Yolande et Séraphine

Hier après-midi, pendant que les enfants s’étaient dispersés dans leurs tanières pour jouer, nous avons profité du moment pour regarder le DVD de Séraphine, un film de Martin Provost avec Yolande Moreau. Il s’agit de l’un de nos cadeaux de Noël, offert par Sylvia qui avait remarqué un petit commentaire d’Anti à ce sujet sur le fil Gaëtan Roussel.

séraphine louis.jpgL’histoire vraie de Séraphine Louis

Tout est remarquable dans ce film. Il raconte l’histoire vraie d’une modeste femme de ménage au début du 20ème siècle à Senlis, qui travaille pour un collectionneur allemand et pas n’importe lequel. Wilhelm Uhde est, en effet, le premier acheteur d’œuvres de Picasso et le découvreur du douanier Rousseau. Un soir, il est invité chez des notables du coin et remarque un petit tableau peint sur bois qui le remplit d’admiration. A sa plus grande surprise, l’auteur en est sa femme de ménage, Séraphine. Il va l’encourager, la soutenir, la perdre de vue à cause de la guerre de 14-18, la retrouver en 1927 et l’exposer enfin.

Séraphine va se mettre alors à dilapider l’argent qu’elle commence à gagner jusqu’au jour où la grande exposition parisienne que lui a promis Uhde est remise à plus tard à cause de la crise de 1929 et du coup d’arrêt que cela provoque sur le marché de l’art en général. Séraphine ne supporte pas ce choc et sombre dans la folie. Elle finira sa vie dans un asile, en 1942.

Entre temps, ses œuvres seront exposées par Uhde en 1932 (Les primitifs modernes à Paris), en 1937-38 (Les maîtres populaires de la réalité, à Paris, Zürich et New-York), en 1942 (Les primitifs du XX° siècle à Paris) et en 1945, une exposition consacrée à Séraphine seule à Paris. Le musée Maillol à Paris, le musée d’art de Senlis, le musée d’art naïf de Nice et le musée d’art moderne Lille Métropole à Villeneuve-d’Ascq possèdent plusieurs de ses œuvres.

yolande 3.jpgSéraphine préparait elle-même ses pigments et ses couleurs, aussi bien quand elle était pauvre qu’ensuite. On sait seulement qu’elle utilisait pour base du Ripolin, acheté à la droguerie de son quartier. Cela est très bien évoqué dans le film, où on la voit récupérer du sang dans une boucherie, de la boue dans la rivière, de la cire fondue dans une église et des herbes ramassées au bord des chemins. Les couleurs de ses tableaux tiennent pourtant incroyablement bien des dizaines d’années plus tard. Un détail amusant : elle signait ses tableaux avant de commencer à les peindre.

Yolande Moreau extraordinaire

Le film est sorti en 2008. En 2009, il a été récompensé par sept Césars : meilleur film, meilleur scénario, meilleurs costumes, meilleure photographie, meilleure musique originale, meilleur décor et… meilleure actrice. Il y a des fois où on se demande pourquoi tel ou tel César est décerné à un film. Dans le cas de Séraphine, je crois qu’on peut dire qu’ils sont tous largement mérités.

Yolande Moreau est tout simplement extraordinaire dans ce rôle, totalement habitée par son personnage lui-même hors du commun. Les images sont superbes, très souvent composées comme des tableaux par elles-mêmes, qu’il s’agisse de scènes d’intérieur où les lumières sont tout simplement parfaites que de scènes d’extérieur. Les arbres, en particulier, deviennent des personnages à part entière tellement ils « parlent ». La sensibilité s’exprime d’ailleurs partout avec une justesse remarquable, de la première à la dernière image.

Un film magnifique, donc, à tous les points de vue.

Très belle journée à tous

Photos : la vraie Séraphine (Wikipedia) et Yolande Moreau (Télérama)

6 Replies to “Yolande et Séraphine”

  1. eMmA Post author

    Ce film a été un vrai choc pour moi.
    D’abord la découverte de ce peintre dont je n’avais jamais entendu parler, et ensuite la performance d’actrice de Yolande Moreau tout à fait exceptionnelle. Une véritable réincarnation de cette femme simple touchée par la grâce de l’art.
    Ce qui m’a paru particulièrement bien rendu, c’est cette sensualité un peu animale, cette folie qui s’apparente à la transe, que d’étaler de la couleur sur une toile, transformer du vivant en oeuvre d’art.
    J’ai aussi vibré au besoin (et nécessité) de l’artiste de s’enfermer, la nuit, dans son repaire solitaire pour faire jaillir la lumière de son oeuvre.
    La plupart des scènes sont de véritables toiles vivantes, empreintes de poésie et d’une grande sensibilité, surtout la dernière à jamais gravée dans ma rétine.

    Vous avez dû passer un bon moment, surtout si vous n’aviez pas encore visionné ce chef d’oeuvre.
    Je vous embrasse,
    eMmA

  2. anti Post author

    Difficile d’ajouter encore des mots et des émotions à la note d’Anna et à ton commentaire Emma.

    Non, nous le l’avions pas encore vu ce film, c’était une vraie découverte et je remercie encore Sylvia de nous l’avoir offert !

    « Ce qui m’a paru particulièrement bien rendu, c’est cette sensualité un peu animale, cette folie qui s’apparente à la transe, que d’étaler de la couleur sur une toile, transformer du vivant en œuvre d’art. »

    Exactement ! Ses toiles m’ont fait penser à celles de certains chamans en transe tout au long du film.

    « J’ai aussi vibré au besoin (et nécessité) de l’artiste de s’enfermer, la nuit, dans son repaire solitaire pour faire jaillir la lumière de son œuvre. »

    Pareil. Ce qui m’a frappé, c’est cette façon de peindre à la lueur de la bougie comme le faisaient nos ancêtres, au cœur de la Terre-Mère, quand ils peignaient dans les grottes. J’avais eu la chance de voir les peintures rupestres de Lascaux éclairées à la torche une fois et là ! Quel spectacle ! Tout semblait vivant !

    Yolande Moreau est merveilleuse dans ce film aussi. Elle a vraiment ce petit quelque chose, ce tout petit supplément d’âme, Cet indéfinissable charme, Cette petite flamme comme chantait France Gall.

    Pensées enfin pour une autre artiste (ils sont nombreux quand même !) à avoir sombré dans la folie : Camille Claudel.

    anti

  3. valentine Post author

    Cette note me réjouit ainsi que les commentaires. Rares sont les films qui dégagent une telle intensité. J’ai regretté d’avoir vu le film après qu’ait eu lieu l’exposition au Musée Maillol à Paris.

  4. Zaza Post author

    Oups pas les yeux en face des trous mouaaaaaaaaaaaaaaaa c’est pas ici que je voulais poster mdr

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