Couleur café, une courte histoire du qahwah

Incroyable mais vrai : ici, nous parlons de café tous les matins mais pourtant, aucune note sur le blog n’a jamais été consacrée à notre boisson fétiche. Un oubli qui va être corrigé derechef. Mesdames et messieurs, voici la merveilleuse, la mouvementée, la savoureuse histoire du café.

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Le mot « café » vient d’une province éthiopienne nommée Kaffa. On y connait depuis la préhistoire une plante appelée qahwah, dont la prononciation « caoua » est devenue un mot d’argot ramené en France en 1863 par les soldats engagés en Algérie.

Kaffa a aussi donné kahvé en turc et caffè en italien. Café turc ou café italien ? Nous voici au cœur du sujet.

Le caféier d’Éthiopie aurait été exporté vers le VIe siècle au Yémen, en passant par le port de Moka, nom devenu mythique pour tous les vrais amateurs de café. Pendant des années, nous avons consommé et servi à nos invités du moka d’Éthiopie. Son prix est devenu malheureusement rédhibitoire et, en attendant des jours meilleurs, nous buvons désormais un autre café éthiopien, le langani – plus accessible mais délicieux également.

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La légende la plus répandue sur la découverte du café raconte qu’un berger d’Abyssinie (ancien nom de l’Éthiopie), avait remarqué l’effet tonifiant de cet arbuste sur les chèvres qui en avaient consommé. Une variante affirme que ce berger avait laissé tomber par inadvertance une branche de caféier sur son feu et aurait été charmé par l’arôme qui s’en dégageait.

Une chose est à peu près sûre, c’est que la montée en puissance du café comme boisson incontournable a été favorisée par l’interdiction de boire de l’alcool dans ces contrées islamiques. Le mot kahwah devient k’hawah, ce qui veut dire revigorant. Le processus qui permet de passer de la graine naturelle jusqu’à la boisson n’a rien d’évident et c’est seulement vers le XVe siècle que le caoua tel qu’on le connait prend vraiment naissance.

café3.jpgA partir de là, le p’tit café noir connait des moments difficiles. L’émir Khair Bey Mimar, gouverneur de La Mecque, demande à une assemblée de juristes et de médecins de trancher sur cette grave question : la boisson est-elle conforme au Coran, qui interdit toute forme d’intoxication ? Comme toujours, des lobbies s’affrontent. Un anti-café prétend que lorsqu’il en boit, il se sent enivré. Les sages en déduisent que s’il sait ce que veut dire l’ivresse, c’est qu’il a déjà bu de l’alcool et le font bastonner. Et ils interdisent la consommation du noir breuvage.

Sauf que le sultan du Caire, totalement caféinomâne, déclare que le café est bon pour la santé et agréable à Allah. Et hop. Mais c’est loin d’être réglé. La controverse va déchirer le monde arabe pendant des siècles. Les buveurs de café sont carrément persécutés par ceux qui considèrent qu’il s’agit d’une boisson diabolique.

Mais quoi de plus attirant que l’interdit… Le moka séduit la Grèce puis Constantinople en 1516-1517. C’est là que vont ouvrir en 1554 sous Soliman le Magnifique, pile quatre siècles avant l’année de ma naissance, les deux premiers cafés publics. « Ces établissements étaient fréquentés par la plupart des savants, des juges, des professeurs, des derviches… Les Turcs s’adonnèrent avec fureur à l’usage de cette boisson, et la capitale fut bientôt remplie de Kawha-Kanés, où l’on distribuait le Café » peut-on lire dans une monographie consacrée au sujet en 1843.

En 1630, il y a plus d’un millier de maisons de café au Caire. Les marchands occidentaux s’y intéressent et le café arrive en Europe au début du XVIIe siècle grâce aux Vénitiens. De tristes pudibonds disent au pape Clément VIII qu’il faut interdire ce breuvage d’infidèles. Le pontife en goûte, adore et réplique que laisser cela aux infidèles serait vraiment dommage.

Et puis, le café, c’est pratique : ça permet de mieux résister au sommeil, une vraie bénédiction pour les moines. Vers les années 1650, le café arrive en Angleterre. Le premier café parisien est ouvert en 1672 près du Pont-Neuf. Puis ce sera la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne. En 1689, le Nouveau Monde est atteint à son tour. Le café devient d’autant plus populaire que le thé est lourdement taxé par les Britanniques. Vont suivre les différentes colonies tropicales et l’Amérique du Sud. Eh oui, le café de Colombie n’a rien d’authentique, il s’agit d’une variante parmi les plus récentes – ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas délicieux.

