Les Mapuches font plier l'industrie forrestière chilienne

machi%204%20-%20teaser.jpgUn article réjouissant a paru sur le site des Observateurs hier. Dans le sud du Chili, des entreprises forestières privées exploitent des plantations massives de pins et d’eucalyptus. Problème : il s’agit d’un territoire que les Mapuches utilisent depuis toujours pour aller cueillir leurs herbes médicinales. Un arrêt de la Cour suprême chilienne vient de confirmer leur droit à continuer à le faire sur les terres des exploitations forestières.

Ils doivent cette victoire à Francisca Linconao Huircapan, une Machi de 51 ans, qui a obtenu de la Cour suprême une reconnaissance officielle de la violation des droits ancestraux mapuches. Elle a fait plier l’industrie forestière en se voyant reconnaître le droit de pénétrer sur les terres de l’exploitation Palermo afin de procéder à la cueillette traditionnelle des « lawens », ces herbes médicinales qui sont menacées directement par les exploitations. En effet, les compagnies forestières remplacent les bois locaux par des arbres importés de l’extérieur pour augmenter leur rentabilité.

francisca.jpg« Il faut que cet arrêt serve d’exemple et que tous les Machis se soulèvent face aux entreprises forestières ! » a déclaré Francisca Linconao Huircapan. « Le droit est de notre côté, personne ne peut nous interdire de pénétrer sur nos terres ancestrales pour y faire de la cueillette. Ce sont les esprits qui ont mis les ‘lawens’ là où elles sont… Nos herbes traditionnelles n’appartiennent certainement pas aux compagnies forestières actuelles. »

gonzalo.jpgGonzalo Garcés, de l’association Nguallen Pelu Mapu (Protecteurs de la terre), a ajouté : « Les entreprises forestières chiliennes […] exploitent près de deux tiers des terres cultivables du pays. Leur politique de plantations massives a contribué à assécher les terres environnantes, et la baisse généralisée de la production agricole a poussé de nombreux paysans à l’exode. Parmi ceux qui restent, plus de 30 % vivent sous le seuil de pauvreté ! Le problème est que le Chili n’a aucune loi visant à protéger les espaces naturels que les Mapuches considèrent comme sacrés. Pire encore, de nombreux indigènes s’insurgent contre des universités chiliennes et étrangères qui s’approprient leurs connaissances ancestrales des herbes. A leurs yeux, c’est tout simplement de la biopiraterie. »

L’article original se trouve ici : Les indigènes mapuches font plier l’industrie forestière chilienne
Les photos proviennent du même site.

15 Replies to “Les Mapuches font plier l'industrie forrestière chilienne”

  1. Kathy Dauthuille Post author

    Toujours le combat pour préserver la forêt, décidément tous les Indiens des pays d’ Amérique du sud sont dans cette lutte.
    Il leur faut beaucoup de courage.
    Je fais suivre l’ information.

  2. Grosnounours Post author

    « Pire encore, de nombreux indigènes s’insurgent contre des universités chiliennes et étrangères qui s’approprient leurs connaissances ancestrales des herbes. A leurs yeux, c’est tout simplement de la biopiraterie »

    On touche là à un autre problème, celui de la propriété intellectuelle, et des brevets ( de la brevetabilité de tout et n’importe quoi n’importe comment )

  3. anti Post author

    Très contente de lire que le droit de pénétrer sur ces terres leur soit accorder. Concernant ceci : « Pire encore, de nombreux indigènes s’insurgent contre des universités chiliennes et étrangères qui s’approprient leurs connaissances ancestrales des herbes. A leurs yeux, c’est tout simplement de la biopiraterie. » Je ne partage pas l’enthousiasme des commentaires, au contraire, je pense que la connaissance doit circuler et qui plus est, en ce qui concerne les bienfaits médicinaux des plantes. Il est grand temps de retrouver le savoir ancestrale et surtout, de le remettre à sa juste place.

    anti

  4. Anna Galore Post author

    Ce n’est pas ce que reproche Gonzalo Garcès, mais bien ce que souligne Grosnounours : diffuser la connaissance qui peut être utile à tous, oui, se l’approprier en la brevetant pour en tirer un profit injustifié, non. Injustifié puisque ce sont les Indiens, dans ce cas, qui seraient spoliés de leur savoir par ceux qui viendraient le leur voler pour le revendre.

    S’il est indispensable de breveter une molécule pour pouvoir la développer sous forme de médicament et donc en faire bénéficier à terme les personnes qui en auront besoin, il serait, ici, totalement malhonnête de le faire en ignorant les droits de ceux qui ont « découvert » les principes actifs à l’origine de futurs médicaments.

  5. anti Post author

    Ouaich, j’suis pas convaincue mais je veux bien l’être. Est-ce qu’on a payé quelque chose aux Egyptiens qui ont été les premiers à écrire sur les propriétés de l’écorce de Saule ?

