Pierre Edel, voix et voie

Au hasard de mes pérégrinations sur le net, je suis tombée sur un truc de fou ! Ça :

Du coup, j’ai eu envie d’en savoir plus sur ce chanteur incroyable.

Voici un article de 2014, publié à l’origine sur le site « L’observateur russe ».

Pierre Edel, un participant russo-français à « The Voice » en Russie

Pierre Edel est un musicien, chanteur, participant à l’émission The Voice en France et à celle de Russie, « Golos (Голос) ». Pierre a aimablement acceptée une interview pour « L’Observateur Russe » et nous a parlé de sa famille, de ses recherches spirituelles et des différences entre la mentalité russe et la mentalité française.

–  O.R. : Bonjour, Pierre ! Avant tout, je voudrais mieux vous connaître, pouvez-vous nous parler de votre famille. Pour le peu que je sache, vous êtes à moitié français, à moitié russe.

P.E. : Je n’aime pas cette terminologie : à moitié français, à moitié russe. Je suis né à Paris, ma maman est une émigrante russe, elle est arrivée en Europe quand elle avait 18 ans. Après quelques années elle a rencontré mon père à Paris. Mon père est un français de première génération, il est né et a grandi à Paris, mais il n’a pas le sang français, ses parents étaient aussi des émigrants : sa maman est russe, son père est autrichien. C’est pourquoi j’ai un nom de famille allemand, Edel. Ainsi, du point de vue du sang et des racines, je n’ai rien de français. Mais si on parle de la mentalité, j’ai grandi dans la culture française. Bien que parallèlement j’ai étudié la langue russe à l’ambassade de Russie et j’ai eu aussi une nounou russe avec laquelle j’ai toujours été très proche, elle était comme ma grand-mère. J’ai grandi avec ces deux cultures, il m’est un peu difficile de parler et d’écrire en russe mais au fur et à mesure que je vis en Russie, je m’imprègne mieux de la mentalité russe. Et ma femme est russe.

  O.R. : Combien de temps avez-vous été à Moscou ?

–  P.E. : Quand j’étais enfant, j’y allais une fois par an pendant au moins un mois mais j’ai décidé d’emménager à Moscou en 2010. J’ai fait une pause en participant à l’émission française de « The Voice » l’année dernière quand je suis retourné à Paris.

–  O.R. : De quelle mentalité êtes-vous le plus proche, russe ou française ?

P.E. : Il s’avère que jusqu’à mes 21 ans j’étais complètement un autre homme. J’essayais de me comprendre à travers la culture, la langue, je me cherchais, je n’étais pas un homme spirituel ou religieux, c’est pourquoi j’étais plus proche de la mentalité française. Mais ensuite, j’ai accueilli Dieu dans ma vie, je suis devenu croyant et j’ai commencé à supprimer ces différences de mentalités et cessé d’apprécier les autres et moi-même à travers le prisme de la culture. Et à ce moment-là, je suis devenu plus proche de la mentalité russe, parce que le russe est plus sujet à la vie spirituelle et religieuse. Mais en France, malheureusement, on a brisé cette tradition : en 1905, la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est entrée en vigueur. Et quand, ayant vécu déjà en Russie, j’ai commencé à revenir en France, j’ai rencontré de plus en plus d’incompréhension chez les gens. Je continue à aimer le raffinement de la France, sa sophistication, sa cuisine, son architecture, sa mode mais tout cela reste secondaire pour moi.

–  O.R. : Je suis d’accord avec vous qu’en Russie les gens sont spirituellement plus riches et plus religieux. Mais vous ne pensez pas que cela vient de la foi orthodoxe ?

P.E. : Je ne suis pas orthodoxe, c’est pourquoi je ne peux pas le certifier. Quand je suis en tournée, je dois avant tout savoir où se trouve l’église la plus proche, qu’elle soit vishnouiste ou orthodoxe. Je me sens à l’aise dans n’importe quelle église. D’un autre côté, je sépare très clairement les politiciens et les gens religieux. Je pense que chaque pays à son destin : les catastrophes sont constamment intrinsèques à la Russie, c’est pourquoi les gens, ici, sujets à chercher le bonheur, aspirent à quelque chose de sublime. Et à Paris tout est si confortable et sophistiqué que les gens adoptent difficilement une telle ascèse et quête spirituelle, il leur semble qu’ils ont déjà tout.

  O.R. : Comment êtes-vous arrivé sur le chemin de Dieu ?

–  P.E. : Le Veda dit qu’il existe quatre types de personnes qui vont vers Dieu : les gens curieux, les gens désirant connaître Dieu, les gens ayant besoin d’argent et les gens désespérés. J’appartiens à la dernière catégorie : j’étais très désabusé dans la vie parce qu’à 21 ans, j’avais déjà eu tout ce que je voulais. J’ai commencé une quête spirituelle, j’ai commencé à chercher des réponses dans des religions diverses. Dans le christianisme, je ne les ai pas trouvées. En 2009, j’ai rencontré ma femme à Paris, elle pratiquait le vishnouisme. Nous avons commencé à vivre ensemble, et pendant notre première année de vie commune, elle avait l’air toujours heureuse, elle ne se souciait pas de vivre avec un homme dont le tempérament est « démoniaque » et qui avait des mauvaises habitudes. Je me demandais comment elle arrivait à faire cela. C’est alors qu’elle m’a présenté le vishnouisme. Et très vite – en un mois – j’ai changé : je suis devenu végétarien, j’ai commencé à pratiquer, à lire de la littérature spirituelle.

