La fin du monde, une histoire sans fin

Je vous ai parlé il y a quelques jours de la fin du monde prédite à plusieurs reprises par Harold Camping, la dernière fois étant le 21 octobre 2011. Faute de fin du monde ce jour-là, cela a été celui de la fin de la crédibilité de Harold Camping pour prédire l’Apocalypse.

La fin du monde, vous l’aurez tous remarqué, ne s’est pas non plus produite le 11/11/11, ce que quelques astrologues et numérologues ont eu l’imprudence d’annoncer comme une certitude avec un regard sombre. Ils pourront retenter leur chance le 12/12/12. Ensuite, il faudra qu’ils changent de créneau, le 13/13/13 n’étant malheureusement pas possible malgré une séduisante accumulation de « 13 », nombre menaçant s’il en est.

calendrier maya.jpgQuant à la fameuse (ou plutôt fumeuse) fin du monde du 21 décembre 2012, attribuée à une prédiction maya, elle a été inventée de toutes pièces par José Argüelles en 1987. Ce monsieur n’était pas plus maya que sa soi-disant prédiction mais il a eu la chance de terminer sa vie début 2011 donc bien avant la date fatidique, ce qui lui évitera de se sentir très bête le 22 décembre au matin en voyant que les gens continuent à faire leurs courses de Noël comme si de rien n’était, sans parler de l’avalanche de commentaires moqueurs qu’il aurait récolté sur son compte Facebook.

Franchement, si le fait qu’un calendrier s’arrête à une certaine date devait signifier qu’ensuite ce sera la fin du monde, alors nous aurions une fin du monde tous les 31 décembre depuis 1564, année lors de laquelle le bon roi Charles IX décida que désormais le premier jour de l’année serait le 1er janvier (auparavant, tout un tas d’autres dates se disputaient ce privilège suivant les régions, depuis le 1er mars jusqu’au 25 décembre en passant par le jour de Pâques qui changeait chaque année).

L’imagination humaine étant sans limite, de nombreuses autres fins du monde ont été prédites depuis qu’il y a sur Terre des hommes certains d’être investis d’une mission divine et d’autres pour les croire. Rien que ces cent dernières années, la fin du monde a obstinément refusé de se produire un bon paquet de fois et pourtant, l’humanité n’en est pas passée loin à plusieurs occasions.

Les Témoins de Jéhovah l’ont ainsi annoncée en 1914, 1918, 1920, 1921, 1925, 1975 et 1988. Pas découragés par leurs nombreux échecs, ils la prédisent désormais pour 2034. Remarquez, s’ils continuent suffisamment longtemps, ils finiront bien un jour par avoir raison. Dans la même veine du « tant-que-je perds-je-rejoue », une certaine Marylin Agee a prédit l’Apocalypse biblique successivement les 31 mai, 14 juin, 21 juin, 9 septembre et 20 septembre 1998 avant de laisser définitivement tomber sa carrière de visionnaire.

fin-du-monde-2012.jpgAu Canada, un faux prophète mais vrai fou condamné pour meurtre, Roch Thériault – il préférait qu’on l’appelle Moïse en toute simplicité – l’a prédite pour le 19 février 1979. Pour une secte française, pardon, une association évangélique nommée l’Alliance Universelle, aucun doute, la fin du monde devait se produire avant le 1er janvier 1980 au plus tard, alors qu’une autre, Le Grand Logis (ex Logis de Dieu – aucun lien avec Logis de France) a successivement annoncé que cela arriverait au début de l’été 1989 puis de celui de 1995 avec aussi peu de réussite. En Corée, le gourou Lee Jang Rim a déclaré avec assurance que l’Apocalypse aurait lieu le 28 octobre 1992. La Fraternité Blanche Universelle, secte ukrainienne, a hésité entre le 14 et le 23 novembre 1993, quasiment la même chose que ce qu’avait dit La Famille (ex Enfants de Dieu, secte bien connue pour son utilisation d’adolescentes mineures comme appâts sexuels pour convaincre de nouveaux fidèles).

Les Davidiens voyaient le dernier jour quelque part en 1995 mais furent massacrés à Waco (Texas) deux ans plus tôt lors d’un siège mené par le FBI qui vira au suicide collectif. Ce n’est que l’un parmi bien d’autres tristes exemples de prophéties autoréalisatrices basées sur la mort provoquée d’adeptes trop crédules, convaincus de devenir ainsi les élus de Dieu juste avant la fin du monde – 914 Adventistes du Septième Jour au Guyana en 1978, 69 membres de l’Ordre du Temple Solaire entre 1994 et 1997, 39 disciples de la secte Heaven’s Gate (la porte du paradis) lors de l’arrivée supposée de Jésus sur la comète Hale-Bopp en 1997, plusieurs centaines de fidèles du Mouvement pour la Restauration des Dix Commandements de Dieu en Ouganda en mars 2000.

Une petite digression, au passage : la venue de l’Apocalypse n’a de sens que pour les chrétiens, c’est-à-dire en gros 30% de la population de la planète. Pour les 70% restants, Jésus-Christ n’a pas plus d’existence que le père Noël et le jour du Jugement Dernier non plus. Et une remarque linguistique : « apocalypse » ne veut pas dire « éradication brutale de l’humanité » comme semblent le croire les annonciateurs de la fin du monde, mais « révélation ». Pour tout chrétien convaincu (les autres ne sont pas concernés), l’Apocalypse n’est pas une mauvaise nouvelle mais une bonne.

