Un après-midi à Arles

Notre chère amie Terrevive a déménagé à Arles, où nous l’avons retrouvée hier vers 13 h. Ce qui soulève la question : doit-on dire en Arles ou à Arles ? D’aucuns vous diront qu’il s’agit d’éviter l’hiatus (et non le hiatus, h non aspiré donc « L » apostrophe, comme pour hôpital), c’est-à-dire deux fois la même voyelle « a-a » à la suite.

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Hé bien, ce n’est pas si simple. En effet, si on dit parfois en Avignon au lieu de à Avignon, on dit toujours à Annecy, à Apt ou à Annemasse. Et, hors de France, à Abidjan, à Almeria ou à Astrakhan. Donc, l’hiatus n’y est pour rien. L’origine de ce « en » remonte au Moyen-âge.

Autrefois, Avignon était un comté autonome et Arles un royaume, autrement dit pas juste des villes, mais ce qu’on appellerait aujourd’hui un Etat ou au minimum une région  : on allait en Avignon comme on allait en Savoie, en Alsace, en Espagne, en Afrique ou en Papouasie (il y a aussi des exceptions au « en » pour les pays : on dit à Cuba, au Canada, au Portugal, à Tahiti, au Japon… rien n’est simple).

De nos jours, Arles et Avignon sont de simples communes comme les autres et il faut dire à Avignon, à Arles, tout comme on dit à Argenteuil. Continuer à dire en Avignon ou en Arles ne se justifie plus par rien, à part si vous parlez en vieux français. Chez certaines personnes, cela relève ni plus ni moins que d’une forme de pédantisme. Le problème, c’est que beaucoup d’autres pensent en toute bonne foi, par contagion, qu’il s’agit là de la forme correcte, voire même que le « à Avignon » serait une faute. Justement, hier soir à la télé, il y avait un film qui s’intitulait « Meurtres à Avignon » – de façon parfaitement correcte depuis qu’Avignon n’est plus un comté (ce qui fait quelques siècles, tout de même).

C’est un peu comme les gens qui accordent « après-midi » au féminin : phonétiquement, rien ne distingue « bon après-midi » de « bonne après-midi ». Pourtant, midi étant masculin, il n’y a aucune raison qu’après-midi ne le soit pas. Mais voilà, l’erreur est devenue tellement répandue que la forme féminine a fini par être acceptée (tolérée serait plus exact).

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Quoi qu’il en soit, Terrevive nous a concocté un délicieux repas et nous avons beaucoup ri lors de cet après-midi à Arles autour de certains mots de notre belle langue, si complexe mais si riche.

Très belle journée à vous

7 Replies to “Un après-midi à Arles”

  1. LAPIN

    D’accord avec tout, et bravo, c’est rare pour les deux cas de rencontrer un connaisseur! Signé : une correctrice.
    Ah, « voire même » est considéré comme pléonastique, « voire » signifiant « et même », mais est toléré (je crois).
    PS et très bien pour « quoi qu’il en soit » aussi!

  2. Anna Galore Post author

    Chère Luce, quel plaisir de voir le bout de ton nez de lapin dans ces colonnes !
    Pour le pléonasme, tu as absolument raison, « voire même » est l’un de mes tics d’écriture peu glorieux…
    Je viens de vérifier pour « après-midi » dans mon dictionnaire favori, le TLFI : la forme féminine était en effet déjà admise au 17e siècle. Mais peut-être était-ce déjà par paresse euphonique !

  3. Anti

    Merci d’avoir écrit la note que je voulais faire depuis des lustres ! Que ça m’agace d’entendre ça de plus en plus ! Voilà qui remet les choses à leur juste place.

    Concernant « voire », une anecdote. Etudiante, j’avais fait relire mon mémoire à une amie prof de philo. Elle m’avait corrigé le « voire », sans « e ». Il a fallu que je lui explique que, ben non, c’était bon. Elle m’a dit qu’elle n’avait jamais fait attention, et que jusqu’alors, elle considérait que c’était une faute… Aïe ! Aïe ! Aïe !

  4. Terrevive

    Toujours pas Internet, mais je suis dans un petit café avec mon mini-ordinateur qui galère.
    Sinon, il fait un vent de fou à Arles.

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