Nucléaire : la moitié des régions françaises contaminées

La moitié des régions françaises sont contaminées par 300 millions de tonnes de résidus nucléaires, évacués en toute discrétion et toute illégalité par Cogema (aujourd’hui Areva).

La tribune et le parking du stade de Gueugnon, par exemple, sont situés sur les déchets radioactifs de l’ancienne usine de la Cogema, qui a enfoui 220 000 tonnes de déchets avant sa fermeture en 1980. Les compteurs Geiger détectent un niveau de contamination très au dessus des normes tolérées. Dans la même ville, un parcours de santé a été aménagé sur 30 000 tonnes de déchets nucléaires. Cela signifie qu’une bonne partie de la population de cette ville ont reçu des niveaux d’irradiation dangereux en assistant à des matchs de foot ou en faisant leur jogging.

Rue89 aujourd’hui sur cette histoire, connue depuis 2008 et révélée début 2009 dans un documentaire diffusé sur France 3. Résultat ? Rien ou presque, à part une tentative de censure de la part d’Areva, un procès de la ville de Limoges et engagement solennel non tenu de Borloo. L’enquête d’Emmanuel Amara et Romain Icard a pourtant de quoi effrayer.

Un extrait de l’article de Rue89 :

« Lauréat du prix spécial du jury au Figra, le film « Mines d’uranium : le scandale de la France contaminée » est de ceux qui font peur. Peur quand les journalistes qui l’ont réalisé, Emmanuel Amara et Romain Icard, marchent avec des citoyens engagés contre ce scandale qui leur disent ne pas vouloir rester trop longtemps dans un pré ou un bois par crainte d’être contaminés.

Au total, l’usine de la Cogema de Gueugnon a planqué ainsi 220 000 tonnes de déchets avant sa fermeture, en 1980. A deux pas du centre-ville. Des dizaines de cas similaires existent en France, où 210 sites ont été exploités. La plupart du temps, ces résidus sont des « stériles » (déchets radioactifs, mais modérément).

Mais dans le film d’Amara et Icard, un ingénieur de la Criirad, le seul laboratoire indépendant de mesure de la radioactivité, découvre du yellowcake (concentré d’uranium) sur le parking d’un club de ski de fond.

Les journalistes nous emmènent aussi à Saint-Pierre (Cantal), village entièrement construit sur un site d’enfouissement. Et dans un coin de la Loire où la Cogema vendait à vil prix du remblai aux habitants, ravis de l’aubaine. Aujourd’hui, ils déchantent : on s’aperçoit que même des maisons sont radioactives.

A Limoges, une partie des habitants boivent de l’eau contaminée. C’est la grande ville française la plus touchée, puisque le Limousin concentrait le plus grand nombre de mines. »

Les questions que je me pose, après avoir découvert cette info ahurissante, sont les suivantes :
– Si ce que disent les auteurs de ce documentaire est faux, comment se fait-il qu’Areva ne les ait jamais poursuivi en diffamation, ni même démenti ?
– Si ce qu’ils disent est vrai, comment se fait-il qu’Areva ne soit pas poursuivi en justice pour atteinte délibérée à la santé, voire à la vie de centaines de milliers de personnes à leur insu ? Est-ce qu’on a le droit, en France, de répandre comme ça, secrètement, des centaines de millions de tonnes de substances mortelles en toute impunité ?

L’article intégral sur Rue89 : Nucléaire : le scandale des déchets enfouis sous nos pieds

12 Replies to “Nucléaire : la moitié des régions françaises contaminées”

  1. ramses Post author

    « La moitié des régions françaises sont contaminées par 300 millions de tonnes de résidus nucléaires, évacués en toute discrétion et toute illégalité par Cogema (aujourd’hui Areva). »

    300 millions de tonnes… Es-tu sûre du chiffre ? Parce qu’il paraît gigantesque…

    D’autre part, si ces résidus étaient réellement dangereux pour la santé publique, ils n’auraient pas été enfouis à une aussi faible profondeur.

