Que disent les partisans de la corrida des événements de Rodilhan ?

jp richier 3.jpgUn article de Jean-Paul Richier, psychiatre dont vous pouvez retrouver une intervention lors du colloque « Les députés et les vétérinaires pour l’abolition de la corrida » et reproduit ici avec son autorisation explicite de le diffuser le plus largement possible.

Le déchaînement de violence qu’ont subi les opposants à la corrida, à Rodilhan le 8 octobre dernier, à l’occasion de la finale de Graines de Toreros, est à présent largement connu d’Internet comme des médias traditionnels, grâce aux images qui circulent.

On peut consulter images et témoignages sur les sites des organisations à l’origine de l’action :
http://www.anticorrida.com/rodilan-8-octobre-2011/du-pain-et-des-jeux-ecoles-de
http://animauxenperil.be/pages/news/rodilhan.html
http://www.droitsdesanimaux.net/actualites.php

Les pages Facebook fleurissent, par exemple :
http://www.facebook.com/pages/8-octobre-2011-à-Rodilhan/149262061836751
http://fr-fr.facebook.com/pages/Animaux-en-Péril-asbl/225318740853?sk=wall
http://www.facebook.com/events/279505275404355/
http://www.facebook.com/events/288510581177302/
http://www.facebook.com/events/260658220644608/

Et les partisans de la corrida, dans tout ça ?

Les professionnels de la corrida et les amateurs de ce spectacle ont une spécialité psychodynamique : l’inversion des rôles et le retournement des valeurs.

Ainsi, l’un des versets de leur catéchisme consiste à invoquer l’agressivité et la violence des opposants à la corrida. Leur sourate complémentaire consiste à se présenter, en revanche, comme les garants de la morale humaniste.

Ainsi, pour rire quand même un peu, le club taurin qui a participé à l’organisation de la finale de Graines de Toreros à Rodilhan s’appelle Toros y Caridad (Corrida et Charité), et organise à l’occasion des « corridas de bienfaisance« , exonérées de TVA, au profit des ch’tits nenfants malades, et toc !

C’est un « Club Taurin Paul Ricard » (CTPR), à votre santé.

Bon.

Qu’est ce qu’elle en dit, au fait, l’Union des Clubs Taurins Paul Ricard ?

« Bonne organisation du CTPR Toros y Caridad, des Aréneros de Vergèze, du centre de tauromachie de Nîmes-Métropole, de la cavalerie Philippe Heyral et de la mairie de Rodilhan. »

Quoi d’autre ? Ben rien.

Et la commune de Rodilhan ?

« Il y avait beaucoup de monde sur les gradins des arènes de Rodilhan en ce samedi ensoleillé mais… »

Aha ? Mais… ?

« … mais un peu frisquet du mois d’octobre. »

D’accord, d’accord…

Et M’sieur André Viard, le caudillo de l’Observatoire National des Cultures Taurines (ONCT), et promoteur auto-proclamé de l’inscription de la corrida au patrimoine culturel français ?

Sur son site, dans un éditorial intitulé avec un humour irrésistible « Histoire belge » (puisqu’une partie des protestataires venaient de Belgique) :
« Que croyaient-ils ? Que les aficionados allaient se convertir à leur animalisme chronique et les inviter à boire le thé ? » (éditorial consultable également ici, l’accès de la page originale étant apparemment problématique actuellement).

Sur le site de l’auguste ONCT, il se fait plus solennel :
« Il est souhaitable que les organisateurs portent plainte […] face au visage haineux de l’intolérance et de l’obscurantisme. »

J’allais le dire.

Sous la plume de Pierre Vidal, un compadre de Monsieur Viard, on peut lire : « Rodilhan a su nettoyer le ruedo des quelques belges excités par leur gourou, un certain Montegnies. Une vingtaine de fous furieux haineux et sous influence ont été reconduits vite et bien »
Ou encore, sur le site du Club taurin de Mimizan, dont Pierre Vidal est le président : « Chez moi, j’ai toujours entendu dire qu’il ne fallait jamais chercher la rogne pour ensuite se gratter ! »

Jacques Sévenier, autre adorateur du gourou de l’ONCT, nous explique tout : « Si quelques aficionados se sont laissé emporter on peut aussi le comprendre. A force de prendre une claque sur une joue il arrive un moment où au lieu de tendre l’autre joue, tu files un gnon…»

Paul Hermé n’est pas en reste : « Les dégager en force restait la seule solution, sinon on y serait encore…»

Ah, ben le sénateur-maire Jean-Paul Fournier a eu bien raison de laisser faire, alors !

