Soirée TV

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Ce soir, à la TV, pas mal de choses à voir en rapport direct avec les sujets que nous traitons depuis quelques temps, à savoir les dérives entraînées par la cupidité des industriels de quelques horizons qu’ils soient, au mépris de la Vie, de celle des hommes comme de celle de la nature.

Tout d’abord, sur France 2 : The Constant Gardener à 20 h 35.

« The Constant Gardener » réveille les consciences, un article de Habibou Bangré , publié sur Afrik.com

Un film bouleversant sur des tests de médicaments mortels pratiqués au Kenya par une firme pharmaceutique

The Constant Gardener, le film de Fernando Meirelles inspiré du roman de John Le Carré, raconte l’histoire tirée de faits réels d’une firme pharmaceutique qui a testé sur des Kenyans un médicament contre la tuberculose. Un médicament qu’elle savait mortel, parce que pas encore au point. Une tragédie que le réalisateur brésilien retranscrit parfaitement dans un film qui révolte, attriste, écoeure, mais qu’il faut absolument voir.

Effroyable, mais vrai. The Constant Gardener est actuellement à l’affiche dans les salles obscures françaises. Au départ, « La Constance du Jardinier », était un livre : celui de John Le Carré, publié en 2001. L’écrivain voulait dénoncer les activités criminelles d’une société pharmaceutique qui, au Kenya, testait un médicament contre la tuberculose sur des gens pauvres. Rien de mal a priori, si ce n’est que, pour éviter trop de dépenses, les tests ont été effectués alors que la molécule n’était pas au point. Et des gens sont morts. C’est ce drame qu’a adapté avec brio Fernando Meirelles, qui a tourné au Kenya, pays où le livre a été interdit apparemment par crainte de débordements.

Le casting d’abord : Rachel Weisz campe sublimement Tessa Quayle, la charmante fouineuse qui va découvrir ce que cachent les médicaments offerts par un laboratoire. L’actrice alterne à la perfection la pétillance lorsqu’elle se retrouve au sein de la population kenyane et la gravité au fur et à mesure que son enquête avance. Une enquête diplomatiquement dérangeante qui inquiète le haut-commissariat britannique, au courant des tests, qui mettra un contrat sur sa tête. Tessa sera retrouvée morte. Justin, son mari féru de jardinage dont le rôle est admirablement incarné par Ralph Fiennes, fera tout pour comprendre pourquoi sa femme a été tuée. Il remuera ciel et terre pour découvrir l’inhumaine vérité. Ralph Fiennes, qui s’était notamment distingué dans Le Patient Anglais d’Anthony Minghella, transmet avec talent le remord qui le ronge de ne pas avoir compris son épouse et de n’avoir pas su lire entre les lignes. Mais se reprendra avec détermination et courage afin de faire éclater la vérité au grand jour.

« Ces gens seraient morts de toute façon »

Le réalisateur brésilien Fernando Meirelles avait tout pour faire un bon film : une histoire poignante, des acteurs convaincants et une bande son qui n’a rien à envier à la beauté du reste. Restait à œuvrer pour captiver le spectateur et mettre en place une intrigue dynamique sans court-circuiter la force du message. L’auteur de l’excellent Cité de Dieu a réussi, en misant sur les flash-back, à tenir le spectateur en haleine et à laisser monter la révolte, la tristesse et l’écœurement. Surtout lorsque Sandy, un « ami » de Justin Quayle, explique que ces meurtres n’ont pas d’importance puisque, vu « le taux de mortalité », ces gens seraient morts de toute façon…

Encore plus révoltant quand on sait que cette histoire est vraie et qu’elle n’est sans doute pas la seule du genre. On en entend peu parler, mais les cobayes africains existent. Pas qu’Africains d’ailleurs. Les plus pauvres font les frais des pratiques criminelles de firmes qui veulent se faire de l’argent en mettant en danger la vie de ceux qui n’ont pas grand-chose. The Constant Gardener est donc un film excellent pour montrer jusqu’où ceux qui sont sensés sauver des vies sont prêts à aller parce qu’ils estiment que toutes les vies n’ont pas le même prix.

20833914.jpg Ensuite, France 3 prend le relai avec le documentaire « Ces fromages qu’on assassine ».

Un article de Olivier Bonnet

En diffusant le 26 décembre dernier Ces fromages qu’on assassine !, France 3 peut sembler avoir défié l’un de ses gros annonceurs, le géant Lactalis (numéro deux mondial de l’industrie laitière, 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires prévu en 2007), malmené par ce documentaire.