    J’admets qu’on soit contre le nucléaire, mais comparer la situation à Tchernobyl me paraît excessif…

  2. Anna Galore Post author

    L’article n’est pas de moi mais de Rue89. Les chiffres qu’il donne sont directement tirés du documentaire mentionné, diffusé en février 2009 et non démenti par Areva depuis. Je n’ai pas enquêté de mon côté (je n’en ai aucun moyen).

    « D’autre part, si ces résidus étaient réellement dangereux pour la santé publique, ils n’auraient pas été enfouis à une aussi faible profondeur. »

    C’est exactement ce qui en fait un problème extrêmement grave.

  3. Anna Galore Post author

    Je viens de regarder un peu ce qui s’est dit à l’époque, autour de la diffusion de cette émission il y a un an sur France 3.

    Le maire a réagi dès le lendemain pour affirmer que l’eau distribuée à Limoges état parfaitement potable et que le reportage était donc malhonnête. Il envisageait de porter plainte.

    Au conseil municipal qui a suivi, un mois plus tard, un élu du Modem a rappelé que c’était loin d’être aussi limpide. Un rapport de la CRIIRAD en 2004 avait conclu à une contamination radioactive dangereuse de certains cours d’eau et d’un taux anormal de cancers du poumon dont la cause, semble-t-il établie en 2008, était la présence élevée de Radon 222 dans l’atmosphère (un isotope également présent sous forme dissoute dans l’eau distribuée à la sortie de l’une des usines de traitement). L’élu revenait également sur le stockage en plein air de boues radioactives retirées d’un étang par Areva (à la demande justement du maire qui disait que tout allait bien) .

    http://www.modem87.org/blog/limoges/99-intervention-belezy-cm-23-mars-2009.html

    Le rapport intégral de la CRIIRAD est ici (25 Mo) : http://www.modem87.org/files/Rapport_Criirad_04_26_high.pdf

    En janvier dernier, Le Post reprenait un article publié par Le Populaire du Centre du 8 janvier qui signalait le niveau extrêmement élevé de radioactivité dans l’eau du robinet d’une autre commune de Haute-Vienne. En voici le début :

    « A Saint-Sylvestre, la CRIIRAD vient de relever un taux de 1230 becquerels par litre à la sortie d’un robinet. Une radioactivité alarmante, selon l’association qui espère faire évoluer les normes en vigueur.

    La CRIIRAD (1) ne devait rendre publics ses résultats que dans trois mois. Mais vu l’urgence, elle a préféré alerter immédiatement les pouvoirs publics. Car un taux de radioactivité qu’elle juge extrêmement élevé a été décelé, peu avant Noël, dans l’eau du robinet (2) d’un habitant de Saint-Sylvestre. 1230 becquerels par litre d’eau « potable », c’est presque un record pour la CRIIRAD. Les enfants et les femmes enceintes seraient particulièrement exposés…
    Le coupable ? Le radon 222, ou plutôt le bismuth 214 et le plomb 214. Pour des raisons mystérieuses, ces deux descendants du radon, émetteurs de rayonnements gamma très énergétiques, ne sont actuellement pas pris en compte dans la règlementation officielle. »

    http://www.lepost.fr/article/2010/01/08/1876126_de-l-eau-du-robinet-radioactive-dans-une-commune-de-haute-vienne.html

    Ce qui veut dire que, quoi qu’en dise le maire de Limoges, il existe un sérieux problème de radioactivité dans l’eau que consomment les habitants de sa ville et de ses environs.

  4. anti Post author

    C’est scandaleux ! Scandaleux ! Scandaleux !

