Les gamins de la ZUP font la fête à la maison

Gwlad, 14 ans, blonde aux yeux bleus, vie aisée dans une grande maison avec jardin, a fêté son anniversaire samedi. Gwlad aime le rap et suit des cours de hip-hop. Il n’était donc pas surprenant que les copains qu’elle a invités soient pour la plupart des fans de rap et de hip-hop. C’est-à-dire en grande majorité des blacks et des beurs, tous musulmans, habitants de la ZUP ou de quartiers pauvres.

DSCN7459.jpgCertains étaient déjà des habitués de la maison, comme Moiyade et Anli, peau d’ébène, originaires de Mayotte d’une famille de dix enfants. On a rencontré certains autres comme Bilel, de parents marocains, lors d’une battle de hip-hop mémorable au centre de Nîmes à l’occasion de laquelle j’avais déjà parlé de la beauté d’âme de ces gamins de la ZUP. Il y avait aussi Siam dont la maman est éthiopienne, Naomi qui a du sang aborigène, Sofia aux allures de princesse du désert, et quelques autres dont les racines s’étirent jusqu’à l’autre bord de la Méditerranée. Aucun Français de souche, comme on dit chez les bas-du-front.

Dans la petite rue où nous habitons, il y a des gens qui ont peur de la ZUP et de tous ces étrangers qui se prétendent Français. Forcément, ce sont des dealers ou des receleurs ou des vendeurs de téléphones portables tombés du camion, de la graine de fainéants qui rêvent de devenir chômeurs pour vivre sur les aides sociales en tous genres, des intégristes qui font peur, pire des racketteurs ou des violeurs en bande ou des agresseurs de personnes âgées. Alors nos voisins peuvent trouver ça vraiment très angoissant parce que notre rue, quelle horreur, elle débouche directement sur la ZUP.

Je ne suis pas angélique. D’ailleurs, nos invités aussi le disent que la ZUP, c’est pas le paradis et qu’ils préfèreraient vivre dans un meilleur environnement. Bien sûr qu’il y a des dealers dans la ZUP. Il y en a aussi dans les beaux quartiers puisque c’est là que sont les meilleurs clients. Bien sûr qu’il y a des trafics et des gens qui truandent dans les ZUP. Il y en a aussi jusqu’au plus haut sommet de l’État. Tout ça, c’est vrai. Ce qui est faux et délétère, c’est la généralisation, l’amalgame, le tous pourris.

DSCN7457b.jpgLes invités de Gwlad sont musulmans mais ils ont autant peur des islamistes que n’importe qui de sensé. Les copines n’ont aucune intention de porter un voile et encore moi un niqab, elles préfèrent les tenues sexy, les soldes et les produits de beauté. Les copains aiment que les copines se fassent belles et pour les séduire, ils ne leur promettent pas des portables volés ou des Rolex tombées du camion, non, pour les séduire, ils dansent, ils font des dessins et ils bossent dur pour avoir une jolie vie un jour.

Et pour une fête, vous savez ce qui est bien, avec les musulmans, surtout entre ados ? C’est qu’ils ne boivent pas une goutte d’alcool. C’est loin d’être le cas des fêtes d’ados bien de chez nous qui mesurent le succès de leurs soirées au volume d’alcool ingéré.

Les ados musulmans qui étaient là ont en plus autre chose de beau qui vient de leur culture : le respect des aînés. Tous sont passés nous voir à un moment ou un autre de la soirée pour nous remercier de les accueillir, nous complimenter sur la décoration de notre maison et parler avec nous de choses légères ou profondes, y compris de leur avenir et de leur envie de réussir dans la vie.

Anti a même fait une démonstration de nunchaku à l’un des ados fan de kung-fu, sidéré de voir un tel engin posé sur la table du séjour (on l’avait acheté pour 4 euros quelques jours plus tôt à Aix) et encore plus sidéré de voir une maman s’en servir (mais c’était justement l’une de ses passions quand elle était plus jeune).

Quand, vers minuit, on leur a demandé de baisser la musique, ils l’ont fait sans discuter et se sont tous installés dans la chambre de Gwlad pour regarder des DVDs avant de s’endormir. Nous, on était au lit bien avant eux. Personne n’a profité de notre sommeil pour nous piquer nos portables ou nos appareils photo numériques restés sur la table ou nos PC ou quoi que ce soit d’autre. Personne n’a cherché la bagarre, ça c’est dans les fêtes où les gens ont trop bu.

Tout le monde était ravi de ce bel anniversaire. Les derniers invités sont repartis le dimanche soir. Ils reviendront vite, ils sont les bienvenus et c’est facile : ils habitent à deux pas de chez nous, dans la ZUP.

Très belle journée à vous

4 Replies to “Les gamins de la ZUP font la fête à la maison”

  1. Netsah Post author

    La seule fois où je me suis fait taxer (une veste de costume assez chère) et détériorer quelque chose dans ma chambre lors d’une fête, c’était par deux gars blancs, catholiques, et loin d’être pauvres… J’ai toujours eu des potes de ZUP et de ZUS et c’était les meilleurs pour mettre l’ambiance.

  2. valentine Post author

    J’adhère parfaitement! Je vis moi-même dans un quartier « mozaïque » et je ne vois pas où est le problème si ce n’est pour les gens de l’extérieur!

  3. anti Post author

    Il fait bon lire une invitation à aller à la découverte de l’autre dans une époque où les médias nous inciteraient à nous méfier de tous.

    Une bien belle note à l’image de cette soirée qui fut très belle, riche d’échanges et de petits bonheurs partagés.

  4. Anna Galore Post author

    « une époque où les médias nous inciteraient à nous méfier de tous »

    Oui, la peur de l’autre n’est pas seulement méprisable, elle est une authentique escroquerie.

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