Les scientifiques qui racontent n'importe quoi

Certains scientifiques sont tellement fascinés par les média qu’ils sont près à toutes les déclarations à l’emporte-pièce pour se rendre visibles. Surtout lorsqu’elles sont fausses.

claude allegre.jpgEn France, nous avons Claude Allègre

Ce géophysicien qui a, autrefois, dirigé l’Institut de Physique du Globe de Paris, est devenu connu du grand public en affirmant catégoriquement en 1976, lors du réveil du volcan la Soufrière en Guadeloupe, que l’éruption serait grave et accompagnée de nuées ardentes, alors qu’Haroun Tazieff – son subordonné – soutenait, lui, que l’éruption serait mineure et sans danger pour la population. Le préfet décida l’évacuation (on ne peut pas le lui reprocher). L’éruption ne fit aucun dommage sérieux.

Après avoir connu la gloire en devenant ministre, il s’est créé de solides inimitiés de toutes parts et a sombré rapidement dans l’oubli, jusqu’au jour où il a trouvé son nouveau filon pour revenir sur les devants de la scène : le négationnisme climatique. Son dernier livre tout récemment sorti est bourré d’inexactitudes, voire de mensonges purs et simples. Une analyse publiée par Le Monde en démonte l’essentiel : Le cent-fautes de Claude Allègre.

warner_marzocchi.jpgEt en Italie, il y a Warner Marzocchi

Notre voisin de blog Claude Grandpey tient l’un des blogs les plus suivis de Blogs de Voyage, « La passion des volcans ». Professeur d’anglais, il en écrit avec une précision remarquable tous les articles en français et en anglais, ce qui en fait une source documentaire précieuse pour les vulcanologues de tous pays. Passionné de volcanologie et de photographie, il parcourt le monde pour observer et étudier les volcans actifs. Il est le Président de L’Association Volcanologique Européenne (L.A.V.E.), dont font également partie nos amis les Chéreau, et membre de la Société de Volcanologie de Genève et de la Société Géologique de France.

Hier, il a exprimé son énervement face aux déclarations d’un autre de ces scientifiques qui s’expriment n’importe comment pourvu qu’on parle d’eux.

Cette fois, il s’agit de Warner Marzocchi, co-président de l’Organisation Mondiale des Observatoires Volcanologiques et chercheur à l’Institut Géophysique italien, qui a multiplié les phrases creuses ou les contre-vérités irresponsables au sujet des récents séismes qui ont ravagé Haïti et le Chili. Je reproduis ci-dessous l’intégralité de sa note, que je trouve excellente du début à la fin.

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claude grandpey.jpgDes affirmations douteuses de la part d’un scientifique (article de Claude Grandpey)

Il y a des scientifiques qui feraient mieux de se taire et de faire preuve d’un peu de modestie ! L’un d’eux, Warner Marzocchi – co-président de l’Organisation Mondiale des Observatoires Volcanologiques et chercheur à l’Institut Géophysique italien – vient de faire de superbes déclarations sur le site web du journal chinois People’s Daily Online.

Il a tout d’abord enfoncé des portes ouvertes en déclarant ce que tu le monde savait déjà, à savoir qu’ « il n’était pas anormal que deux séismes frappent le monde à deux mois d’intervalle, étant donné que les plaques qui composent la Terre sont en mouvement constant ». En conséquence, le séisme qui a dévasté Haïti « n’avait rien d’extraordinaire » et « il est raisonnable de prévoir [au Chili] un autre événement semblable à celui de samedi ».

Plus grave pour un scientifique de ce niveau, « il a écarté le risque qu’un séisme semblable puisse frapper l’Europe cette année ». Il a ajouté dans ce même article que « des séismes peuvent frapper des pays méditerranéens comme la Grèce, la Turquie, les Balkans et l’Italie, mais pas avec la même intensité que dans le Pacifique ».

Je pense qu’il serait bien de rappeler à ce monsieur que nous ne savons absolument pas, à l’heure actuelle, prévoir les séismes, pas plus d’ailleurs que les éruptions volcaniques, même si la science est un peu plus en avance dans ce dernier domaine. Personne ne sait où et quand se produira le prochain séisme et la prochaine éruption.