Est dénoncée en effet la stratégie des grands groupes agro-alimentaires qui uniformisent en l’aseptisant le goût des fromages, par une fabrication industrielle bannissant de plus en plus le lait cru, sous de fallacieux prétextes sanitaires. Ce que le programme présenté expose sans langue de bois : « Il s’agit en effet d’une véritable mise à mort. D’un côté, les firmes mondialisées qui, sous de fausses raisons sanitaires, veulent tuer les fromages au lait cru au profit des fromages standardisés, microfiltrés, pasteurisés, aromatisés… De l’autre, les petits producteurs de fromages authentiques. Ils représentent moins de 10% du marché. Un combat difficile : plus de 50 fromages français ont disparu ces dix dernières années », écrit en effet le site de France 3 dans sa page de présentation du documentaire.

Sans langue de bois, mais en consentant tout de même à biper le nom de Lactalis, ce qui est déjà inacceptable : au nom de quoi le téléspectateur ne peut-il pas savoir que c’est de ce groupe que l’on parle ? Cette concession n’a pourtant pas suffi à apaiser la fureur de l’industriel. Il faut convenir que, même sans que son nom ne soit audible, le propriétaire des marques Président, Bridel, Lepetit, Lanquetot, Société, Galbani (leader italien de la mozzarella), Chaussée aux Moines, Salakis, Rouy, Le Roitelet ou Lou Perac est aisément reconnaissable.

Ses dirigeants ne s’y sont donc pas trompés. « Vous allez entendre parler de moi ! », s’est ainsi emporté le chargé de communication de Lactalis à la sortie de la projection de presse, comme le rapportait ce matin Benoît Collombat, grand reporter à France Inter, dans le journal de 8h.

20837493.jpg Un pas en avant, un pas en arrière…

« J’étais très en colère alors j’ai tenu des propos un peu excessifs, reconnaît ce dernier. J’ai dit : « Il y en a marre, il n’y a pas de raison de payer des gens qui nous crachent à la figure. » Mais il ajoute s’être « calmé le lendemain » et nie avoir exercé de pression sur la chaîne.

Tant mieux : on imagine l’intérêt économique mis en jeu par l’éventuelle perte des recettes publicitaires provenant d’un si gros annonceur ! Lactalis n’a donc pas fait pression, puisque son dir’com l’affirme (sic). Mais pourquoi alors France 3 a-t-elle cru bon de déprogrammer une émission prévue pour le 15 décembre, On peut toujours s’entendre , avec comme thème du jour La guerre du camembert ?

C’est Le Point qui l’écrit : « Au cours de ce programme devait être évoquée la menace que le lait « thermisé » fait peser sur le lait cru. Échaudé par la prochaine diffusion d’un documentaire intitulé Ces fromages qu’on assassine ! prévu en prime time le 26 décembre, Lactalis, premier groupe fromager européen, avait déjà menacé France 3 de suspendre ses achats d’espaces publicitaires. En annulant la diffusion de l’émission du 15 décembre, la chaîne a donc jugé opportun de ne pas jeter de lait sur le feu. » Précisons que la diffusion du documentaire ne pouvait plus être annulée, elle, la projection de presse ayant rassemblé plus de 200 personnes !

Coup de théâtre pourtant le 15 décembre : La guerre du camembert est bien programmée sur France 3. L’information du Point était-elle donc erronée ? Pas du tout, répond Aurélie Windels, qui a mené l’enquête pour Arrêt sur Images : « L’info était exacte quand elle est parue, comme le confirme à @si (Arrêt sur Images, Ndr) une source proche du dossier: « bien sûr que l’émission a été déprogrammée ! Mais c’est France 3 et sa régie publicitaire, qui ont paniqué et ont pris cette décision seuls. Quand Patrice Duhamel (directeur général de France Télévisions, Ndr) a été mis au courant, il a immédiatement exigé qu’elle soit reprogrammée. Il craignait davantage la polémique, que la pression de Lactalis. »

Allons bon. Reste que l’essentiel est que l’émission ait bien été diffusée, qui dévoilait le fait que Lactalis intrigue discrètement pour supprimer l’exigence de la fabrication au lait cru pour l’obtention de l’Apellation d’origine contrôlée. Et un deuxième coup fut donc porté à Lactalis le 26 décembre par Ces fromages qu’on assassine ! Sauf que Périco Légasse, le journaliste gastronomique de Marianne qui fait office de guide tout au long du documentaire, s’insurgeait ce matin sur France Inter que des coupes avaient été opérées dans le programme, sans qu’il en ait été prévenu !

