“Ushuaïa nature” à la rencontre des Indiens Kogis

Amis des Indiens Kogis si, comme moi, vous êtes passé à côté, sachez que le 25 décembre dernier, Nicolas Hulot était chez nos amis de la Sierra et qu’il est possible de revoir en ligne son émission.

Pour compléter, voici un article de Dominique Godrèche pour Télérama.

Dans cet ultime numéro d’“Ushuaïa nature”, Nicolas Hulot part notamment à la rencontre des Indiens Kogis de Colombie. Son guide : Eric Julien, un Français qui se passionne pour ces indiens qui lui ont sauvé la vie il y a vingt-cinq ans.

© Eric Julien

Eric Julien a rencontré les Kogis de Colombie il y a vingt cinq ans, lorsqu’en pleine ascension de la Sierra Nevada de Santa Marta, à 5 000 mètres d’altitude, victime d’une embolie pulmonaire, il a été recueilli par la tribu des Kogis, qui lui ont sauvé la vie, le soignant avec leur médecine traditionnelle. Depuis, il n’a de cesse de les aider à récupérer leurs terres ancestrales, via sa fondation Tchendukua, menant de pair des initiatives de sensibilisation à la philosophie Kogi, au coeur d’institutions aussi improbables qu’Hec, ou à l’Apem, où il dirige des séminaires pour les dirigeants d’entreprise. Dans Ushuaïa nature, tourné en territoire Kogi, c’est en sa compagnie que Nicolas Hulot découvre l’univers mystérieux de ce peuple secret, oublié du temps. Eric Julien revient sur cette expérience.

S’agit-il du premier reportage réalisé chez les Kogis ? Comment s’est passé ce tournage ?
C’est le premier avec de tels moyens, comme le montrent les scènes tournées d’avion, mais j’en avais déjà réalisé deux auparavant. Le tournage, qui a duré quinze jours, s’est déroulé de façon discrète, et de qualité, les Kogis lui ayant accordé beaucoup d’importance : je leur avais expliqué que Nicolas Hulot se présentait à la présidentielle. Ils l’ont donc accueilli avec intérêt, et cette volonté de participation est perceptible dans le film. Ils ont apprécié l’acceptation de leur identité, par des images qui les mettent en valeur, ne les dépréciant à aucun moment. Et le résultat est intéressant !

Comment s’est produit votre première rencontre avec les Kogis ?
Ils m’ont découvert à 5 000 mètres d’altitude, victime d’une embolie pulmonaire, et m’ont ramené dans un village, en attendant qu’une voiture puisse m’emmener. Je suis resté neuf jours avec eux, pendant lesquels ils m’ont soigné, m’appliquant des cataplasmes, me faisant prendre des bains glacés… Ce qu’il fallait faire dans le cas d’une embolie pulmonaire : et m’ont sauvé la vie. J’ai été impressionné par leur humour, leur sérénité.

C’est ainsi, que suite à cette rencontre, vous avez décidé de vous consacrer au rachat de leurs terres ancestrales  ?
En effet ; nous rachetons des bandes de terre fertiles, que nous leur restituons, afin qu’ils puissent cultiver, et « réveiller », – se réapproprier –, des sites précolombiens dont ils ont la mémoire. Ils perpétuent ainsi leur culture du coton, et préservent leur identité culturelle. Nous récupérons des terres à partir des limites de leur réserve jusqu’à la mer.

Quels sont les dangers pour leur survie ?
Les para militaires, les narcos… Mais aussi le tourisme, avec un hôtel de luxe en construction, dans le parc Tayrona, à proximité de leur territoire ; et l’exploitation minière, les forages. Enfin, les Pentecôtistes, qui font des ravages, enlevant les enfants pour les placer dans des écoles religieuses ; ils sont plus virulents que jamais en ce moment . Si cela continue ainsi, – la déforestation, le forage, le tourisme, l’évangélisation, le pillage de tombes, la guérilla –… Ils auront du mal à tenir ! Et n’ont plus beaucoup de temps devant eux.

