacun.

Si les cathédrales véhiculent un enseignement général, elles donnent aussi chacune un enseignement particulier, possédant différentes étapes initiatiques ou énergétiques. On comprend alors pourquoi les compagnons entreprenaient leur Tour de France.

C’était non seulement pour acquérir la maîtrise de leur métier (maçon, charpentier, …) mais également pour progresser sur un niveau spirituel.

Ils essayaient de marier la matière avec la spiritualité, le lourd avec l’éther. Il faut savoir que les églises, et les cathédrales en particulier, ne sont pas construites n’importe où, au « hasard ». Généralement, elles ont été bâties sur des lieux de cultes plus anciens, dits païens : lieux sacrés celtiques, Culte de Mithra, Culte d’Isis…

Les fidèles ont su christianiser ces hauts lieux cosmo-telluriques. Les cathédrales sont placées sur des réseaux énergétiques connus et répertoriés. Une cathédrale est vivante. Il s’y passe des choses qui, pour le non averti, demeurent totalement inaperçues.

La cathédrale est le point central de la ville. Tous les chemins y convergent car c’est l’endroit le plus important. Elle est la représentation de la colline sacrée. Elle doit être ouverte à tous car c’est un endroit de prière et de spiritualité.

Le Symbolisme de la Cathédrale

Une cathédrale représente un homme accompli ou parfait. La cathédrale a généralement la forme d’une croix latine qui, en fait, représente l’homme debout les bras en croix. Elle est construite, la plupart du temps, sur trois niveaux : La Crypte, puis le sol et les colonnes et enfin la voûte.

Elle représente trois aspects de l’homme : Le corps, l’âme et l’esprit.

630397501.JPGLa Crypte représente notre grotte intérieure que nous devons explorer pour mieux nous connaître.

Une graine ne peut pas germer si elle n’est pas enfouie dans la terre. La crypte est donc propice à une deuxième gestation, celle de l’homme spirituel. La sortie de la crypte vers la lumière du jour est alors assimilable à la naissance à la vie spirituelle.

La crypte contient le puits sacré qui représente l’eau (90% du corps de l’homme). Ces eaux spermatiques reliées à la Mère Cosmique doivent être transmutées en feu dans la symbologie alchimiste.

L’Autel est le cœur de l’église. Il représente également le cœur de l’homme. C’est un point énergétique puissant.

L’Autel est une pierre cubique. Elle est parfaitement taillée. Elle est achevée. Autrefois, on trouvait à l’entrée de certaines églises, une ou plusieurs pierres brutes, non taillées.

Elles représentaient l’homme brut et animal, animé par sa subjectivité et son ignorance. Il fallait par la recherche et la compréhension de nos égos psychologiques, tailler cette pierre, la rendre parfaite. Au fur et à mesure que nous avançons vers la pureté de cœur, nous ressemblons à une pierre parfaite, la pierre de l’Autel.

Toutes les civilisations ont parlé de la Pierre Cubique. Les alchimistes l’ont assimilé à la Pierre Philosophale. Jésus disait : « Tu es Pierre et sur cette Pierre, je bâtirai mon Eglise ».

Certaines églises possèdent un labyrinthe dessiné sur le sol, entre la porte d’entrée et l’autel (Chartres, Amiens,..). Il représente la complexité de notre mental.

cathedrale-architecture-labyrinthe-2.jpgLa légende de Thésée, tirée de la mythologie grecque, est très explicite à ce sujet. Thésée représente l’homme que nous sommes. Nous devons rentrer dans les méandres de notre mental pour trouver la bête représentée par le Minotaure (c’est à dire nos défauts psychologiques, nos égos que sont la colère, la médisance, la jalousie, ou encore l’impatience) et que nous devons détruire au moyen de la compréhension. Nous devons nous libérer de notre animalité.

Devenir libre et rejoindre la divinité représentée par le fil d’Ariane. Le fil donné à Thésée par Ariane symbolise l’aide spirituelle apportée à celui qui s’engage sur le chemin intérieur du labyrinthe. En effet, le mental s’oppose toujours au cœur car il est la manifestation de croyances, idéologies, préjugés et de jugements mal erronés. Il peut nuire à notre réalité et à notre devenir.

Dante représentait le mental par la forêt sombre et vaste.

Tout ce qui concerne la décoration de la cathédrale (tableaux, statues, vitraux, etc) révélait un enseignement qui permettait à l’homme de se perfectionner jusqu’à s’élever sur un plan supérieur, sacré.

Toute progression spirituelle passe par un nécessaire face à face avec soi-même. Elle ne se contente pas de dresser un catalogue de vertus et défauts mais elle donne le sens d’une marche de transmutation de défauts en vertus.

Par exemple, si nous prenons conscience que l’égo de l’impatience se manifeste très souvent quand nous conduisons notre voiture. Nous pouvons transformer cette psychologie négative et nous positiver, en nous disant que de toute façon cela ne changera rien si nous nous énervons, comprendre le peu de valeur de cet épisode dans la Réalité de notre vie, écouter de la musique, etc.