20839230.jpg…c’est le tango de France 3 !

« Toutes les allusions à la dangerosité potentielle du fromage au lait pasteurisé ont été coupées, proteste ainsi Périco Légasse, à droite sur la photo ci-contre. Une des phrases du film qui a été coupée, du fromager Alain Dubois, cet homme disait bien : « dans 66% des cas, ce sont des fromages au lait pasteurisé qui ont été inquiétés par des problèmes de listériose et pas des fromages au lait cru ! »

Ça gêne Lactalis, parce que Lactalis, pour produire du fromage industriel, a été obligé de jeter l’anathème sur le lait cru, en inventant la dangerosité du lait cru, de façon à pouvoir faire du lait thermisé, c’est-à-dire chauffé presque à 70°, ou du lait pasteurisé. On jette l’opprobre sur le lait cru et on explique que le lait pasteurisé est le seul qui est bon, pour la simple raison que la grande distribution veut des fromages qui tiennent longtemps sur le rayon réfrigéré.  » Un fromage au lait cru tient en effet 10 jours, au lieu d’un mois pour un pasteurisé.

Contactée au sujet de ces coupes sauvages par Benoît Collombat pour France Inter, l’unité documentaire de France 3 « se réfugie derrière les recommandations de son service juridique, qui souhaitait à tout prix éviter un référé ». Dans la mesure où les phrases supprimées n’étaient pas diffamatoires, la raison avancée est évidemment fausse. Conclusion perfide de Collombat : « Lactalis pèse 25 millions d’euros annuels en publicité pour le groupe France Télévisions ».

Ajoutons que, d’après Miscellanees.net – blog prolixe pub, marketing & conso, high tech, innovations, outre cette histoire de lait cru, « Lactalis n’aurait pas supporté que le doc montre comment deux personnes … et des robots se chargent du « moulage à la louche » de 250 000 camemberts par jour ». Que peut le consommateur face à de tels agissements ? Le boycott bien sûr ! Et concernant enfin France 3, notons que si la chaîne aime les fromages, elle les préfère… à la coupe !

anti

5 Replies to “Soirée TV”

  1. monilet

    Regardé le début de The …Gardener et, comme je voulais me coucher tôt, j’ai enregistré la fin. Je ne bosse que cet aprem alors je fil(e) de ce pas ( 😉 ) regarder la fin.

  2. Catherine

    Soit les populations pauvres du monde servent de cobayes, soit, pour des raisons économiques, elles ne peuvent être protègées et soignées du paludisme !!!

    Encore et toujours une question d’argent… Et la vie humaine, dans tout ça ?

    Bien vu, encore une fois, de relayer ces infos ici ! Prendre conscience, c’est déjà un premier pas… Mais… Et après ? Comment agir ?

    Ceci dit, en vous lisant, j’ai déjà modifié (un peu) ma manière de consommer ! C’est pas grand chose mais un pas + un pas +…..

    Bravo les filles ! Continuez !!!!

  3. Anna Galore

    Film terrifiant, en effet. Une fiction (il est utile de le rappeler) mais qui s’inspire de pratiques vraisemblablement réelles, à dénoncer sans aucun doute.

    C’était la deuxième fois que je le voyais hier et il n’a rien perdu de sa puissance.

    Quant à ce que tu dis, Catherine, sur la modification de nos façons de consommer, BRAVO !!! Nous, c’est pareil, on est encore loin d’être au mieux, mais on progresse pas après pas et c’est déjà très bien.

  4. anti

    Catherine, je suis très touchée par ce que tu écris, qui montre qu’on peut agir et aider à agir en communiquant ! C’est une des questions dont Anna et moi parlions il n’y a pas très longtemps « Pourquoi tu, je , nous, ils n’agissent pas ? » à laquelle Anna répondait parce que « On ne sait pas, on ne croit pas que ça va marcher, être utile, on ne se rend pas compte, etc. » d’où le IL FAUT COMMUNIQUER le plus possible.

    Bien souvent, les journalistes de Marianne sont excellents et pour cause ! c’est, à l’heure d’aujourd’hui, le seul hebdomadaire non financé (ou très peu) par la pub, donc, le seul indépendant.

    anti, Mariannophile.

  5. Catherine

    Marianne, je connaissais le site. J’ai découvert le journal… J’envisage l’abonnement ! Et puis, Marianne… Tout un symbole !!! 🙂

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