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Bon, je ne vais pas vous parler des techniques permettant de décaféiner le café, ça fait peur et pour moi, ça n’a pas plus de sens que de déchocolater le chocolat ou de débologniser la sauce bolognèse.

L’étape-clé, c’est la torréfaction. Les grains sont fortement chauffés, ce qui développe leur arôme et leur donne leur couleur foncée. On passe ainsi du grain vert au jaune, puis au brun et au noir. Couleur café, que j’aime ta couleur café… ou plutôt tes couleurs.

Passons aux techniques qui permettent de passer du grain torréfié à la boisson. Il y en a plein : la décoction (qui est la méthode la plus ancienne), l’infusion (cafetière à piston), la lixiviation (café filtre), la percolation (cafetières italiennes) et la percolation haute pression (machines à expresso). Et la bonne nouvelle, c’est que tout est bon !

On termine en musique, avec notre ami Beethova Obas, très grand artiste haïtien dont il se pourrait bien qu’on vous reparle prochainement (intriguant, non ? Si, si…)

Et voilà, maintenant, vous avez l’air dans la tête au moins jusqu’à ce soir ! Un p’tit café ?

Très belle journée à vous

Infos et illustrations : Wikipedia

4 Replies to “Couleur café, une courte histoire du qahwah”

  1. valentine Post author

    Alors je confirme, une tasse de café Lavazza dans une machine à espresso italienne bue sur les toits d’une maison à Murano, face à la Lagune, c’est ennivrant au possible!

    Par contre la machine avec le filtre style jus de cho7, bof!

    Kawa un jour, kawa toujours!

  2. anti Post author

    « Par contre la machine avec le filtre style jus de cho7, bof! »

    Avis partagé Valentine !

    Très belle note que voilà, idéale pour la pause de 17 h 45.

    « Pendant des années, nous avons consommé et servi à nos invités du moka d’Éthiopie. Son prix est devenu malheureusement rédhibitoire »

    Pour la petite histoire, au début, nous achetions dans notre magasin bio un café moulu Bio Moka Awasas délicieux et puis un jour, ils ont décidé de ne plus le faire afin de privilégier un nouveau fournisseur : Dagobert, dont je n’aime pas du tout les cafés mal torréfiés à mon goût. Je suis donc partie en quête d’un nouveau magasin abordable, que j’ai fini par trouver sur internet : Maxicoffee. Mais là, j’ai déchanté au bout d’un an tant ils ont augmenté leur prix ! Ils sont passé de 56.78 € HT les 5 kg lors de ma première commande à 80,52 € HT soit 41,81 % d’augmentation sur une période de douze mois. C’est vraiment trop se moquer du monde. Grosse déception de Maxicoffee donc.

    Heureusement, il existe d’autres bons cafés, même si c’est dommage pour les cafés de marque « Destination ».

  3. kacho Post author

    Histoire de se marrer : Oldelaf et son « p’tit café… Merci encore pour cette article et pour ce blog délicieux à visiter.
    Bonne journée.

  4. Anna Galore Post author

    Les enfants qui naissent en ce moment seront peut-être les derniers à connaitre le goût d’un arabica. Si le réchauffement climatique se poursuit, même dans l’hypothèse la plus favorable, les plantations d’arabica auront totalement disparu d’ici 2080.

    « Les projections réalisées par les scientifiques, en fonction de trois scénarios différents (+ 2,4 °C, 2,8 °C. et + 3,4 °C sur la période), montrent que la quasi-totalité des plantations d’arabica réunissant jusque-là des conditions de culture idéales deviendraient des zones aux rendement médiocres, voire nuls.

    Les graines d’arabica sont en effet très dépendantes du climat. Quand les arbres sont exposés trop longtemps à des températures supérieures à 30 °C, leurs tiges s’abîment et les cosses s’assèchent. Or, le thermomètre risque bien de grimper dans de telles proportions dans les années à venir. »

    (Source : étude publiée sur le site de Plos One et reprise par Le Parisien)

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