Ou encore : « Tiens, selon leurs principes, j’ai bien envie de m’inviter chez eux […] Ne vous étonnez pas trop tout de même si un jour je suis couvert de bleus !!! »

Toutes les références précédentes étaient de M. André Viard, de ses copains, de ses affidés, ou au moins de ses relais.

Mais des dissidents du Viardistan, pour le coup, se retrouvent main dans la main avec leur frère ennemi. Tel Xavier Klein qui y va de sa tirade : « Accepterait-on que […] quiconque se permette, comme c’est le cas, d’agresser impunément, au motif que ceci ou cela déplaît et ne correspond pas à ses convictions ? Le laisser-faire, cette impunité favorisent la violence et la barbarie et portent petit à petit vers des affrontements incontrôlables [… ] Combien de profanations de monuments et de mémoires, combien d’enchaînements, combien d’avanies et d’insultes ignobles faudra t-il supporter avant que l’on daigne enfin réagir? »

Tout ce beau monde invoque la bouche en cœur, le droit, la légalité, et s’indigne à qui mieux mieux du trouble à l’ordre public, de la perturbation sans autorisation d’un spectacle autorisé.

Certes, cette action ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une stricte licéité. Mais elle était totalement pacifique, et ne portait atteinte ni aux bien ni aux personnes.

C’est oublier que ce type d’action s’inscrit dans l’histoire des protestations citoyennes.

De la même manière, lors du mouvement des Droits Civiques dans l’Amérique des années 1950-1960, les Afro-Américains se sont pacifiquement approchés de lieux qu’on voulait leur interdire, ou se sont pacifiquement assis à des places interdites, comme au comptoir des snack-bars. D’ailleurs là aussi, des braves Blancs n’ont pas pu se retenir de répondre aux provocations de ces excités en leur administrant de courageuses corrections. Certains extraits vidéos évoquent curieusement les événements de Rodilhan, par exemple en 1957 à Little Rock, Arkansas. Ou encore dans la séquence de 8’56 » à 9’19 » de ce documentaire, en 1960 à Nashville, Tennessee.

De la même manière aussi, pour en rester à notre époque et en France, des mouvements pour le droit au logement organisent des actions pacifiques qui sortent du strict contexte de la légalité.

Je prends ici les devants pour répondre au chœur des vierges (« Ah, vous voyez, ces fanatiques extrémistes mettent sur le même plan les hommes et les animaux ! ») qu’il ne s’agit aucunement de superposer les mouvements de défense des droits de l’homme et les mouvements de défense des animaux, mais d’évoquer certaines analogies dans l’action.

Mais SURTOUT, c’est oublier que la corrida s’est imposée dans le sud de la France en désobéissant à la loi, en refusant d’appliquer les circulaires ministérielles, en méprisant les arrêts de la Cour de cassation, en s’opposant à la maréchaussée et même à l’armée. Durant un siècle, de la moitié du XIXème siècle à la moitié du XXème siècle, les taurins ont exercé leur activité hors la loi. Ceci dans une posture de défi des pouvoirs locaux à l’encontre du pouvoir central. Jusqu’à ce qu’une drôle de loi, en 1951, vienne entériner cette pratique illégale là où elle existait.

Et ce sont les taurins, à présent, qui viendraient donner des leçons de civisme ??

Je conclurai donc cet article par la phrase qui le commençait :

Les professionnels de la corrida et les amateurs de ce spectacle ont une spécialité psychodynamique : l’inversion des rôles et le retournement des valeurs.

Jean-Paul Richier
Psychiatre
Centre hospitalier Paul Guiraud, Villejuif

Article publié initialement sur Le Post
A lire également : tous les autres articles de Jean-Paul Richier sur Le Post

One Reply to “Que disent les partisans de la corrida des événements de Rodilhan ?”

  1. anti Post author

    Un article parfait ! Le Dr Jean-Paul Richier s’exprime parfaitement bien. Déjà à l’époque, j’avais beaucoup apprécié son intervention lors du colloque « Les députés et les vétérinaires pour l’abolition de la corrida », du coup, il fait partie des auteurs que je suis avec intérêt sur Le Post.

    Excellente idée de faire circuler Anna 😉

    anti

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