    Ça me dépasse là.

    anti

  6. Anna Galore Post author

    Tu compares, à mon avis, des situations qui ne le sont pas. A l’époque, il n’y avait aucune organisation capable de diffuser un nouveau médicament à l’échelon de la planète et pas de notion de brevets non plus (l’un ne va pas sans l’autre). Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et piquer des idées à quelqu’un pour en faire son beurre, ce n’est peut-être pas la façon la plus normale de respecter ceux qui sont à l’origine de découvertes utiles.

    Pour clarifier ce que je veux dire : soit tout le monde profite gratuitement du savoir ancestral de tel ou tel peuple sur des principes actifs naturels (mais à chacun de se débrouiller pour s’en procurer), soit on en fait des médicaments largement distribués et dans ce cas, les droits doivent en partie revenir à ces peuples (pas seulement à ceux qui piquent l’idée pour l’industrialiser).

  7. anti Post author

    J’dois être fatiguée (en fait je le suis) mais, non, ça me semble tout à fait comparable à tout ce qui se passe dans le joli monde de la pharmacologie depuis les débuts de la médecine qui remonte quand même à… loin. On pourrait continuer sur l’exemple de l’aspirine d’où je suis partie pour voir que la traçabilité existe bel et bien et que les plantes étant utilisées depuis des millénaires, savoir qui de quoi en a trouvé le principe actif me semble tout aussi difficile à établir. Après, les autres -bip- d’exploitants, c’est autre chose.

    http://www.uicchampagne-ardenne.fr/Historique-de-la-decouverte-de-l

    anti

  8. Anna Galore Post author

    La question posée plus haut n’est pas qui a trouvé mais qui en profite.

    – Quand on ne sait pas qui a trouvé, la question ne se pose pas (savoir ancestral partagé par toute une peuplade ou plusieurs, pas de profit personnel recherché sur le dos des autres – c’est le cas de la feuille de saule et de bien d’autres).

    – Quand on sait qui a trouvé et que quelqu’un vient lui piquer délibérément son idée pour l’exploiter commercialement, la question se pose dans les termes qu’utilise Gonzalo Garcès : il s’agit de piraterie.

  9. anti Post author

    Sauf que là il est question d’une connaissances ancestrales des herbes en général, pas d’une découverte particulière. Et les tahitiens ? Ils ont été spoliés du fait de l’utilisation des plantes spécifiques à l’île utilisées par eux depuis des millénaires où c’est différent ? Ou c’est pareil mais on ne s’en émeut pas ? Non, franchement, je ne suis pas convaincue.

    anti

  10. Anna Galore Post author

    Je me rends compte en me relisant ce matin que moi aussi je devais commencer à fatiguer hier soir. Je vais prendre un nouvel exemple que m’a cité Anti ce matin : l’huile de karité.

    Tout le monde a le droit d’utiliser l’huile de karité et les Tahitiens qui en ont découvert les vertus ne sont victimes d’aucun biopiratage. Pourquoi ? Parce que personne n’a jamais breveté l’huile de karité pour se l’approprier de façon exclusive. Et maintenant que cette huile est publiquement connue, elle n’est plus brevetable. Donc personne n’a rien volé à personne.

    Imaginons maintenant qu’il y a un siècle (par exemple), un explorateur soit arrivé sur Tahiti, ait entendu parlé des vertus de ‘lhuile de karité que personne en dehors de Tahiti ne connaissait (ce n’est pas historiquement vrai, ce n’est qu’un exemple) et soit revenu en Europe ou ailleurs pour en déposer le brevet. Que se serait-il passé ? Plus personne n’aurait eu le droit d’utiliser cette huile sans payer des redevances au propriétaire du brevet. Y compris les Tahitiens. L’explorateur aurait donc bien commis un piratage, en s’appropriant les droits d’un produit naturel mais que personne ne connaissait hors de l’île avant qu’il en obtienne le brevet.

    Dans le cas des Indiens Mapuches, ils connaissent des herbes médicinales.

    – Si des gens venus d’ailleurs les cultivent, les récoltent et en font le négoce, aucun problème puisque les Indiens peuvent continuer à s’en servir comme avant et que le reste de la population de la planète y a aussi accès librement, pour son plus grand bien.

    – Si des gens venus d’ailleurs en ramènent quelques poignées, font identifier ses principes actifs par et rendent public le résultat de leurs recherches dans des revues scientifiques par exemple (sans les breveter auparavant), les mêmes principes actifs deviennent de facto non brevetables (puisqu’ils sont rendus publics) et tout le monde peut continuer à en bénéficier librement.

    – Si des gens venus d’ailleurs en ramènent quelques poignées, font identifier ses principes actifs et les brevettent avant d’en publier leurs résultats, là ça change tout. Quiconque voudra consommer de ces herbes devra auparavant payer des droits au propriétaire du brevet, y compris les Indiens eux-mêmes. Et ça, c’est du piratage.