Ce numéro d’Ushaïa nature montre trois sociétés amérindiennes distinctes, les Kogis et Arhuacos de Colombie, et les Kayapos du Brésil avec leur chef Raoni : partagent-elles des luttes communes ?
Oui : ces sociétés vivent en lien avec leurs territoires, ont un discours similaire, partageant une même paix, une douceur de vivre, des valeurs…Visibles dans les trois sujets.

<p>© Eric Julien</p>

© Eric Julien

Vous dirigez des ateliers de management, basés sur votre expérience de vie chez les Kogis : que faites vous exactement ?
Je travaille comme consultant dans des clubs de dirigeants d’entrepris et j’enseigne à HEC : il s’agit de « détours culturels », où je propose aux managers de changer de regard et de pratiques, afin d’agir différemment, pour répondre aux problématiques actuelles de la crise, ou plutôt d’une nouvelle normalité, à laquelle ils vont devoir se confronter. Car certaines entreprises n’ont rien dans leur carnet de commande pour 2013, et ce n’est encore jamais arrivé ! Or les Kogis sont des managers : ils font des projets, ont des conflits, mais y répondent différemment. Et c’est dans ces réponses issues du vivant, qu’on peut piocher : la valeur du don, la coopération… Des pratiques à réinvestir d’urgence, auxquelles les entreprises réagissent positivement, car ce message les touche, comprenant que les difficultés viennent souvent de la rupture d’avec le vivant, du manque d’audace, de solutions concrètes. Une entreprises meurt, s’il n’y a plus d’espace de confiance, de partage, d’évolution : la dé-reliance crée de la souffrance, et peut même conduire jusqu’au suicide.

Les Kogis nous aident à trouver des solutions. L’obligation de réfléchir devient de plus en vitale, compte tenu de la situation économique qui se dégrade, des dégâts environnementaux et face au déficit de sens de nos dirigeants, qui devraient nous expliquer comment aborder ces questions. Or, nous élisons des gens qui ne nous parlent pas des vrais problèmes.

Les solutions viendront donc de la société civile, ou d’initiatives individuelles : il faut changer notre grille de lecture.

De quelle façon les Kogis gèrent-ils les conflits ?
Ils passent beaucoup de temps à repenser les situations à résoudre, assis sur une colline, sans bouger de la journée, en méditation : le sujet est creusé jusqu’à qu’ils en trouvent la racine, réunis à trente personnes, ou plus… Pratiquant la verbalisation collective de façon assidue, exprimant ce qui les préoccupe, la spiritualité étant au cœur de leur société, avec la présence de leurs Mamos, ou Sagas, pour les femmes, – leurs maîtres spirituels –, astreints à suivre une formation sur dix-huit ans.

Vous avez organisé une tournée de rencontres avec les Kogis en France : pourquoi avoir décidé de les amener, et comment ont- ils vécu ce voyage  ?
Ces sociétés font partie des “invisibles” : on ne les voit que lorsqu‘on construit un barrage au Brésil, et qu’alors on entend le chef Raoni… Il importe donc de les intégrer dans nos débats, car leur message est salvateur pour nos sociétés modernes, ils nous aident à retrouver ce sens du Vivant. Et puis ils étaient curieux de savoir où j’habitais. Et au final, ils étaient contents de la résonance de leurs paroles : ils ont eu la sensation d’avoir planté une graine…

Qu’avez vous découvert, pendant ce tournage ?
A chaque fois, je découvre à quel point je ne connais pas leur culture ! Les premiers ethnologues, lorsqu’ils sont arrivés chez eux, les ont observé de jour : or l’essentiel de leurs activités se déroulent la nuit !

* * * * * * *

Très belle journée à tous,

anti, du coté Kogi de la force 😉

6 Replies to ““Ushuaïa nature” à la rencontre des Indiens Kogis”

  1. Terrevive

    La « dé-reliance » , voilà le grand mal actuel de nos sociétés capitalistes qui rongent et étouffent les peuples-racines.
    Merci à Nicolas Hulot de s’investir pour la défense des Kogis et des autres « peuples sources  » menacés de toutes parts.

  2. Terrevive

    J’ai essayé d’utiliser la balise, mais ça n’a pas marché et ici on ne peut avoir la visualisation avant l’envoi !
    On ne peut pas supprimer non plus !
    Désolée pour le message vide avant !

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