–  O.R. : Parlons de musique : depuis combien de temps vous chantez, que faisiez-vous avant l’émission « The Voice » ?

–  P.E. : Ma maman, comme beaucoup d’émigrantes russes, a toujours essayé d’être de « l’élite intellectuelle » de Paris. Elle m’a donné la possibilité d’étudier le russe, l’anglais et la musique. Je suis allé au conservatoire, j’ai commencé avec la musique classique. À 16 ans, je voulais devenir peintre comme mon père. Mais en 2001, j’ai rencontré des musiciens, jouant à la Fête de la Musique et j’ai commencé à fréquenter et donner mes premiers concerts dans des clubs parisiens. A 16 ans, j’ai quitté l’école de peinture pour étudier seulement la musique et à 18 ans, je suis allé à Londres étudier à la Vocal Tech Music School. Je peux dire que ma maman m’a permis de jouer de la musique, sans tenir compte du fait que j’avais quitté l’école et que je ne travaillais pas.

–  O.R. : Comment est venue l’idée de participer à l’émission « The Voice » ?

–  P.E. : Je vivais alors à Moscou, j’ai reçu un mail, une jeune fille m’écrivant : « J’ai trouvé votre clip sur Internet, on aimerait bien vous inviter à The Voice à Paris ». Je suis allé au casting et j’ai participé à l’émission jusqu’à la huitième de finale mais quand j’ai perdu, un producteur russo-français m’a invité au casting de « The Voice » à Moscou.

–  O.R. : Quelles sont pour vous les différences entre le The Voice français et le The Voice russe ?

–  P.E. : Quand j’ai déménagé à Paris pour participer à l’émission, je suis vite tombé en dépression, en moi s’éveillait le désir de retourner à Moscou. Je ne pouvais plus prêcher, de plus la communauté vishnouiste en France ne compte en tout que 500 personnes, alors qu’à Moscou nous sommes 20 000. Mais la participation à The Voice m’a apporté la célébrité et quand je suis retourné à Moscou, on m’a invité à prendre la parole. Par exemple, on m’a proposé au Théâtre de Mossoviet le rôle de Jésus dans la comédie musicale « Jésus Christ, Superstar ».

Mais au « The Voice » de Russie, je n’ai pas peur de porter des t-shirts qui « mènent » vers Dieu. Pour le moment je suis occupé sur un disque avec des mantras, dans lequel se trouveront des enregistrements avec les participants du « The Voice » russe, pas seulement de cette saison mais aussi ceux de la première et deuxième. Tout cela n’est pas possible en France. La seule analogie que je peux faire serait avec le « The Voice » italien, remporté par une nonne. Dans n’importe quelle tradition religieuse le plus important, c’est la musique, c’est pourquoi je ne sépare pas la musique, la prédication, la religion, pour moi cela ne doit être qu’un tout.

–  O.R. : Connaissiez-vous le jury de l’émission russe ?

–  P.E. : Non, je ne connaissais ni leurs prénoms, ni à quoi ils ressemblent, ni leur préférences musicales.

–  O.R. : Maintenant, vous ne regrettez pas d’être allé dans l’équipe de Pélagueïa ?

–  P.E. : Bien sûr que non. Pélagueïa et sa maman Svetlana me donnent beaucoup de liberté, nous nous mettons d’accord ensemble sur toute la composition, mais, en règle générale, je propose seul ce que je vais chanter.

–  O.R. : Ne vous semble-t-il pas que Léonide Agoutine aurait été plus proche de vos conceptions musicales ?

–  P.E. : En fait, il s’avère que c’est plutôt un hasard si je chante du rock. Il se trouve que les chansons et les clips que je fais sont dans le style rock. J’ai une voix « rock », mais il y a d’autres styles qui me sont plus proches comme la musique classique ou le jazz.

–  O.R. : Vous comptez rester vivre en Russie ?

–  P.E. : Je ne pense pas que je retournerai un jour en France. Je pense que la meilleure ville au monde est Mayapur en Inde. C’est un lieu sacré où les gens du monde entier viennent vivre une vie « purifiée », fondée sur les traditions védiques. Là il n’y a pas d’alcool, de cigarettes, de narcotiques, pas de consommation de viande et pas la vulgarité de la société moderne. C’est un coin de paradis. J’y ai rencontré des chercheurs de Cambridge qui voulaient prouver que les Bengalis étaient les gens les plus heureux du monde. Chacun cherche son bonheur mais tout le monde ne sait pas où le trouver.

  –  O.R. : Comment vous vous voyez dans 10 ans ?

–  P.E. : Si j’ai la possibilité de voyager et de prêcher à travers la musique, je le ferai.

–  O.R. : Bonne chance à vous et je vous remercie beaucoup pour nous avoir consacré du temps.

Maria Veselova, traduction de Maxime Lamiroy (Source)

Très belle journée à toutes et à tous,

Anti

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