Non au délit de solidarité

Des milliers de personnes ont défilé hier dans 80 villes de France pour protester contre ce que le Réseau Education Sans Frontières (RESF) et d’autres associations appellent un délit de solidarité. Ils ont voulu dénoncer le nombre croissant de gardes à vue de personnes venant en aide aux sans-papiers.

Nous avons déjà abordé ce sujet sur le blog il y a quelques semaines, lorsque nous avons relayé un article de Rue89 sur le harcèlement incessant dont est victime Marie-Noëlle Gues, une militante de Calais qui prend depuis cinq ans des photos des arrestations de sans-papiers.

Ci-dessous, un entretien mené par le JDD avec Pierre Cordelier, porte-parole du RESF.

241250051.jpgEric Besson a assuré mercredi que « tous ceux qui aident de bonne foi un étranger en situation irrégulière doivent savoir qu’ils ne risquent rien »…
Eric Besson ment. Les menaces, les pressions, les intimidations, les brutalités policières, les mises en garde à vue, les poursuites devant les tribunaux – pour outrage et rébellion, entrave à la circulation des aéronefs, aide au séjour irrégulier, violence avec arme par destination sur agent de la force publique – ne cessent d’augmenter à l’égard de celles et ceux qui expriment, par des manifestations toujours pacifiques, leur solidarité concrète envers les immigrés dits clandestins. La solidarité est criminalisée. Le délit de solidarité existe dans les faits. Eric Besson le sait, il ment sciemment. Son lapsus délinquant-migrant(*) est révélateur.

(*)Interrogé sur France Inter mercredi, Eric Besson a parlé des candidats à l’immigration comme de « délinquants » avant de se reprendre.

Eric Besson s’inscrit-il dans la politique menée par Brice Hortefeux?
Le même Besson dénonçait en 2006, dans un rapport interne au Parti socialiste, « les effets dévastateurs de la politique menée depuis 2003: arrestations massives dans certains quartiers, placements en rétention à répétition de personnes non reconductibles, y compris les enfants… ». Aujourd’hui, il dit ne pas avoir rédigé ce rapport. Mais il l’a signé, donc il en assume la responsabilité. Débauché depuis par un expert en traîtrise, traître lui-même, et sommé par le premier de faire aussi bien, sinon mieux que son prédécesseur Hortefeux au ministère de l’immigration et de l’Identité nationale, il ne peut que se vautrer dans l’indignité du rôle qui lui est assigné… et ne nous rassure en rien.

Nicolas Sarkozy a donné sa feuille de route à Eric Besson en matière d’immigration, qui prévoit notamment de limiter l’immigration de travail. Qu’en pensez-vous?
Depuis plus de trente ans, les conditions de vie et de séjour des étrangers sont de plus en plus difficiles. A chaque nouvelle loi – cinq depuis 2002 – à chaque nouveau texte, c’est le durcissement. Brice Hortefeux avait prévenu qu’il agirait dans son ministère « sans état d’âme », effectivement…

Vous parlez de « politique du chiffre »…
La liste est longue: honteuses rafles au faciès qui renvoient à des souvenirs non moins honteux, arrestations aux guichets des préfectures, centres de rétention remplis, appels à délation, enrôlement des agents des services publics (Inspection du travail, Assedic, Anpe, Sécurité sociale, travailleurs sociaux, Education nationale, La Poste…) dans le contrôle policier des étrangers, directive européenne – la circulaire de la honte – qui permet d’augmenter la durée de rétention à 18 mois, détention et éloignement des personnes vulnérables – femmes enceintes, personnes âgées, victimes de tortures – et des mineurs isolés, renvoi des étrangers dans un pays de transit…

C’est l’un des ‘slogans’ de RESF, « le chiffre tue »…
Aujourd’hui, en France, des gens vivent dans la peur. Des enfants ont peur que leur père ou leur mère ne rentre pas le soir à l’heure habituelle, après le travail. Certains se cachent. Des familles sont séparées, brisées. La peur et parfois… la mort. Quand on dit « le chiffre tue », ce n’est pas un slogan mais la réalité. Chulan Zhang Liu, 51 ans, se défenestre par peur de la police ; John Maïna, 19 ans, se pend après avoir reçu le refus ultime de sa demande d’asile ; Baba Traoré, 29 ans, se jette dans la Marne pour fuir un contrôle et meurt d’un arrêt cardiaque.

