L’Agence, Alexandre Donders

Mafia_-_Alexandre_Donders.jpg Comme vous le savez, aujourd’hui les Galore partent en vacances. Pendant que nous séjournerons dans un endroit connu de nous seuls, nous vous avons préparé de quoi lire, quelques petites notes jusqu’à notre retour.

Pour ma part, je vous propose de rester en compagnie de Alexandre.

Alexandre Donders.

Il a une bonne tête non ? Alexandre est comédien à la TV, au ciné, et comédien Voix-off avec une voix à tomber par terre… Et, en plus, il écrit.

Si ! Si ! Et comme il est vraiment très gentil, il m’a autorisé à mettre en ligne sa pièce de théâtre « L’Agence », pièce qui m’avait vraiment fait rire quand je l’ai lue alors que je travaillais… dans une agence, justement 😉

Avec lui, vous allez passer un très bon moment, nous pouvons partir le cœur léger.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter…
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L’Agence

(Vous avez l’argent ? Nous avons les comédiens !)

***

Une pièce d’Alexandre DONDERS

BERNADETTE DELAUNAY : Fondatrice et directrice de l’Agence, c’est une belle femme d’une cinquantaine d’années, tailleur gris et chignon serré, à forte personnalité. Parfois dépassée par les évènements, elle tente malgré tout de préserver les intérêts de son agence.

JACQUES : Assistant de Mme Delaunay. Personnage ambigu, il a environ 40 ans. C’est un alcoolique désabusé, chauve qui plus est, qui fait surtout acte de présence. Sa tenue est à la limite du négligé.

PEGGY : Assistante de Mme Delaunay. Elle est très jeune, dans tous les sens du terme.

MICHEL STARLIGHT : Acteur d’une trentaine d’année, pourvu d’un ego démesuré.

ALAIN NAUDIN : Auteur dramatique. C’est un homme intelligent d’environ 45 ans.

DAVID : Petit ami de Peggy, c’est un jeune homme d’une vingtaine d’années. Il n’est pas très intelligent, ce qui lui permet de former un couple équilibré avec Peggy.

L’action se déroule dans une agence artistique, au petit matin. A gauche, la porte d’entrée, sur laquelle est fixé un miroir. Au fond, toujours à gauche, la porte des toilettes. A droite, au fond, une autre porte donnant sur un genre de kitchenette. Au centre, un néon allumé où l’on peut lire « L’Agence ». Une fenêtre. Trois bureaux, respectivement placés à gauche, au centre, et à droite. Des chaises leur font face. Les deux bureaux à cour et à jardin comportent chacun un ordinateur portable et un téléphone. Le bureau du milieu comporte un ordinateur portable, deux téléphones, des documents et quelques boîtes de Fingers. Au fond, un grand portrait de la fondatrice et directrice de l’agence, Bernadette Delaunay. Un guéridon supporte un fax. Un ou deux fauteuils. Un brigadier. Un porte-parapluies semble contenir des pancartes, à droite du bureau central.

Cette Agence est surmontée dans la partie supérieure du décor, par trois fenêtres qui semblent symboliser trois appartements distincts. Ces trois appartements sont plongés dans l’obscurité.

Sonnerie de réveil stridente et désagréable. Bruits de bouteilles vides qu’on balaye de la main pour trouver le réveil afin de l’éteindre. La fenêtre située à droite du décor s’éclaire. On aperçoit un homme d’une quarantaine d’années se redresser sur le bord de son lit et plonger ses mains dans son visage. Sur le mur du fond de l’appartement, on distingue un calendrier semblant figurer un rugbyman peu habillé. Sur une table, une assiette sale, une boite de conserves dans laquelle est encore plongée une cuiller. L’homme enfile un peignoir douteux et paraît se diriger vers la salle de bains. On ne le voit plus mais la lumière reste allumée.

On entend la musique d’une série pour enfants, Le Capitaine Flam. La fenêtre située à gauche du décor s’éclaire. C’est un petit appartement, assez bien tenu. On aperçoit un grand miroir. Une jeune fille en nuisette se lève. Elle fait son lit rapidement, avec des gestes très précis, comme dans un rituel. Puis, elle semble se diriger, elle aussi, vers la salle de bains, tout en laissant la lumière de la chambre allumée.

Musique classique. La fenêtre située au centre du décor s’éclaire sur un appartement bourgeois, meublé avec goût. Au moment même ou cet appartement s’éclaire, la scène s’éclaire également. On ne voit personne se lever, mais on aperçoit assez furtivement les passages devant la fenêtre de ce qui semble être une assez belle femme d’une cinquantaine d’années d’allure assez stricte. On la voit décrocher un téléphone portable et composer un numéro.

Au même moment, le téléphone sonne dans l’appartement à droite, ce qui fait revenir l’homme dans le champ de la fenêtre. Il est habillé.
Il approche son visage du téléphone, et semble ricaner comme un fou dangereux. La femme de la fenêtre du centre, compose un second numéro de téléphone, ce qui déclenche une sonnerie dans l’appartement situé à gauche. La jeune fille revient dans la pièce principale et se met à danser de dos, face à son miroir, un micro à la main. Elle ne prête absolument aucune attention à la sonnerie.

La femme d’une cinquantaine d’années compose alors un troisième numéro de téléphone, ce qui a pour effet de faire sonner son téléphone fixe. Elle le décroche et se retrouve avec un téléphone dans chaque main. Elle semble parler, mais on ne l’entend pas. Elle raccroche les deux téléphones en paraissant soulagée. Les trois personnages disparaissent respectivement de l’encadrement des fenêtres. Les trois lumières s’éteignent en même temps.

L’agence est toujours vide. Pénombre. Un des téléphones sonne.
Un répondeur s’enclenche : On reconnaîtra plus tard la voix de Madame Delaunay.

«Bonjour, vous êtes bien à L’Agence, avant le Bip c’est à nous, après le Bip, c’est à vous.» (Bip)

Une voix plutôt jolie de jeune femme laisse un message : «Oui, bonjour, je m’appelle Fanny Lecoeur, j’ai 24 ans, je suis comédienne, je n’ai pas d’argent, pardon d’agent, et j’aurais souhaité vous rencontrer à nouveau… Vous m’aviez reçue il y’a quelques mois, et j’avais adoré l’ambiance de votre agence… Entre temps, j’ai fait deux ou trois petites choses, dont un court-métrage… Voilà, que vous dire, sans abuser de votre temps, j’ai toujours une bonne nature et je suis toujours très déterminée à travailler dans le milieu du spectacle… Je me tiens à votre disposition… (On entend le bruit d’une feuille de papier qu’on retourne. ) … A votre disposition pour vous rencontrer…Vous pouvez me joindre à mon domicile, au 01 47 61 01 87, il y’a un répondeur mais je l’interroge sans arrêt… Ah oui, j’allais oublier ! Je connais bien le réalisateur de la prochaine série : « La Petite Studette dans la Cité » C’est un ami intime… Enfin… Une relation… Comment dire…. On s’est croisés… Voilà, merci beaucoup et j’espère à très vite, au revoir, et merci.»

On entend des pas dans l’escalier. La porte s’ouvre, Jacques entre. C’est le personnage qu’on a vu dans l’appartement de droite. Sa démarche est lente, on sent chez lui une profonde démotivation. On devine également qu’il a dû se coucher tard, et pas forcément à jeun. Il se dirige vers son bureau, et en passant s’aperçoit de la présence d’un message sur le répondeur de Mme Delaunay. Il appuie sur la touche «play», il s’agit du message que l’on vient d’entendre. A : «…J’ai 24ans et je suis comédienne… » Il efface le message, comme si de rien n’était, et va s’asseoir à son bureau. Le téléphone sonne, le répondeur s’enclenche, Jacques laisse sa main suspendue au-dessus du combiné et écoute.

«Bonjour, vous êtes bien à L’Agence, avant le Bip c’est à nous, après le Bip, c’est à vous.» (Bip)

Une voix de femme un peu ironique laisse un message : «Bonjour. Maître Lacasse, huissier de justice est passé hier, mais vous étiez déjà partie. Apparemment vous fermez tôt le jeudi soir. C’est bien, vous répétez pour la grande fermeture définitive. Ne vous relâchez pas, la première, c’est ce soir ! (Rire cynique.) Le commissaire de police et le serrurier, c’est nous, les déménageurs, c’est vous. Bonne journée.»

Jacques efface ce nouveau message et porte les mains à son visage quelques secondes, comme quelqu’un de très fatigué, puis se relève, et se dirige vers le miroir fixé sur la porte d’entrée.

JACQUES, se regarde, puis, de façon assez étrange, dit : Bienvenue en enfer…

à suivre…

anti

One Reply to “L’Agence, Alexandre Donders”

  1. ramses

    Je commence à adorer cette pièce ! Le visage de l’auteur est très beau, en effet. Je sens qu’on va bien s’amuser et qu’il va y avoir des qui-proquo !

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