    « D’autre part, si ces résidus étaient réellement dangereux pour la santé publique, ils n’auraient pas été enfouis à une aussi faible profondeur. »

    Alors ça, si la cupidité (déjà maintes fois évoquée sur le blog) ne faisait pas faire des conneries au détriment des êtres vivants quels qu’ils soient, ça, ça ferait grand bruit !

    anti, verte !

  5. ramses Post author

    En fait, cette situation n’est pas nouvelle…

    Un article fort bien documenté « Le Limousin radioactif » paru dans Science & Vie n° 899, août 1992, explique le phénomène (exploitation des mines d’uranium) :

    http://atomicsarchives.chez.com/limou_radioac.html

    Il n’est pas douteux que cette radioactivité augmente le nombre de cancers…

    Au Canada, la norme maximale était de 40.000 becquerels par litre, elle a été abaissée à 7.000, ce qui est encore considérable, mais quand même très supérieur aux 1.230 becquerels relevés à St-Sylvestre (justement l’un des sites d’exploitation d’uranium dans les années 90) :

    http://sites.google.com/site/msqng2/tritium/reduction-des-concentrations-de-tritium-dans-l-eau-potable

    Entre la radioactivité naturelle, la concentration de boues radioactives et les rejets des centrales nucléaires, on a tendance à tout mélanger…

    S’il y avait de réelles alternatives aux centrales nucléaires pour produire en masse des kw/h, auncun doute qu’elles seraient mises en oeuvre… Malheureusement, elles n’existent pas aujourd’hui (les centrales thermiques se révèlent beaucoup plus polluantes et le solaire/éolien ne peut être qu’un appoint…) Alors, on fait quoi ? On arrête les TGV, on s’éclaire à la bougie… En attendant ITER ?

  6. Anna Galore Post author

    La question n’est pas là. La seule question est celle des déchets. Les disséminer partout dans des conditionnements qui sont largement insuffisants, voire en pleine nature, n’est certainement pas une solution pour ceux qui s’y retrouvent exposés. C’est tout simplement criminel.

    Nous avons déjà parlé sur le blog – et c’est toujours autant d’actualité (voir le site de Greenpeace en ce moment) – de l’utilisation de la Russie par Areva pour se débarrasser de ses déchets, avec une désinvolture ahurissante. Chez nous, la pollution radioactive de l’eau à Limoges est une réalité depuis plusieurs décennies, encore confirmée début 2010 (voir l’article que j’indique dans ma réponse précédente).

    Dire que cette situation n’est pas nouvelle est une évidence. Constater qu’elle perdure est inacceptable.

  7. Grosnounours Post author

    Après le reportage de FR3, Elise Lucet avait interviewé M.Borloo.

    Jusqu’ici celui-ci n’a pas tenu les promesses qu’il avait faite alors. (A sa décharge, sa cirrhose doit avoir atteint le cerveau depuis longtemps).

    Ces pollutions ne sont hélas pas nouvelles, elles sont le résultat de la nucléarisation à marche forcée d’après guerre, ou le résultat du progrès était plus important que son inconvénient. Seulement, arrive un jour ou le résultat ne progresse plus, et ou l’inconvénient apparaît.

    Après tout, le limousin doit être la région la moins densément peuplée de France, c’est la population la plus agée du pays, et c’est la plus radicalement à gauche : Elle peut bien crever ! Ca ne vaut pas le coup pour les nantis de Neuilly et du 16° de se pencher sur ce problème. En plus, commencer à faire quelque chose de réel pour dépolluer, c’est reconnaitre la faute de la Cogéma (Areva), et EDF, alors, avec les indemnités qu’il faudrait verser, on ferait sauter la banque.

    Sinon pour les limougeauds, on fait quoi, on les laisse boire leur eau radioactive qui les tuera dans 30 ou 40 ans, ou on la coupe pour qu’ils crèvent de suite ?

  8. anti Post author

    C’est fou ce que tout ça me fait penser à l’histoire vraie d’Erin Brokovitch.

