Le boss des maths

al khawarizmi.jpgAnghbor est en pleines révisions pour le brevet des collèges. Hier, nous avons fait quelques exercices de math et, parmi eux, de l’algèbre. En le voyant se creuser les méninges pour savoir comment faire passer certains termes d’une équation d’un côté du signe égal et d’autres termes de l’autre côté sans oublier de changer les signes au passage, m’est revenue à la mémoire l’histoire du grand mathématicien persan qui inventa cette technique il y a près de 1200 ans et qui est considéré comme le père de l’algèbre.

Il s’appelait Abou Jafar Muhammad ben Moussa Khuwarizmi mais tout le monde le nommait Al Khuwarizmi, celui qui habite dans la région de Khuwarezm, un très joli nom puisqu’il signifie le pays du Soleil. Il s’agit en partie de l’actuel Ouzbekistan.

Il écrivit plusieurs livres de mathématiques dont l’un qui le fit entrer dans l’Histoire, Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison, en 825. C’est dans ce livre qu’il décrit pour la première fois la technique de base qui faisait transpirer mon élève d’hier soir, une méthode qu’il a appelé la « restauration » – en arabe, « al jabr » qui a donné le mot algèbre.

De façon amusante, en espagnol, la signification initiale de « restauration » est resté au sens propre puisque « algebrista » veut dire le rebouteux.

Mais revenons à Al Khuwarizmi. Son livre avait une particularité remarquable pour un ouvrage de mathématiques : il ne contenait aucun chiffre. Toutes les formules, toutes les équations étaient exprimées à l’aide de mots du quotidien, certains très imagés.

al jabr.jpgDans un autre de ces livres, il a expliqué comment faire des additions et des soustractions en utilisant des drôles de symboles empruntés aux Indiens et que nous appelons aujourd’hui les chiffres arabes (alors qu’Al Khuwarizmi n’était pas arabe et que les chiffres en question ne l’étaient pas non plus).

C’est grâce à ce livre que ce système de notation des nombres, qui nous est tellement familier dès le cours préparatoire, nous est parvenu après avoir diffusé dans tout le Moyen-Orient, puis a atteint le continent européen par le califat de Cordoue, avant d’être repris par Gerbert d’Aurillac, un philosophe et mathématicien né en Auvergne, devenu pape vers l’an 1000 sous le nom de Sylvestre II – oui, en ces temps-là, on pouvait être à la fois homme de science et pape. Ce personnage remarquable est celui à qui l’Occident doit l’introduction des chiffres tels que nous les connaissons.

Au passage, les Indiens avaient aussi créé le zéro, un chiffre particulier qui nous semble banal mais qui fut une véritable révolution conceptuelle puisqu’il désigne une absence ou une quantité nulle mais également une simple position vide dans l’écriture d’un nombre, ce qui a mené à rien moins que le système décimal. Le nom qu’Al Khuwarizmi utilisait pour ce symbole très particulier, c’était « zifr » (vide) – qui est à l’origine du mot « chiffre » en français, retranscrit en « zefiro » par les Italiens et devenu, par déformation, « zéro » dans toutes les langues ou presque.

Depuis le début de cette note, vous trébuchez probablement sur le nom d’Al Khuwarizmi à chaque fois qu’il apparait, vous demandant comment le prononcer. Il est pourtant, lui aussi, entré dans le langage quotidien de la plupart des pays du monde. Sa retranscription en latin était, en effet, Algoritmi.

De là vient « algorithme », qui désigne une méthode générale de résolution d’un problème par sa décomposition en tâches élémentaires, universellement mise en œuvre dans tous les logiciels informatiques, du moindre exercice de débutant jusqu’à Internet. Pensez-y la prochaine fois que vous aurez tendance à l’écrire avec un « y » alors que ce mot n’est en rien dérivé de « rythme » mais du nom du grand mathématicien persan qui vivait au pays du Soleil.

Très belle journée à vous

Illustrations :
(1) couverture du livre « Al Khuwarizmi, l’inventeur de l’algèbre », Corona éditions
(2) la première page du livre d’Al Khumarizmi sur l’algèbre (Wikipedia)

3 Replies to “Le boss des maths”

  1. terrevive Post author

    Mais que voilà une très belle leçon !

    En plus, j’apprends un nouveau mot : «  »algebrista » veut dire le rebouteux. », ça alors!!!!!

    Merci madame le professeur.

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