La vie sur Encelade

Peu de médias en ont parlé et pourtant l’information, si elle se confirme, est bouleversante. Il pourrait même s’agir de la plus importante qu’ait jamais connu l’humanité : il y aurait de la vie ailleurs que sur Terre et cet ailleurs se situe non pas à des milliers d’années-lumières mais tout près de chez nous, dans notre système solaire.

Saturne, en plus de ses anneaux, a 53 satellites. L’un d’entre eux, le sixième par la taille (à peine 500 km de diamètre), se nomme Encelade. Il tient son nom de l’un des géants mythiques nés de Gaïa (la Terre)  et d’Ouranos (le Ciel). Il est rocheux comme notre planète, recouvert d’eau comme notre planète, avec une activité tellurique comme notre planète. D’où des paysages étonnamment variés.

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Bien sûr, à une telle distance du Soleil et surtout sans atmosphère, l’eau qui submerge Encelade est en permanence gelée. Mais pas sur toute son épaisseur : sous le manteau protecteur de cette immense banquise, se trouve un océan d’eau liquide entre la roche et la glace. Et là, tous les ingrédients de la vie sont réunis : de l’eau, de la chaleur et des molécules organiques. C’est ce que vient d’établir la NASA à partir d’informations envoyées par la sonde Cassini, arrivée dans la banlieue d’Encelade il y a exactement dix ans.

Depuis 2005, Cassini a pu photographier, au pole Sud de ce satellite, des geysers d’eau longs de plusieurs centaines de kilomètres. Le gaz qui les propulse est du gaz carbonique. Or, aussi bien le gaz que l’eau à laquelle il est mélangé ne peuvent jaillir que si l’un et l’autre sont suffisamment chauds (dans le cas contraire, le gaz aussi serait solide, comme l’eau lorsque la température est trop basse).

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La nouveauté toute récente, c’est que les capteurs de la sonde Cassini ont permis d’établir qu’il s’agit d’une eau salée et qu’elle contient des molécules organiques. Comme dans nos océans terrestres. Avec tous ces composants en présence, c’est l’absence de toute forme de vie qui deviendrait pour le coup hautement improbable.

Qui vit dans les eaux libres de l’océan d’Encelade ? Vraisemblablement des micro-organismes ou d’autres petites formes de vie. Mais aussi modestes soient-elles, elles changent fondamentalement notre vision de l’Univers. La vie n’y est plus une incroyable exception. Il est même réaliste de penser qu’elle foisonne.

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Jusque-là, on supposait que, quelque part, parmi les milliards de galaxies totalement hors de notre portée, il y en aurait bien quelques-unes qui abriteraient d’autres planètes suffisamment comparables à la nôtre pour que, peut-être, la vie y apparaisse. Maintenant, on sait que non seulement c’est une quasi certitude mais que cela peut même se produire tout près de chez nous, au sein même de notre système solaire.

Très belle journée à vous

Photos : NASA

7 Replies to “La vie sur Encelade”

  1. Alberich

    Les médias français ont effectivement peu parlé de cette annonce scientifique, mais il y a une raison à cela : la découverte ne vient pas de chercheurs français. Les médias français parlent volontiers un petit peu de science, mais, le plus souvent, à une condition bien précise : que la découverte ait été faite par des chercheurs français (ou par une équipe ou un laboratoire basé en France). Le chauvinisme joue à fond.

    Une autre information astronomique quasi-concomitante a fait l’objet d’une bien meilleure couverture médiatique : la datation de la lune. Mais elle vient de l’Observatoire de la Côte d’Azur (cela étant, les articles sont restés creux pour la plupart, il faudra attendre des informations détaillées dans les mensuels scientifiques pour savoir, par exemple, en quoi cela peut éclairer notre connaissance de la formation de la lune, qui reste encore un sujet de controverse).

