La frontière de Wagah

Étymologiquement, le mot Frontière signifie « front d’une armée », on ne saurait si bien dire dans ce qui nous occupe, à savoir l’affrontement bien particulier qui a lieu quotidiennement entre les armées indienne et pakistanaise.

Le village de Wagah est l’unique point de passage terrestre entre l’Inde et le Pakistan. Il se situe à mi-chemin entre Amritsar (dans le Penjab indien) et Lahore (capitale du Penjab pakistanais), villes distantes d’environs 60 km l’une de l’autre.

Wagah qui est situé sur la ligne de démarcation mise en place par Cyril Radcliffe lors de la Partition de 1947, s’est retrouvé coupé en deux avec la partie orientale en Inde et occidentale au Pakistan.

Chaque soir une cérémonie est organisée qui met en présence les soldats des deux pays. Ensuite chaque armée procède, de son côté, à la descente de son drapeau et à son très méticuleux pliage, ce qui nous donne ceci :

L’ambiance est festive chaque soir à Wagah, le seul poste frontière entre l’Inde et le Pakistan que l’on peut franchir par la route. À l’issue d’une démonstration martiale, soldats indiens et pakistanais ramènent leur drapeau respectif sous les cris et les chants patriotiques d’un public venu de toute l’Inde pour acclamer ses soldats. Reportage dans ce village du Nord du Pendjab. Un article de Aujourd’hui l’Inde.

Frontière indo-pakistanaise à 35 km à l’ouest d’Amritsar, un lundi soir de septembre. Le petit poste frontière de Wagah tremble sous les rugissements d’une foule déchaînée. « Hindustan zindabad ! Hindustan zindabad ! Vande Matram ! » (« Vive l’Inde ! Vive l’Inde ! Bonne patrie ! ») Non, rassurez vous, il ne s’agit pas d’un énième contentieux frontalier, encore moins de nouvelles émeutes anti-musulmanes mais de la cérémonie du baisser de drapeau.

En 1947, lors de la Partition, le village de Wagah a été coupé en deux. Depuis, soldats indiens et pakistanais se retrouvent chaque soir devant leurs supporters respectifs pour cette cérémonie. Torse bombé, sourcils froncés et poings serrés, les soldats exécutent une parade intimidante rythmée par les ordres secs des officiers. Pendant près de 40 minutes, ils défilent en grande tenue à grands coups de bottes et de gardes à vous.

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Dans les tribunes, l’heure est à la fête. Les touristes, indiens et étrangers, se pressent dans le vaste amphithéâtre qui fait face aux barrières. Femmes d’un côté et hommes de l’autre, chacun s’égosille au mieux pour ses soldats. Drapeaux, animateur qui s’épuise dans un micro saturé, slogans nationalistes, rien ne manque. C’est une vraie atmosphère de stade de foot !

La situation prend un tour cocasse quand les spectateurs se ruent en grappes dans l’allée pour gesticuler sur de la musique de films de Bollywood. Se défiant du torse, les jeunes hommes déchaînés conspuent copieusement le camp adverse. Avec des gradins presque vides, le voisin pakistanais a du mal à résister. Entre deux hurlements, Parmod Sengupt, très fair play, explique : « C’est normal, ils sont en plein Ramadan ». Pour Sanjeev Kadir, un soldat de la Border Security Force, « il y a un déclin important du nombre de visiteurs pakistanais. La situation politique interne n’y est pas étrangère ».

Du côté indien, la cérémonie quotidienne attire des touristes de tout le pays. Dans une des nombreuses camionnettes qui assure le transport depuis Amritsar, s’entassent des gens venus de New Delhi, Bangalore ou du Bihar. Samir Kumar, 27 ans, étudiant de Calcutta a les yeux rivés sur les soldats. « Je suis venu pour des examens à Amritsar et c’était impensable de ne pas passer ici. Tout indien connaît l’existence de cette cérémonie et c’est normal de venir soutenir nos soldats ». Ce patriotisme festif fait bon ménage avec les affaires. L’entrée de la zone est envahie par les petits vendeurs à la sauvette : DVDs de la cérémonie, CDs de chants patriotiques, chips et même bières, tout est bon pour les touristes !

À 18h30, une brève poignée de main entre officiers des deux camps clôture la parade. Une nouvelle fois, la cérémonie aura joué son rôle de catharsis dans les relations tendues qui opposent l’Inde et le Pakistan. Mais dans le contexte actuel, son efficacité semble bien illusoire. À moins de trois kilomètres au Sud, dans le petit village d’Attari, les souvenirs des émeutes qui ont opposé sikhs et hindous aux musulmans lors de la Partition de 1947, sont encore bien vivaces.

A consulter aussi, le témoignage d’Ariane et Fred.

Merci à Ramses de m’avoir fait part de cette vidéo qui m’a donné envie d’en savoir plus !

anti

10 Replies to “La frontière de Wagah”

  1. Anna Galore

    Complètement hallucinant !!!

    Et ces regards perçants genre « attention je suis très méchant », avec la chorégraphie, très surprenante, je comprends qu’il y ait du monde pour assister à ce spectacle en se marrant.

  2. valentine

    La video est hallucinante certes, mais je ne sais pas quoi penser. Faut-il en rire ou en pleurer? Bravo Messieurs les Anglais! En tout cas j’ai constaté qu’en Inde la situation des musulmans était loin d’être enviable.

  3. anti

    « mais je ne sais pas quoi penser »

    Pour ma part, j’aime beaucoup cette parade qui exprime la tension, le combat et finalement la réconciliation entre les hommes.

    anti

  4. ramses

    Anti,

    Je vois que, comme d’habitude, tu as « creusé » la question… (pardon pour le décalage horaire !)

    Au fond, il n’en faudrait pas beaucoup pour que ces deux Pays redeviennent frères… Après qu’on leur ait confisqué leurs bombes atomiques… Sales gosses !

  5. anti

    Je viens d’ajouter dans le corps de la note le lien vers le témoignage d’eMmA qui rentre tout juste du Pakistan ! A lire et voir absolument !!!

  6. eMmA

    Merci Anna et Anti pour votre relais.

    La visite à Wagah Border parmi cette foule généreuse, enthousiaste et accueillante, fut en effet un grand moment, la première sortie durant notre séjour tout à fait mémorable au Pakistan.

    Outre le bonheur d’y voir notre fils heureux et extrêmement bien entouré sur place, nous avons eu la chance de découvrir un pays et des gens fort intéressants.

    C’est un voyage qui va nous marquer et nous nous félicitons d’avoir bravé toutes les barrières idéologiques et sécuritaires qui avaient été placées devant nous, visant à nous décourager de nous y rendre.

    Je vous dois à tous d’autres reportages et photos de nos différentes visites (les Jardins de Salimar, la Mosquée Badshahi, le Fort de Lahore, Sheikupura, etc.)
    Je le ferai petit à petit, car le temps me manque cruellement…

    Au fait, il y a quelques Replète la sorcière qui vivent à présent à Lahore…

    Bises d’eMmA

  7. anti

    « Je le ferai petit à petit, car le temps me manque cruellement… »

    Je compatis 😉 Quel que soit le moment que tu trouveras pour nous raconter tout cela, nous serons toujours ravies de te lire !

    « Au fait, il y a quelques Replète la sorcière qui vivent à présent à Lahore… »

    Si c’est pas du livre-lien ça ! J’en frétille de bonheur ! Vive Replète la sorcière de la p’tite fée eMmA 😉

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