  11. anti Post author

    Ok. Eh bien on n’est justement pas dans ce troisième cas puisque il s’agit de diffusion du savoir justement : « de nombreux indigènes s’insurgent contre des universités chiliennes et étrangères qui s’approprient leurs connaissances ».

    Dans des universités, pas d’appropriation de connaissance ni de brevet ou je ne sais quoi. Au contraire, si les universités diffusent l’info sur des plantes utilisées depuis des générations, de fait, elles protègent les indiens : c’est plus nouveau, c’est pas brevetable.

    anti

  12. Anna Galore Post author

    « Dans des universités, pas d’appropriation de connaissance ni de brevet  »

    Ben si, justement. Il parle d’universitaires qui brevettent leurs « découvertes » avant de les publier. Pas le 2e cas qui est devenu rare, mais le 3e qui est devenu la pratique la plus courante dans la plupart des pays du monde : on brevette d’abord, comme ça on pourra en revendre les droits à un industriel qui lui en fera un produit. L’essentiel du revenu des universitaires est, depuis déjà longtemps, les contrats qu’ils passent avec l’industrie en échange de droits qu’ils leur cèdent. Les dindons de la farce, ce sont les Indiens qui non seulement n’en voient pas la couleur mais en plus se retrouvent hors-la-loi s’ils continuent à consommer leurs herbes.

  13. anti Post author

    Alors je commence à comprendre où se situe notre point de divergence. Moi, je parle d’une phrase qu’il y a dans le texte qui est suffisamment peu explicite pour qu’on ne crie pas au loup sans avoir chercher plus d’info. Toi, tu parles avec tes connaissances professionnelles qui ne sont pas celles qui concernent ces indiens là précisément (le cas qui m’occupait) et le tout en fait bloque sur le mot « s’approprier ». Donc, pour en avoir le cœur net, je suis allée chercher et je lis ceci :

    « Les Indiens Mapuches du Chili assignent actuellement en justice Microsoft qui a soulevé la question de savoir si tout un chacun peut s’approprier leur dialecte.
    Cette problématique est née de la décision de la firme de Redmond le mois dernier de développer un pack pour Windows en Mapuzugun, la langue parlée par 400 000 mapuches présents principalement dans le sud du Chili.

    Au lancement de ce pack dans la ville de Los Sauces, au sud du pays andin, Microsoft a indiqué qu’il voulait aider les Mapuches à embrasser l’ère numérique et à  » ouvrir une fenêtre de manière à ce que le reste du monde puisse accéder aux richesses culturelles des indigènes « .

    Mais les leaders Mapuches ont accusé le géant des logiciels de violer leur héritage culturel et collectif en traduisant le système d’exploitation sans leur permission. Ils ont même envoyé une lettre à l’éditeur l’accusant de  » piratage intellectuel « .

    http://www.generation-nt.com/indiens-mapuches-chili-microsoft-langue-actualite-19408.html

    ainsi, je conclue de la même manière que pour la phrase de ce texte précis de la note : « je pense que la connaissance doit circuler ».

    On connait ici ma position sur le reste (dont il n’était pas question ici dans mon questionnement, voir Kokopelli http://www.annagaloreleblog.com/archive/2009/06/15/kokopelli-un-joueur-de-flute-enchantee-dans-le-reve-de-gaia.html entre autres et toutes les notes sur les minorités amérindiennes).

    anti

  14. Anna Galore Post author

    Oui, je crois que là, on se comprend bien.

    Pour l’histoire de Microsoft, les Mapuches ont eu une bien mauvaise idée de s’en plaindre.

    D’une part, une langue n’appartient à personne. Elle est, par essence même, publique et donc non brevetable et non sujette à droits.

    D’autre part, seuls ceux qui parlent déjà leur dialecte ont bénéficié de cette initiative de Microsoft, ce qui veut dire que rien n’a été pris à personne à qui ce n’était pas déjà. Selon moi, ils auraient donc dû, au contraire, se réjouir de cette reconnaissance de leur culture et de cette opportunité de la préserver y compris à l’ère du numérique et de la mondialisation.

  15. Grosnounours Post author

    Ach!

    Je suis contre la brevetabilité de ce que le bon sens voudrait imbrevetable ( dont une langue ), et une restriction temporelle à pas plus de 5 ans des brevets à compter de leur première date d’exploitation commerciale. Donc les Mapuches me mettent un peu mal à l’aise vis à vis de ça, même si on peut en même temps comprendre qu’ils ne veuillent pas voir leur civilisation phagocitée par une « modernité » qu’ils n’ont pas voulue.

    En tout cas, si M$ veut éviter les emm… du côté des Mapuches, ils peuvent éditer un pack Occitan, je suis sûr qu’il y aura des preneurs.

    Bonne soirée.

    Jean

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