    Il y un autre élément qui vient relativiser l’importance de l’information concernant Encelade : il y a déjà une situation analogue déjà bien connue depuis des années. En effet, Europe, une lune de Jupiter, est célèbre pour avoir un océan souterrain avec une eau liquide grâce à la chaleur générée par des phénomènes de marée (et un petit peu de radioactivité). C’est donc un endroit susceptible d’abriter de la vie et des idées sont souvent émises pour envoyer une sonde forer le sol et chercher des formes de vie dans cet océan. Titan et même Triton sont aussi des candidats à des océans d’eau liquide souterrains. Encelade est intéressante par la présence avérée de molécules organiques (on ne sait pas ce qu’il en est pour Europe). En tous cas, les deux endroits (Europe et Encelade) sont des endroits susceptibles d’être explorés à la recherche de formes de vie.

    A propos de la vie extraterrestre, je recommanderais la lecture du livre  »L’unique terre habitée ? Les conditions pour la vie sur les planètes » d’André Maeder. Il reprend l’idée du livre  »Rare Earth » de Ward et Browlee, livre d’un intérêt majeur mais qui n’a pourtant jamais été traduit en français et qui commence à être un peu ancien maintenant. Selon l’hypothèse  »Terre Rare », l’univers regorgerait de vie sous forme simple (microbienne principalement). Par contre, les conditions à remplir pour maintenir sur la durée des conditions favorables à l’émergence d’une vie complexe seraient très difficiles à obtenir. Ainsi, la terre serait réellement une planète exceptionnelle. Des créatures complexes, notamment capables de créer une technologie (comme nous l’avons fait sur terre), seraient très rares dans l’univers. Pour résumer, nous ne serions pas seuls dans l’univers, on aurait beaucoup de voisins… mais sous forme d’organismes simples.

  2. Anna Galore Post author

    Merci pour ces compléments très intéressants !

    Juste une remarque concernant Europe, Triton et Titan : c’est volontairement que je ne les ai pas cités dans mon article. La présence possible d’eau y est bien moins acquise que dans le cas d’Encelade, il s’agit plus d’une hypothèse hautement probable que d’un fait établi. De plus, l’eau d’Encelade (celle qui jaillit en geysers et a donc pu être observée par Cassini) contient des molécules organiques – pour les trois autres satellites mentionnés, on n’en sait rien. Aussi ai-je préféré les laisser de côté, même si – tu as raison – ils sont des candidats potentiels sérieux à la présence de formes de vie.

    A lire aussi sur le même thème : http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/04/03/a-la-recherche-des-exoplanetes-porteuses-de-la-vie/

  3. Alberich

    Désolé, je ne suis pas d’accord ! Comme je l’ai écrit, Titan et Triton sont de simples candidats à la présence d’un océan liquide souterrain. Par contre, pour Europe, ce n’est pas du tout une hypothèse ! C’est un fait très bien connu qui fait consensus dans la communauté scientifique depuis bien longtemps. Et, comme pour Encelade, il y a des immenses geysers sur Europe, un exemple d’article parmi les nombreux à ce sujet :

    http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-hubble-revele-panaches-eau-200-km-hauteur-europe-50908/

    De plus, l’atmosphère d’Europe, quoique très ténue, contient de l’oxygène, ce qui peut favoriser certaines formes de vie. Par contre, Europe a une acidité importante, ce qui est plutôt un obstacle à la vie.
    Il y a beaucoup d’autres problèmes, par exemple de savoir si l’eau reste liquide de façon durable (cad des centaines de millions d’années, ce qui faut pour que la vie se développe) sur Encelade ou si elle peut geler par période. Les excentricités sont susceptibles d’avoir des cycles, les phénomènes de marées peuvent varier dans le temps.
    Bref, il manque encore beaucoup de paramètres pour estimer le degré de probabilité de vie sur Encelade ou Europe, et il est actuellement impossible trouver le meilleur candidat entre ces deux satellites.

  4. Alberich

    On peut indiquer un dernier point : s’il y a de la vie dans les océans souterrains d’Europe et d’Encelade, alors, elle pourrait ressembler à celle que l’on recherche sur la Terre dans les lacs souterrains d’Antarctique. Le lac Vostok est situé en Antarctique, sous 4000 mètres de glace. On y fait des forages à la recherche de micro-organismes spécifiques de ce milieu très particulier, isolé du reste du monde depuis 15 millions d’années.

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