Les gargouilles, extérieures à la cathédrale sont la représentation de nos égos ou défauts psychologiques encore appelés agrégats psychiques dans la philosophie bouddhiste Tibétaine, elles sont la vive représentation du mensonge, de l’avarice, la vanité,… mais aussi de toutes les ornières psychologiques, les façons de penser,… qui nous ont été inculquées par la société, la famille, l’éducation et qui sont souvent en opposition avec notre Etre réel.

Les gargouilles sont laides et nombreuses. Elles sont toujours tournées vers l’extérieur, car elles rejettent loin du lieu sacré les eaux de pluie, comme nous gaspillons nous-mêmes inconsciemment nos énergies quand nos égos se manifestent.

N’avez-vous jamais remarqué qu’après une colère, nous éprouvons une grande fatigue ? Voilà un exemple où l’égo brûla notre énergie. Après une colère, nous ressentons un vide psychosomatique et cet état est propice à déclencher, en nous, une maladie.

A nous de transformer nos gargouilles psychologiques en statues spirituelles.

P3220456.JPGLa cloche. Elle représente le Verbe rappelant les fidèles à la réalité de leur vie. Elle dit : « reviens vers ta réalité intérieure, vit l’instant présent, lâches ton mental et son lot de préoccupations matérielles ». Elle est la clef de sol.

C’est aussi la vive représentation alchimique de l’homme (le battant, le phallus,..) et de la femme (la yoni, le réceptacle de la cloche). L’union tantrique de ces deux corps/énergies produisent le Verbe. Le son des cloches ne se borne pas à identifier le sacré. Il va aussi, jouer un rôle d’exorcisme.

Déjà chez les grecs et les romains, dans la maison d’un défunt, on agitait une clochette afin que l’ombre de la mort s’éloigne.

Le Coq est souvent placé au sommet de la cathédrale.

Par son chant, il annonce la Lumière renaissante après les Ténèbres de la nuit. Le coq est un symbole universel. En Inde, au Japon, il personnifie l’énergie solaire. Dans l’Islam, le prophète dit : « Le coq blanc est mon ami, il est l’ennemi de l’ennemi de Dieu ».

C’est parce qu’il est symbole des forces de la lumière renaissante, que le coq est sacrifié dans les rites sataniques, dans le but d’empêcher le triomphe de la spiritualité consciente. Symboliquement, il annonce l’arrivée en nous de la lumière (la conscience de l’Etre) qui dissipera nos ténèbres (notre subjectivité, nos égoïsmes) après la lutte contre nos égos.

L’Est. Toutes les cathédrales sont orientées vers l’est de façon à ce que le fidèle soit face au soleil levant.

Cette lumière, devenue magique en traversant les vitraux, illumine non seulement la cathédrale mais également la conscience des fidèles provoquant ainsi une prise de conscience.

La Croix n’est pas un symbole propre à la Chrétienté. C’est un symbole Universel. On retrouve la Croix dans toutes les civilisations (Inde, Egypte, Aztèque, Celte,…). Chacun n’a-t-il jamais eu l’impression de porter une croix dans les moments difficiles de l’existence d’où le fameux dicton populaire « porter sa Croix ». Dans ce cas, elle est la somme des souffrances et des épreuves que la vie réserve à l’homme.

Épreuves qui lui faut les transcender pour grandir intérieurement. Le Tao dit : « au jour du bonheur, soit heureux. Au jour du malheur, réfléchis ». Ainsi, chacune des épreuves constitue une marche qui nous amène vers la compréhension intime de nous même.

L’encens qui est la sève, l’essence du bois, est indissociable de la Magie de la cathédrale. Pour les fidèles, l’encens est un véhicule des ondes spirituelles puisqu’il facilite le recueillement mystique. Il aurait la faculté d’attirer les Anges des mondes invisibles ainsi qu’un pouvoir curatif. En effet, dans les anciens temples, autrefois, on enveloppait les malades de fumée d’encens pour les soigner. Depuis toujours l’encens a été utilisé par les religions du monde entier.

En conclusion, nous pouvons constater tous ces symboles sont universels. Les bâtisseurs des cathédrales n’ont rien inventé. Ils se sont contentés de transmettre l’enseignement immuable par l’allégorie de la cathédrale.

La Vérité étant éternelle, elle ne change pas. Elle peut prendre une apparence différente selon les époques et les religions. Mais nous avons pu constater que grâce à ces symboles le même enseignement est toujours donné. Le symbole, c’est ce qui unit l’homme avec lui-même, loin des dogmes et des institutions religieuses. Si les religions utilisaient la compréhension du symbole, les guerres n’existeraient plus et une grande fraternité pourrait naître dans le monde spirituel.

La symbolique de la cathédrale est inspirée par la mystique. Autrement, elle perd toute sa valeur et ne devient qu’une simple œuvre architecturale.

La cathédrale est une invitation à découvrir le sens caché de la réalité de l’homme sur terre, en adoptant une attitude intérieure, ouverte, méditative.