    Petit rappel des faits :

    Erin Brockovich-Ellis (née Erin L. E. Pattee, le 22 juin 1960, à Lawrence, Kansas) est une autodidacte, devenue adjointe juridique et activiste de l’environnement, connue pour avoir révélé une affaire de pollution des eaux potables à Hinkley (Californie).

    Malgré un manque de formation en droit, elle réussit à se faire embaucher dans un petit cabinet d’avocat et, intriguée par des dossiers d’indemnisations immobilières croisés avec des requêtes en soins médicaux sur les mêmes personnes, elle enquête, découvre des causes probables de pollution par le chrome hexavalent dans les eaux potables, instruit le dossier des centaines de victimes et leur fait obtenir un dédommagement conséquent (333 millions de dollars) auprès de la société Pacific Gas and Electric Company (PG&E) de Californie en 1993.

    (…)

    Elle est actuellement présidente de Brockovich Research & Consulting et poursuit l’instruction d’AFFAIRES SIMILAIRES.

    Ainsi, elle vient de demander à l’ambassadeur des États-Unis en Grèce de pousser à la résolution du problème de la pollution de l’Asopos qui contient entre autres du chrome hexavalent.

    L’Asopos fournit en eau une bonne partie de la population de l’agglomération d’Athènes. Elle sert aussi à l’irrigation des exploitations maraîchères autour de Thèbes. L’Asopos est une des rivières les plus polluées de Grèce. Les scientifiques de l’université d’Athènes ont étudié sa composition, ainsi que celle des légumes vendus sur les marchés de la capitale. Les niveaux de nickel (663 µg/kg) et de chrome (95 µg/kg) sont huit à dix fois supérieurs aux normes autorisées. De grandes quantités de chrome appauvri ont aussi été découvertes dans l’eau (148 µg/l). Cette eau est impropre à l’irrigation comme à la consommation. L’Union européenne a déjà condamné la Grèce qui ne sévit pas contre les industriels déversant leurs déchets toxiques dans la rivière. En mars 2009, Erin Brockovich demande à l’ambassadeur des États-Unis en Grèce de pousser à la résolution de ce problème. Le fleuve contient en effet du chrome hexavalent, contre lequel elle s’était battu en Californie.

    Par ailleurs, tant qu’à faire, la Grèce a autorisé en février 2009 l’établissement d’une zone industrielle dans la banlieue de Thèbes, risquant d’accroître la pollution dans l’Asopos. (Wikipédia)

    anti

  9. sapotille Post author

    .. merci. J’ai pas mal fait passer l’article mis en lumière par cette note, je continue pour les commentaires qui sont à la hauteur..

  10. Anna Galore Post author

    Ah d’accord, c’est pour ça que chez Areva, ils se sont dit qu’ils pouvaient balancer leurs déchets n’importe où. Y compris dans une dizaine d’autres régions qui n’ont pas d’uranium dans leur sous-sol, histoire de faire bon poids. Je me disais bien aussi qu’il devait y avoir une bonne explication.

  11. Grosnounours Post author

    « …Rien d’étonnant de constater de la radioactivité quand le sous-sol est riche en uranium… »

    En effet, mais le sol limousin est essentiellement granitique, donc dur et imperméable, l’eau ne penètre pas dans le sol et reste en surface dans des zones humides, se chargeant relativement peu en radioactivité. Or, dans les sites Cogéma, le sol a été broyé, l’eau s’infiltre, se charge en radioactivité puis ressort et alimente certaines zones en eau potable.
    Il est d’ailleurs curieux de constater que la plupart de ces stockages « sauvages » se situent en Haute-Vienne, Creuse, Cantal, Loire, Puy de Dôme, Hérault, Aveyron, Lozère. Zones d’extraction, certes, mais présentant l’insigne avantage d’être peu densément peuplées, et accessoirement de sauvages ayant une fâcheuse tendance à parler un pâtois de leur cru.

    Bonne soirée.

    Jean

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