Comment qualifierez-vous la politique de Nicolas Sarkozy en matière d’immigration ?
Il faut donc qualifier cette politique, voulue par Sarkozy, mise en place par le gouvernement Fillon et menée hier salement par Hortefeux, aujourd’hui par Besson, lui aussi sans « état d’âme »: c’est de la xénophobie d’État. Une politique indigne qui, en stigmatisant l’étranger, incite au racisme et au communautarisme. La conception d’une telle politique, l’élaboration de tels plans, l’organisation et la décision de ces stratégies d’expulsion ont pour conséquences des actions moralement répugnantes et entraîne la responsabilité des dirigeants de ce pays… et aussi la nôtre, citoyens de ce pays puisque conduite en notre nom. Et nous ne l’acceptons pas.

Source : Propos recueillis par Marianne ENAULT, leJDD.fr
Illustration : Affiche du film Welcome, de Philippe Lioret, sorti le 11 mars. Un maître nageur de Calais mis en examen après avoir hébergé un exilé kurde. Le film se fait l’écho de ces personnes, vivant en France, prêtes à enfreindre la loi pour cacher des enfants dont les parents sont menacés de reconduite à la frontière ou pour aider des étrangers en situation irrégulière.

5 Replies to “Non au délit de solidarité”

  1. Bloo et sie Post author

    Il y a quelques jours je suis tombée par hasard sur « welcome europa » (si je ne me trompe de titre) un documentaire d’Arte plus qu’édifiant, au coeur même de la misère des sans papiers. Ames sensibles s’abstenir car voir ces jeunes hommes raconter leurs rêves piétinnés, le visage ruisselant de larmes… On en ressort pas indemne. Alors après ça, voir Besson pérorer sur une autre chaîne… Nausée.

  2. ramses Post author

    Le film « Welcome » dérange en haut lieu… C’est pour ça que Besson monte au créneau, en essayant de minimiser la portée de ses basses oeuvres. Mais la réalité est bien là. L’article L. 622-1 du CESEDA (Code d’entrée et de séjour des étrangers et droit d’asile), dit aussi « Sarkozy 2 », prévient les « délits » aux « aidants » d’étrangers en situation irrégulière. Jusqu’à la sortie de ce film, peu de personnes étaient au courant de ces pratiques et il faut malheureusement reconnaître qu’une majorité de Français est bien en phase avec ces mesures de rétorsion…

    Organiser l’immigration (comme le font les USA) est une chose; pourchasser les étrangers sur notre sol (qui souvent y résident depuis de nombreuses années, ont un travail, des enfants scolarisés et paient des impôts) en est une autre, qui nous rappelle les jours sombres de notre Histoire.

    Vous faites un sale boulot, M. Besson, et en plus vous n’assumez pas…

  3. anti Post author

    Ben, j’suis contente ! Tiens ! En plus de craindre pour parler de l’accident de l’autre là, maintenant, j’vais vivre dans la crainte parce que j’ai encore donné une offrande à pauvre monsieur qui faisait la manche, un clandestin qui sait ?

    Brrrr ! J’ai des relents de « Matin brun » qui me remontent !
    http://www.annagaloreleblog.com/archive/2008/09/17/matin-brun-franck-pavloff.html

    J’ai très envie d’aller voir ce film, « Welcome », très.

    anti

  4. Anna Galore Post author

    Pas mieux !

    Tiens ça me rappelle certains maires qui se sont mis à déclarer la mendicité et le vagabondage illégaux et qui font virer par la police les SDF hors des limites de leur ville pour qu’elle soit plus « propre ». En France, de nos jours.

    Et je ne parle pas d’élus d’extrême-droite ! Sauf erreur de ma part, c’est Michel Crépeau, homme de gauche – honte à lui – qui a initié cette « mode » dans sa bonne ville de La Rochelle dans les années 80 parce que les SDF « enquiquinaient » les vieilles dames.

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