En sachant qu’au fil de notre progression les symboles prendront un caractère plus précis dans notre processus d’éveil. La cathédrale est un outil extraordinaire pour aider l’homme dans sa quête d’individualité.

L’Homme a le devoir de trouver sa place, son rôle, dans le grand plan cosmique.

Le temple n’est pas à l’image de l’homme qui l’a construit, mais à l’image de l’homme terrestre qui désire éveiller en lui l’homme cosmique.

Nous ne sommes pas des êtres humains qui vivent une expérience spirituelle mais des êtres spirituels qui vivent une expérience humaine.

Guy DECA.

anti

photo 2, Saintes Maries de la Mer, anti, Photo Labyrinthe de Chartres, photo Sagrada Familia, Barcelone, Anna Galore.

7 Replies to “L’énigme de la cathédrale, par Guy Deca”

  1. Antiochus

    Bonjour anti … effectivement il y a concordance des esprits et des idées … très bel article parlant de la symbolique des cathédrales d’une façon simple et audible par tous … transmettre est à ce prix ! Bravo à toi de l’avoir relayé … à moi de mettre des liens vers certains de mes articles qui font écho : Symbolique du labyrinthe : http://www.antiochus.org/article-32889152.html
    La crypte décryptée : http://www.antiochus.org/article-33497991.html
    Je lis cette citation du tao que j’ai envie de mettre en exergue ici, tellement je la trouve belle et signifiante : « au jour du bonheur, soit heureux. Au jour du malheur, réfléchis »
    à bientôt,
    Antiochus

  2. Netsah Galore

    Très bel article et son interprétation est intéressante.
    Y a une comparaison en particulier que je trouve amusante, c’est celle des gargouilles… Car les gargouilles sont là pour faire fuir le Mal, les démons et les pêcheurs , ce sont des gardiens du Bien qui recrachent toute la noirceur qui glisse sur les toits de l’Eglise. Et là Guy Deca en dit presque l’opposé… Il ne voit en elles que la laideur, qu’il associe donc forcément aux hommes, alors que c’est cette laideur qui doit faire fuir le mal. Je pense que Guy Deca a une vision très philosophique de la beauté.. Une des notions que je n’ai jamais aimé dans leurs écrits, car les philosophes sont tellement mauvais pour en parler.

  3. Anna Galore

    Juste une petite maladresse de style de la part de Deca, quand il écrit : « La Croix n’est pas un symbole propre à la Chrétienté. C’est un symbole Universel. On retrouve la Croix dans toutes les civilisations (Inde, Egypte, Aztèque, Celte,…). Chacun n’a-t-il jamais eu l’impression de porter une croix dans les moments difficiles de l’existence d’où le fameux dicton populaire « porter sa Croix ».  »

    Une juxtaposition de phrases qui donneraient à croire que l’expression « porter sa croix » serait aussi universelle que l’est la croix en tant que symbole, alors que, bien entendu, il s’agit d’une expression directement tirée du chemin de croix parcouru par Jésus dans le Nouveau Testament.

  4. Kathy Dauthuille

    Très intéressant ; il y a aussi la déambulation qui se fait de la gauche vers la droite et qui fait progressivement monter l’énergie du lieu. Il y a aussi la pierre de décharge à l’entrée et la connexion à la croisée du transept où près de l’autel, cela dépend et plein de choses encore…..

  5. anti

    Coucou Antiochus ! Merci beaucoup pour les liens vers tes articles. J’ai pris beaucoup de plaisir à les relire.

    « très bel article parlant de la symbolique des cathédrales d’une façon simple et audible par tous »

    C’est clair, sur chaque mot ou presque, j’avais envie de faire une note entière ! Ce se fera, mais pas pour le moment 😉 Déjà que chercher les images et partant, me plonger dans ces lieux sacrés a été… tout un cheminement !

    « tellement je la trouve belle et signifiante : « au jour du bonheur, soit heureux. Au jour du malheur, réfléchis » »

    Comme tu as bien fait, elle est d’une richesse simplissime !

    « Y a une comparaison en particulier que je trouve amusante, c’est celle des gargouilles… Car les gargouilles sont là pour faire fuir le Mal, les démons et les pêcheurs, ce sont des gardiens du Bien qui recrachent toute la noirceur qui glisse sur les toits de l’Eglise. »

    C’est vrai que c’est mal dit et que ça prête à confusion pour qui ne connaît pas déjà la symbolique et l’architecture. Pareil pour l’exemple sur la Croix que relève Anna qui m’a fait tiquer à la lecture. Le symbolisme de la Croix… Mmmm… Encore une note à faire !

    Le Coq est un symbole auquel je me suis intéressée très tard. On peut lire ceci pour approfondir : http://houx.fr/coq.php
    ou « Le Coq, histoire, symbole, art, littérature » de Yves D. PAPIN

    Bref, comme le dit Kathy, il y a aussi le sens de déambulation, et tant d’autres choses à voir et à sentir 😉

    anti, cat et drôle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *