Bayonne, le honteux anniversaire

Bayonne a le goût du sang depuis longtemps. Au XVIIe siècle, ses habitants inventèrent la baïonnette pour transpercer leurs ennemis quand ils manquaient de munitions. Et il y a 160 ans, c’est là qu’eut lieu la première corrida importée d’Espagne pour satisfaire l’épouse ibérique de Napoléon III, Eugénie de Montijo. Bayonne, la plus ancienne ville de sang, a fêté ce honteux anniversaire hier.

Plusieurs centaines de manifestants sont venus perturber cette célébration macabre à l’appel du CRAC Europe, de la Fondation Brigitte Bardot (FBB), d’Euskal Herria Bayonne Anti Corrida (EBHAC), de L214, de Peta et de quelques autres.

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Commençons par la « grosse surprise » annoncée depuis des semaines. Il s’agissait d’un énorme gâteau noir en polystyrène de 1m60 de haut, préparé dans le plus grand secret par nos amis basques, sur une idée de Daniel Raposo et Carole Saldain. Ils sont les auteurs de sa conception et de sa mise en forme. Ils sont également à l’origine de cette manifestation.

En fin de matinée, le gâteau a été installé sur le camion-sono recouvert de draps noirs pour accentuer l’effet corbillard. Ce camion, beaucoup le connaissent : c’est celui qui ouvrait les manifs d’Alès. Son arrivée était accompagnée de la Marche Funèbre, ce qui rappellera aussi des souvenirs.

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Au départ de la manifestation, Jean-Pierre n’avait toujours pas reçu de retour du Conseil d’Etat, auprès duquel un recours en urgence avait été déposé dès jeudi. La greffière jointe par téléphone lui a simplement dit que le dossier était en cours de traitement.

Le parcours des manifestants restait donc interdit à l’intérieur d’un large périmètre autour des arènes, bien qu’aucune corrida ne fût prévue ce jour-là.

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Jean-Pierre a pris la parole et il a « mis le feu », pour reprendre les termes de Christophe Marie, en dénonçant ce nouveau déni de démocratie. Carole Saldain (EBHAC) a enfoncé le clou : « La corrida n’est pas la culture basque« . Laurent Goulefer a rappelé le précédent de Captieux et des décrets imbéciles du maire. Christophe a lu un message de soutien de Brigitte Bardot.

Drapeaux et banderoles brandis bien haut, les manifestants ont parcouru la ville de part en part, avec une pause agitée au niveau d’une charcuterie, celle d’un ancien torero (oui, torero puis charcutier, ça ne s’invente pas… et pour sa retraite, il prévoit d’être tueur en série ?)

En passant devant le Conseil Général, Jean-Pierre a vu qu’aucun policier n’en protégeait l’accès. Il a donc appelé les manifestants à y pénétrer en masse, ce qui s’est fait avec une facilité déconcertante. Il se trouve, en effet, que le CG prétend ne pas subventionner les corridas de Bayonne alors qu’il achète pour plusieurs milliers d’euros de places chaque année.

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Un échange plutôt vif a eu lieu avec le directeur-adjoint de la direction de la sécurité du département qui dépend directement du sous-préfet, pour obtenir qu’une délégation soit reçue par un fonctionnaire du CG. Le but était de lui parler de ces subventions déguisées, en présence de la presse (plusieurs médias étaient là, dont l’AFP et FR3).

Au début d’accord pour recevoir une délégation des associations, il a fait ensuite savoir qu’il ne souhaitait pas avoir les médias en même temps. Prétexte : ce n’était pas l’usage !  Qu’avait-il donc à cacher ? Jean-Pierre a fait remarquer aux journalistes qu’il s’agissait là d’une censure de l’information. Sans les médias comme témoins, la décision a été de ne pas y aller, ce qui a provoqué des sifflets et des bousculades. Jean-Pierre a demandé à tout le monde de s’asseoir par terre et a réitéré la demande d’entrevue, presse comprise, en vain.

Au bout d’une demi-heure, comme la situation n’évoluait pas, il a été décidé à l’unanimité de reprendre la marche dans les rues.

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Le cortège a donc repris sa progression en direction des arènes mais à dû s’arrêter une demi-heure plus tard, peu avant de les atteindre : un cordon de policiers était déployé en travers de la rue. Jean-Pierre, juché sur le camion, a pris à nouveau la parole pour fustiger cet état de fait : « A quand la fin de la corrida ? Nous sommes en période de crise économique grave, n’est-il pas temps de consacrer des fonds publics à résoudre les problèmes de notre société plutôt que de continuer à torturer des animaux pour s’amuser ?« 

Puis Carole a également prononcé un dernier discours. Des feux de détresse et autres fumigènes ont ensuite été tirés en bouquet final.

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Chaque manifestant a pu repartir avec un morceau du gâteau en souvenir.

Plein d’autres photos ici sur Facebook ou, si vous n’y avez pas accès, ici sur le blog.

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Sources des infos : Jean-Pierre Garrigues (par téléphone avant et après), FAI-FAC (Twitter et Facebook), Christophe Marie (Twitter) et Daniel Raposo (par mail). 

Crédits photos : la première photo du gâteau a été prise par Carole Saldain quelques jours avant la manifestation. Les photos prises par FAI-FAC sont créditées en incrustation. Les autres ont été prises par Christophe Marie. 

7 Replies to “Bayonne, le honteux anniversaire”

  1. Anna Galore Post author

    Ce compte-rendu, mis en ligne alors que bon nombre de manifestants n’étaient pas encore rentrés chez eux, a été repris non seulement sur le site du CRAC Europe comme souvent, mais aussi sur le compte Facebook de la FBB que je remercie.

  2. Franck

    Pas mal l’idée du gâteau géant. Habituellement, les médias aiment bien les actions originales, ce qui fait des images qui sortent de l’ordinaire.

    Lors du défilé du 14 juillet dernier, des militants du printemps français ont suspendu une bannière à des ballons

    http://img11.hostingpics.net/pics/669774ballons.png

    Je désapprouve totalement les idées du printemps français, mais je leur reconnais une certaine inventivité dans leurs actions : cette image a fait le tour des médias. On pourrait leur piquer cette idée : suspendre le texte  »Corrida Abolition » (ou un autre du même genre) à des ballons et envoyer le tout dans le ciel, le jour d’un événement médiatique, avec présence de force journalistes, caméras et personnalités politiques.

  3. Franck

    En effet, les lâchers de ballons en nombre sont une source de pollution de la nature. Mais là, ce serait pas du tout le cas, car il suffit d’un petit nombre de ballons, et surtout, il n’est pas nécessaire de les laisser s’envoler.

    Il suffit de prendre quelques ballons, les relier entre eux, et leur attacher un message. Puis on laisse monter le tout au bout d’une ficelle (comme un cerf-volant).

    Une fois que tout le monde a bien vu le message, il suffit de tirer sur la ficelle pour redescendre le petit assemblage, qui pourra servir à nouveau une autre fois.

  4. Anna Galore Post author

    Un mail extrêmement sympathique reçu par Jean-Pierre :

    « Chapeau bas pour votre action à Bayonne.
    Vous et les membres de CRAC Europe représentez la fleur de notre humanité…
    Je vous admire pour votre détermination, continuez, vous nous motivez sans faille.

    Florence du 05 »

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