Il serait bien de lui rappeler aussi que les pays européens qu’il mentionne ont déjà été secoués par des séismes au moins aussi violents que celui de magnitude 7 qui a dévasté Haïti. Il faudrait lui indiquer que la Turquie a connu plusieurs événements supérieurs à la magnitude 7, dont celui de décembre 1939 avec une magnitude de 7,8. Il faudrait aussi qu’il apprenne qu’un séisme de moindre amplitude peut avoir des conséquences désastreuses. En tant que citoyen italien, il devrait savoir, par exemple, que 2735 personnes sont mortes et plus de 7500 ont été blessées lors du séisme de magnitude 6,9 qui a frappé Eboli (80 km au sud de Naples) en 1980 !

Il ne faut jamais dire qu’un événement naturel ne se produira jamais. La tempête qui vient de dévaster le littoral de Vendée et de Charente-Maritime en est un exemple flagrant. Jamais auparavant – du moins dans des temps historiques – la mer n’avait fracassé les digues et provoqué de telles inondations. Je connais bien cette région et je dois affirmer en toute honnêteté que je n’aurais pas quitté mon domicile à l’Aiguillon ou à la Faute-sur-Mer quand l’avis de tempête a été lancé. Je n’affirmerai jamais qu’un tel événement ne se reproduira pas, ici ou ailleurs !

Claude Grandpey

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Merci à Claude pour ce coup de gueule bien envoyé. Je sais qu’il passe régulièrement nous lire et j’en profite pour lui adresser mes salutations les plus amicales.

Le blog de Claude Grandpey : La passion des volcans
Les autres notes parlant de Claude Grandpey chez nous : TAG Claude Grandpey.
Photos : Sipa (C. Allègre), L’Aquila Nuova (W. Marzocchi)

3 Replies to “Les scientifiques qui racontent n'importe quoi”

  1. anti Post author

    Ça fait du bien oui, de lire cet excellent coup de gueule, et d’avoir rajouté le Claude ne gâche rien.

    En revanche, concernant l’affirmation « Jamais auparavant – du moins dans des temps historiques – la mer n’avait fracassé les digues et provoqué de telles inondations » je me permets un doute. Il me semble que si, en 1937 et 1940 notamment.

    Pour celles et ceux que cela intéressent un document très détaillé « Le classement des digues littorales au titre de la sécurité civile : un exemple de mise en œuvre en Vendée » par Stéphane RAISON est disponible en ligne :

    http://www.paralia.fr/jngcgc/10_27_raison.pdf

    anti

  2. anti Post author

    Justement, à propos de cet article, je viens de recevoir un mail de GoodPlanet :

    Les plus grands scientifiques vous parlent du réchauffement climatique.

    La fondation GoodPlanet, dans le cadre de son projet « 6 milliards d’Autres », vous offre un entretien privilégié avec les plus grands spécialistes du réchauffement climatique. Car malgré les récentes polémiques ce n’est plus une hypothèse, mais un fait. Le phénomène est global et touche des aspects variés de notre planète ou de notre quotidien. C’est pourquoi sa compréhension mobilise les experts des disciplines les plus diverses. Ils et elles ont écrit des articles techniques ou des rapports de milliers de pages; interrogés par notre équipe, ils s’adressent à vous et résument l’essentiel dans des interviews vidéo d’une ou deux minutes.

    Regardez les interviews de ces scientifiques en vidéo sur le site de GoodPlanet : http://www.goodplanet.org/scientifiques.html

    anti

  3. Anna Galore Post author

    Séisme de magnitude 6 dans l’est de la Turquie, 38 morts
    AP | 08.03.2010 | 07:37

    Un séisme de magnitude 6 a secoué l’est de la Turquie lundi, selon le centre de sismologie turc Kandilli, basé à Istanbul. Au moins 38 personnes ont péri.

    La secousse a touché la province orientale d’Elazig, située à 550km environ à l’est d’Ankara. Elle a été ressentie à 4h32 locale (2H32 GMT lundi), précise le centre de sismologie. Une réplique de magnitude 4,1 a suivi. Le séisme a été ressenti dans les provinces voisines de Tunceli, Bingol et Diyarbakir où les habitants paniqués sont sortis dans les rues.

    Bekir Yanilmaz, maire de Kovancilar, a précisé que 38 personnes avaient tuées dans trois villages de la province d’Elazig.

    Les séismes sont fréquents en Turquie, située sur la faille nord anatolienne. En 1999, deux puissants séismes avaient secoué le nord-ouest de la Turquie, faisant environ 18.000 morts. AP

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