Cela dit, si vous faites partie des 70%, rassurez-vous : des tas de fins du monde non chrétiennes ont également été annoncées pour que tout le monde puisse se sentir impliqué.

C’est ce que montrent d’autres exemples en 1996 : trois prédictions de destruction finale furent faites pour cette année-là, l’une du faux-prophète Sheldon Nidle (USA) qui pensait que des extraterrestres allaient désintégrer notre planète à grands coups de laser, une autre par la mystérieuse et éphémère secte Cosmicia qui penchait plus pour un cataclysme global et la troisième par la secte Énergie Humaine Universelle (aussi connue sous le nom de Spiritual Human Yoga) qui, malgré sa dénomination fleurant bon la sérénité, envisageait que l’année ne se terminerait pas sans un raz-de-marée global provoqué par une chute de météorites. Et dire qu’un simple coup d’œil sur le site de la NASA aurait suffi pour les rassurer.

Dans le même style, la secte française Les Trois Arches avançait qu’en 1998 un cataclysme mondial détruirait absolument tout sauf la région de Saint-Odile – on a le mont Ararat qu’on peut. Le Cercle Ufologique de Haute-Normandie hésitait entre 1998 et 1999 pour qu’une collision d’astéroïdes et une déglaciation des pôles mènent l’humanité à sa disparition.

apocalypse durer.JPGC’est bien sûr autour de l’an 2000 que les findumondistes ont rivalisé d’hypothèses pour expliquer pourquoi nous ne survivrions pas à cette année fatidique : invasion extraterrestre, chutes diverses de météorites (même Nostradamus fut invoqué comme caution scientifique), boule de feu (secte kabbaliste), cataclysme nucléaire (Université Spirituelle des Brahma-Kumaris et Amis de la Croix Glorieuse de Dozulé réunis dans une même vision mystique), choc avec une autre planète (Centre d’études gnostiques), sans oublier la destruction du monde le 1er janvier par Satan en personne (mais finalement, il n’a pas réussi à se libérer ce jour-là).

La secte japonaise Aum Shinrikyō voyait plus le cataclysme nucléaire courant novembre 2003 alors qu’en France le Groupe de Kerdanvé tablait plutôt sur 2006 tout comme les Kenyans de la Maison de Yahvé.

Plus pittoresque, deux auteurs français ont annoncé un effondrement de l’Univers en 2006 et une association de citoyens hawaïens a craint que le nouvel accélérateur de particules du CERN installé entre la Suisse et la France ne crée un trou noir qui nous avalerait tous le 10 septembre 2008.

Hé ben, ils se sont tous plantés.

Et encore, je n’en ai cité que quelques-uns. L’historien Luc Mary a répertorié pas moins de 183 fins du monde depuis la chute de l’Empire Romain. C’est dire si le ridicule ne décourage aucun Grand Initié Suprême Touché Par Le Doigt De Dieu En Personne qui sait bien, lui, qu’il détient La Vérité Vraie Révélée Rien Qu’à Lui De La Date Du Dernier Jour et que tous les autres ne sont que de vils usurpateurs.

Autant dire que les fins du monde, on n’a pas fini d’en connaître d’autres. La bonne nouvelle, c’est que si elles sont aussi inoffensives que toutes celles qui ont précédé, on n’a aucune raison de s’en inquiéter. Et toutes les raisons d’en rire.

Je laisserai le mot de la fin à François Cavanna, le génialissime fondateur de Hara-Kiri et de Charlie-Hebdo : « La fin du monde a eu lieu hier matin et personne ne s’en est aperçu ».

Très belle journée à vous

Illustrations : (1) soleil maya, (2) extrait du film Deep Impact, (3) L’Apocalypse de Dürer

7 Replies to “La fin du monde, une histoire sans fin”

  1. anti Post author

    Excellente chute 😉 Ce qu’il y a de bien dans la fin du monde, c’est qu’elle marque le début d’un nouveau monde 😉

    allez, zou, j’ai tout un monde à construire aujourd’hui.

  2. Netsah Post author

    Tu fais bien de redonner la définition d’Apocalypse, je n’ai jamais compris les gens qui en parlaient en terme de catastrophe.. Ils devraient réviser leurs grec ancien..

  3. Anna Galore Post author

    Dans le même ordre d’idée, on devrait définitivement arrêter d’utiliser le mot « holocauste » pour parler de la tentative d’extermination des Juifs dans les camps de concentration nazis.

    Sa signification étymologique est en effet « sacrifice d’adoration », ce qui est pour le moins totalement déplacé.

  4. Terrevive Post author

    A propos d’une autre date de remplacement, je viens de voir sur Wikipedia :

    « La prophétie annonçant la fin du monde en 2012 est basée sur une faute de calcul. En réalité, la date annoncée est 2220 (208 ans après), ont déclaré des scientifiques dans le numéro de novembre de la revue NWT (Natuurwetenschap & Techniek). »

    En repoussant, ça donne une respiration supplémentaire et ça enlève un peu de stress à ceux qui focalisent dessus.

  5. Anna Galore Post author

    … d’autant plus que, comme je le rappelle dans ma note, ce n’est pas une prophétie maya mais une pure élucubration de ce monsieur Argüelles en 1987. Les Mayas n’ont rien prédit du tout, ils ont simplement parlé de cycles en précisant qu’à la fin du cycle en cours, ce sera le commencement du cycle suivant, comme pour n’importe quel calendrier (y compris celui de La Poste).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *