Une conférence dans un village, c’est du terrorisme ?

David Joly est l’un des délégués du CRAC Europe. Il avait prévu d’animer une conférence sur la corrida le samedi 20 septembre 2014 au Cactus Bar de Le Quesnoy, une commune de 5000 habitants dans le département du Nord. C’est un musicien d’un groupe de rock, rencontré lors d’une autre conf de David, qui l’a aimablement invité à venir s’exprimer après le concert du groupe. 

Cet événement plutôt inoffensif a déclenché une paranoïa sidérante chez les forces de police qui nous surveillent vraiment de très, très près : un commandant de gendarmerie a pris contact avec le patron du bar pour tenter de le dissuader de faire venir David. Je reproduis ci-dessous de larges extraits de son compte-rendu…

david joly  le quesnoy

Je suis intervenu aux alentours de 23h15, après le groupe rock et le musicien solo. J’ai adopté le même format que lors de ma première conférence. À savoir dans un premier temps projection, avant toute présentation, du film de Jérôme « Le langage de la haine ». Cela a l’avantage d’obtenir immédiatement une attention optimale du public, littéralement subjugué par les images et la musique. Puis présentation de l’association, du contenu d’une corrida et des turpitudes du monde tauromachique à l’aide d’un diaporama. Le tout durant une petite heure.

Il y avait une vingtaine de personnes présentes au sein de l’établissement, moins que l’affluence habituelle d’après le gérant. Cela s’explique en grande partie par les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région à partir de 18 heures, qui ont duré trois bonnes heures, et qui ont causé pas mal de dégâts ici ou là.

Néanmoins satisfait, car le public présent a littéralement accroché, sidéré par les choses qu’il a apprises : pour certains que la corrida se pratique en France, pour tous la barbarie que subit le taureau et la protection dont bénéficie la mafia des arènes de la part du fanatique installé à Matignon.

Applaudissements soutenus et messages de sympathie à la fin de la conférence pour, selon les dires des spectateurs, remercier le CRAC pour son travail d’information et son combat pour faire disparaître cette aberration.

Le groupe Non Acquis a assuré un set d’1h30 très électrique avec pour final le morceau intitulé « CRAC » en hommage à notre association, morceau dont l’inspiration est venue à l’un des membres qui avait assisté à ma conférence à Cartignies en juillet dernier. Voilà pour la partie concert.

J’ai discuté un peu avec le gérant du café, histoire d’en savoir un peu plus sur les pressions qu’il avait subies pour annuler l’accueil de la conférence. Vraiment tragi-comique. Je vous rapporte le dialogue que le gérant du café m’a conté. Ce ne sont pas forcément les mots exacts qui ont été échangés, mais l’esprit y est.

Donc, jeudi dernier, un commandant de brigade de gendarmerie l’appelle et lui affirme la chose suivante : « Nous savons que vous allez accueillir David Joly au sein de votre établissement samedi soir ». Le gérant avait donné son accord pour la conférence à l’un des membres du groupe Non Acquis. Ce dernier avait réalisé des affiches avec le logo du CRAC et en stipulant que se tiendrait une conférence sur la corrida animée par « le délégué départemental du CRAC ». Il n’avait pas précisé mon nom et le gérant du bar ne le connaissait donc pas. Ce qui lui a fait répondre au commandant de gendarmerie : « Euh, non, pas du tout, je ne sais même pas qui est cette personne. »

Après un blanc de quelques secondes, le gendarme décontenancé : « Vous n’allez pas recevoir des gens du CRAC ? »

Le gérant : « Ah, d’accord, donc si David Joly est un représentant du CRAC, il y a des chances qu’il soit effectivement chez moi samedi. Mais là, vous voyez, vous m’apprenez son identité. »

Le gendarme : « Êtes-vous au courant qu’il risque d’y avoir des débordements et des violences ? »

Le gérant : « Ah bon ? Et sur quelles bases ? »

Le gendarme : « Parce que vous allez accueillir des représentants d’une association radicale qui est déjà à l’origine de nombreux cas de violences physiques. »

Le gérant : « Écoutez, d’après ce que j’en sais, il s’agit d’une conférence contre la corrida. Et vous savez, ici dans le Nord, y a pas vraiment de risque de croiser des fanatiques de corrida qui pourraient vouloir en venir aux mains en entendant des arguments qui ne leur plairaient pas. »

Le gendarme : « Toujours est-il qu’il nous est nécessaire aujourd’hui d’évaluer le dispositif de sécurité que nous devrons déployer devant votre établissement samedi, et il est dans votre intérêt de collaborer à cette évaluation. »

Le gérant, à la fois goguenard et énervé d’avoir perdu son temps au téléphone : « Écoutez, faites ce que vous voulez, mais entre nous, y a vraiment rien de plus urgent à faire que contrôler une conférence sur la corrida tenue dans un café ? Moi j’en n’ai pas vraiment l’impression. Au revoir Monsieur. »

Fin de la discussion. Tout à fait d’accord avec le gérant du bar, y a vraiment rien de plus urgent dans le Nord. En ce moment, à titre d’exemple, il y a une vague d’incendies de voitures dans la commune d’Halluin, près de Lille, mais apparemment tout le monde s’en tamponne puisqu’il faut dans le même temps contenir des terroristes qui organisent des conférences…

Samedi soir, on a eu droit à la présence de deux membres des RG. Ils sont arrivés à 20h45 et l’un d’eux a directement demandé au gérant où était la personne qui allait assurer la conférence. Il l’a donc amené à moi. Le RG (qui bien sûr ne s’est pas présenté comme tel), m’a simplement indiqué être venu car intéressé par ma conférence (ben voyons !) et m’a demandé à quelle heure j’allais la débuter. Je lui ai répondu que je ne passais pas avant 23 heures.

Ils sont repartis du café, un peu décontenancés de devoir attendre jusque-là (venant certainement de Lille, à une heure de route, ils pensaient peut-être rentrer plus tôt à la maison). À 22h30, ils sont réapparus. J’ai débuté à 23h15 et une heure plus tard, lorsque j’en avais fini, ils n’étaient plus là. Apparemment, ils ont quitté les lieux en plein milieu de la conférence, avec certainement la certitude de l’inutilité de leur venue et le sentiment amer d’avoir perdu leur temps…

David Joly

3 Replies to “Une conférence dans un village, c’est du terrorisme ?”

  1. Iceman

    Quand on voit qu’un groupe qui brule un centre des impots à Morlaix est ensuite reçu au ministère de l’agriculture, on peut sérieusement se poser des questions sur la logique policière dans ce pays…ou bien sur le fait que les affaires concernant la corridas soient jugées dans des zones où les juges sont eux même potentiellement aficionados ou proches d’aficionadas. Juger cela en terrain neutre aurait un intérêt !

  2. anti

    Ben voyons… Ils feraient mieux de déployer leur force pour éviter les couacs avec les vrais terroristes qui déboulent de Syrie par exemple.

    En lisant ce compte-rendu et en ayant suivi les faits avant la conférence de David (être droit et charmant s’il en est), je ne peux m’empêcher de penser à ces gendarmes, policiers etc. qui doivent complètement perdre le sens de leur travail quand ils voient la réalité de nos actions comparée à ce qu’ils voient au quotidien. Je les plains…

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