« Ne pas parler du racisme anti-blanc : un déni de réalité »

index.jpgHier, dans rue 89, Patrick Lozès du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires, en photo), assurait qu’un observatoire de lutte contre le racisme allait être créé : « Pour son instauration, notre association va travailler en étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur.» Il ajoutait « S’il y a du racisme contre le groupe majoritaire [les Blancs, ndlr], il faudra aussi le combattre.»

J’ai trouvé intéressant que ce soit un membre de cette association qui parle de cette forme de racisme envers le groupe majoritaire car, comme l’explique un jeune et brillant sociologue sur le Bondy Blog (média en ligne qui a pour objectif de raconter les quartiers populaires et de faire entendre leur voix au niveau national, lire la note d’Anna à ce sujet), c’est une réalité trop souvent ignorée dont il faut parler pour le bien de toutes les personnes concernées, d’un côté, comme de l’autre, victimes et agresseurs. J’ajouterai que parler de cette réalité éviterait, à mon sens, de donner des voix au Front National, ce qui représente en soi une bénédiction.

Petit rappel : Racisme

Le racisme, fondé sur la croyance que l’appartenance à un ou plusieurs groupes ethniques (ethnos) serait non acquise, mais héréditaire (théorie des races), correspond au sens strict à la discrimination entre ces groupes dans le but d’affirmer la supériorité d’un ou plusieurs de ces groupes par rapport à d’autres. Mais en amont de telles théories de la supériorité, le racisme consiste d’abord à prendre les peuples – faits de civilisation – pour des races – faits naturels -biologiques -, introduisant ainsi une mortelle scission d’humanité. (Lire l’article complet de Wikipédia)

GA_Tarik_racisme_antiblanc_t.jpgPhoto : Sandro Weltin, pour une campagne du Conseil de l’Europe contre le racisme.

« Ne pas parler du racisme anti-blanc : un déni de réalité ». Jeudi 4 novembre 2010. Posté par Tarik Yildiz. (Source de l’article Bondy Blog)

Des Français dits de souche, en particulier des collégiens, dénoncent des violences racistes à leur encontre. Exemple à Pierrefitte-sur-Seine.

« Au collège, il y a beaucoup de violence. Mais si tu es français de souche, alors cette violence est plus souvent dirigée contre toi. » Guillaume est élève dans un collège ZEP de Pierrefitte-sur-Seine. Il se plaint de l’intolérance de certains de ses camarades qui, dit-il, manifestent une agressivité envers lui en raison de son appartenance à « l’ethnie française ». Maintenant qu’il est en troisième, il dit être moins victime de violence verbale que dans les classes précédentes : « Je n’ai pas tellement vécu ce racisme lorsque j’étais en primaire même si c’est déjà arrivé. Mais dès mon entrée en sixième, j’y ai tout de suite été confronté, presque quotidiennement ! »

En parlant de racisme, il désigne donc, par analogie avec le sens premier du terme, une hostilité contre le groupe qu’il représente. Ce groupe est celui des « Français de souche », des « Blancs ». Il se sent exclu et marginalisé au collège. Bastien, désormais en seconde, va dans son sens : « Mes années collège ont été les pires de ma vie ! Depuis la rentrée et mon passage au lycée, ça va quand même bien mieux parce que c’est plus mélangé, même s’il y a encore des réflexions me renvoyant à mes origines françaises. » Lui aussi affirme subir une forme de racisme. Il dit souffrir du fait de ne pas pouvoir l’exprimer aussi facilement que s’il s’agissait d’un racisme dirigé envers des individus issus de l’immigration.

xfillettesju6.jpgSa mère, Anne, explique : « Il est arrivé qu’il soit le seul « Gaulois » de sa classe. On parle souvent de diversité, mais justement, la diversité c’est aussi le fait de ne pas avoir que des gens issus de l’immigration en banlieue. » Elle déplore la situation mais elle veut se battre pour rester à Pierrefitte : « Bien des familles ont déménagé. Mes parents et mes grands-parents vivaient déjà ici. Je ne veux pas habiter autre part même si on s’est déjà posé la question. » Elle aimerait que le problème soit pris au sérieux et en a déjà discuté avec certains enseignants du collège de son fils.

Guillaume, Bastien et Anne ressentent la même chose : ils se disent abandonnés par les pouvoirs publics dans un milieu où ils constituent une minorité. Ils considèrent que leurs problèmes ne sont jamais pris en compte. Ils déplorent un deux poids deux mesures, les Français issus de l’immigration attirant, selon eux, toute l’attention. Anne ajoute : « Au-delà des insultes que l’on subit, on a l’impression d’être délaissé. Nos problèmes n’intéressent personne. Si une personne issue de l’immigration est victime de racisme, on va en parler partout mais quand c’est un Français de souche, personne n’en parle. »

Alain, professeur, est conscient de la situation : « On entend effectivement parfois des insultes racistes du genre « sale gwer, sale gaouri » – (sale Français, non musulman). » Il tient cependant à relativiser l’ampleur du phénomène : « Il faut bien préciser que ceux qui profèrent ces insultes et plus généralement, ceux qui sont violents, représentent une minorité dans les classes. Et comme souvent, la minorité violente est la plus visible. »

Alain affirme ne jamais avoir fermé les yeux sur cette question. Il est de ceux qui pensent qu’il faut en parler et il rappelle la polémique de 2005 qui avait touché le corps enseignant. Suite aux violences observées lors des manifestations lycéennes en mars 2005, des personnalités, souvent classées à gauche, avaient lancé un « appel contre les ratonnades anti-Blancs ». Cette initiative avait été critiquée par des sociologues.

Parmi les collègues d’Alain, certains soulignent effectivement que parler de racisme « anti-Blancs » comporte des risques. Cela pourrait alimenter la « racialisation » des rapports sociaux, favoriser une approche communautariste de la société. C’est pourquoi ils préfèrent parler de racisme en général.

Mais d’autres, comme Alain, à travers des blogs, des associations et des publications, affirment au contraire que ne pas en parler en tant que tel serait un déni de réalité. Selon eux, cela ne ferait que générer de la frustration et de la colère chez les victimes qui se sentent déconsidérées.

Tarik Yildiz

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Suite à cet article paru début novembre, l’auteur a reçu énormément de réactions et a réalisé des entretiens plus poussés. A partir de ces entretiens, il a rédigé un livre d’une soixantaine de pages, livre qui va très bientôt être disponible aux Éditions du Puits de Roulle car sa démarche s’inscrit dans la ligne éditoriale de la maison qui est de publier des écrits qui doivent permettre de mieux comprendre et d’honorer les liens entre les hommes.

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Photo fillettes Anna Galore

13 Replies to “« Ne pas parler du racisme anti-blanc : un déni de réalité »”

  1. Anna Galore

    J’ai eu le privilège de lire le manuscrit de Tarik Yildiz en avant-première et je le trouve absolument remarquable à tous points de vue, alors que le sujet est loin d’être évident à aborder de façon sensée et posée.

    Tarik Yildiz est, en effet, brillant par sa façon d’aborder la question, de l’analyser et de la décrire avec rigueur, intelligence et précision.

    Il me tarde de voir ce livre non seulement sortir mais, je l’espère, rencontrer un large public.

  2. Netsah

    C’est bien d’en parler en effet du racisme anti-blanc. Bon perso ça ne m’est jamais arrivé parce que je me suis toujours bien entendu avec tout le monde xD mais c’est arrivé à une amie -une personne sans-couleur (ben oui en opposition à gens de couleur vu qu’apparemment c’est le terme adéquate à utiliser)- qui sortait avec un togolais à Paris et à une soirée majoritairement black elle s’est faite insultée de tous les noms juste pour avoir la peau plus claire…

    Moi je dis qu’une fois de plus le problème viens de l’éducation. Quand on nous apprend l’évolution de l’homme vite fait en primaire et encore plus vite fait en Terminale en génétique, on passe trop vite sur le fait qu’on vient tous, nous les humains, homo sapiens, du même endroit : l’Afrique (d’après la théorie plus précisément de l’Ethiopie) et qu’ensuite, en raison du fait que l’homme a été un peuple uniquement nomade pendant une grande partie de sa présence sur Terre, la « tribu » s’est séparée en familles, toutes dirigées par une femelle dominante, dans chaque directions accessibles à pied en partant de là : l’actuel Europe, l’Asie et le reste de l’Afrique. Puis avec le temps finalement on a envahie la surface terrestre. Traduction : il n’y a qu’une race d’humains, et on est tous cousins.
    D’ailleurs un français blanc est souvent plus proche généalogiquement d’un homme noir qui vit en plein Congo que de son voisin de palier français et blanc.

  3. Benoit

    Excellent de M. Yildiz. Honnêtement, je suis très agréablement surpris et j’ai hâte que le livre soit disponible. C’est une réalité très longtemps ignorée. Bravo.

  4. Miriam

    Je trouve l’article de M. Yildiz très intéressant, je l’avais déjà lu il y a quelques temps. Passionant. Heureuse de savoir qu’il y a un livre qui va sortir sur ce sujet oublié.où pouvons nous nous procurer ce livre?Merci

  5. Lucas

    Enfin, on en parle… J’ai vécu ce racisme beaucoup de fois, je n peux même plus les compter… Enfin un peu de bon sens et d’objectivité. Pourriez vous indiquer un lien où il sera possible d’acheter le livre?

  6. Anna Galore

    (L’éditrice étant absente tout l’après-midi, je vais répondre à sa place)

    Le livre est en cours d’édition. Il sera normalement disponible à partir de la semaine prochaine. Une annonce sera faite sur le site web de l’éditrice http://www.editionsdupuitsderoulle.com/index.html ainsi que sur divers blogs, dont celui-ci.

    Le livre pourra être acheté chez n’importe quel libraire ou assimilé (FNAC, etc.). S’il n’est pas disponible en rayon, vous pourrez le commander au libraire.

    Il sera également possible de l’acheter en direct sur le site de l’éditrice, avec un paiement sécurisé par carte bleue.

  7. anti

    Merci à tous pour votre passage sur notre blog ainsi que pour vos messages qui sont autant d’encouragements à parler de ce sujet. Anna a déjà très bien répondu en mon absence. Le livre devrait être disponible à compter de la semaine prochaine au moins sur le site des Éditions du Puits de Roulle et dès que son référencement sera effectué, très prochainement dans toutes les librairies.

  8. Bob

    Pourquoi opter pour un bouquin de ce type, au lieu de militer avec les associations antiracistes, pour qu’elles adoptent une position cohérente sur ce thème ?

    Et bien moi, je vais vous le dire : parce qu’un étudiant de sciences po est ambitieux. Les études doivent payer.

    Un bouquin, sur ce sujet, en ce moment, c’était la notoriété garantie.

    Le tapis rouge est déroulé, les micros sont ouverts – tout clignote. Bravo Tarik ! Tu es un début de vedette — ton avenir journalistique et politique est en train de s’ouvrir.

  9. Anna Galore

    Nous militons déjà aux côtés d’associations antiracistes, des dizaines voire des centaines d’articles dans ce blog le montrent à longueur d’année. Mais sur ce sujet, elles sont au mieux muettes et pensent au pire que le phénomène n’existe pas. Le but du livre est justement « qu’elles adoptent une position cohérente sur ce thème ».

    Tarik, ambitieux ? Je ne sais pas, je ne le connais pas et quoi qu’il en soit, je ne pense que ce soit un défaut d’être ambitieux quand on a 25 ans. Par contre, une chose certaine lorsqu’on lit son livre et ses interviews, c’est qu’il est intelligent et brillant.

    Je lui souhaite le meilleur avenir qui soit.

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