Les Roms manifestent à Bucarest contre la politique d’expulsions de la France

roumanie-manif-rom_0.pngLes Roms manifestent à Bucarest contre la politique d’expulsions de la France
(par Luca Niculescu – Source RFI)

Des dizaines de Roms sont sortis ce lundi 6 septembre dans les rues de Bucarest pour protester contre la politique de la France d’expulsion des membres de leur communauté, tout en demandant au gouvernement roumain de faire davantage pour lutter contre la discrimination et la pauvreté des Roms en Roumanie.

« Liberté, égalité, fraternité » – c’est en scandant la devise de la République française que les Roms ont protesté devant l’Ambassade de France à Bucarest. Vêtus de t-shirts blancs sur lesquels on pouvait lire « Rom = citoyen honnête », les représentants d’une vingtaine d’associations des Roms ont ainsi critiqué la politique de rapatriement menée par la France. « C’est hypocrite de dire qu’il s’agit de rapatriement volontaire » – s’exclame Florin Manole, l’un des manifestants. « En réalité ce sont des expulsions masquées quand il ne s’agit pas d’expulsions tout court ».

Mihai, 38 ans, t-shirt blanc et veste noire, vient d’en faire les frais. « J’ai été expulsé récemment » – raconte-t-il dans un excellent français – « je rendais visite à un ami dans un campement des Roms, quand la police est arrivée. “Contrôle de routine” on nous a dit. Et on m’a expulsé illico car, soi-disant, mes papiers n’étaient pas en règle. Mais je vivais depuis près de 10 ans en France, j’avais un travail et un logement, je n’habitais pas dans un campement illégal. » Que compte-t-il faire ? « Retourner en France, bien évidemment, réplique-t-il. La France est mon deuxième pays, même si je n’aime pas la politique de Nicolas Sarkozy ».

Les manifestants scandent également « A bas Sarkozy ». « C’est quand même le principal coupable de cette politique », croit Florin Manole, « quand quelque chose ne marche pas, il est simple de trouver un bouc émissaire comme les Roms ou les Roumains ».

Et le gouvernement roumain ? « Il est coupable lui aussi, lance David Marc, président de l’Association civique des Roms. La Stratégie pour l’insertion des Roms lancée il y a dix ans et qui devait prendre fin en 2010 est un échec cuisant, les Roms sont toujours discriminés dans les écoles ou les hôpitaux ». Un autre manifestant brandit le journal Adevarul qui publie un sondage montrant que deux Roumains sur trois ne veulent pas de Roms dans leur famille. « Ce n’est pas de la discrimination, ça ? », crie-t-il.

Et pourtant. Depuis 10 ans des progrès ont été réalisés. L’Etat roumain a institué une « discrimination positive », soit des places réservées pour les Roms dans les écoles, universités et pour l’accès au marché du travail. Presque chaque mairie embauche un conseiller rom qui sert de relais pour cette communauté d’environ 1 million et demi de personnes. Il y a également les « médiateurs », soit des Roms, employés municipaux, qui vont dans la communauté et facilitent l’accès des Roms les plus pauvres aux soins et à l’éducation. Sans nier ces progrès, David Mark craint un retour en arrière : « En raison de la crise économique, les mairies doivent faire des coupes drastiques dans leur budgets. Les programmes pour les Roms sont les premiers amputés ».

La solution ? L’argent européen. D’ici 2013, la Roumanie pourrait toucher environ 1 milliard d’euros pour la réinsertion des Roms à condition de réaliser des programmes bien ficelés. Jusqu’à présent, moins de 10 % de cet argent a été dépensé. « Il y a beaucoup de projets que les autorités locales pourraient mettre en place, déplore David Marc, mais il y a un manque soit d’intérêt soit de compétence ».

La tension actuelle entre la Roumanie et l’Hexagone pourrait cependant dynamiser ce processus. Lors de la visite que deux ministres français, Eric Besson et Pierre Lellouche entreprendront à Bucarest d’ici quelques jours, le gouvernement roumain a l’intention de présenter un plan pour une meilleure insertion des Roms grâce aux fonds européens. « Ce serait bien, mais tant qu’on ne fait pas une stratégie a l’échelle du continent cela ne marchera pas », affirme Florin Manole.

Après deux heures de manifestation, les quelques dizaines de Roms quittent la rue qui longe l’ambassade. Pourquoi ont-ils été si peu nombreux ? « Vous savez, les Roumains n’ont pas trop l’habitude de descendre dans la rue, les Roms encore moins…», sourit l’un d’entre eux.

Avant de partir, les Roms ont jeté à la poubelle quelques preuves de leur colère envers Paris : une bouteille de champagne, une boite à parfums ainsi que quelques croissants, achetés dans une pâtisserie… française, bien évidemment.

A lire :

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Roms : manifestations en Roumanie et Macédoine contre les expulsions de France
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anti

4 Replies to “Les Roms manifestent à Bucarest contre la politique d’expulsions de la France”

  1. anti

    Alors, blog de voyage étant indisponible et la note non finie pré-enregistrée, je vous la refais demain complétée et mise en page 😉 si le côté admin remarche…

    anti

  2. Anna Galore

    Je l’ai lue quand même, la note pas mise en page 😉

    Extrêmement intéressant, tout ça. Les choses bougent et ceux que les Besson-Hortefeux-Sarko et autres bas-du-front considèrent comme de vagues sous-hommes qui devraient se laisser expulser sans rien dire sont en train de leur montrer qu’ils sont des humains qui valent autant que n’importe quel humain et qui n’ont pas fini de le leur faire savoir.

    Michto !

  3. anti

    Insertion réussie pour des Roms installés à Aubervilliers

    De Caroline TAIX (AFP) – Il y a 3 heures

    AUBERVILLIERS — Dans le village d’insertion d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), les Roms parlent français, ont des papiers, un travail : un exemple mis en avant par des associations et des politiques pour montrer qu’il existe des alternatives à l’expulsion.

    Treize familles vivent dans ce village, qui existe depuis bientôt quatre ans, dans des petits bâtiments modulaires aménagés en appartement. Six autres ont déjà été relogées dans le parc social.

    « L’esprit, c’est de favoriser l’insertion professionnelle et sociale », explique Christophe Auger, délégué général de l’association ALJ 93, très impliquée dans ce village.

    Dans les logements, les familles ont accès à l’eau, à l’électricité. Chacun a obtenu un titre de séjour et les adultes ont été accompagnés pour trouver un emploi.

    Les enfants ont l’obligation d’être scolarisés : la plus jeune habitante du village vient d’entrer en maternelle, le plus âgé est lui en lycée professionnel, pour se préparer à travailler dans le bâtiment.

    Steluta, 16 ans, vient, elle, d’entrer en troisième, à Saint-Denis. « La première fois que je suis venue (dans le village), j’étais très contente : il y avait tout dedans, même des douches ! », raconte-t-elle, enthousiaste. Elle est née en Roumanie, arrivée en France il y a quatre ans. « Avant, on était à l’hôtel, dans la rue », poursuit-elle dans un très bon français.

    Elle fait visiter, fière, le petit logement qui compte deux chambres, où elle vit avec cinq frères et soeurs et ses parents. Son père travaille dans le bâtiment et sa mère est couturière.

    Il existe six sites similaires en Seine-Saint-Denis, un département qui compte de nombreux bidonvilles occupés par des Roms. Il y a d’autres expériences en province, et des villages pourraient naître ailleurs en Ile-de-France.

    Lors d’une visite le 5 septembre à Aubervilliers, le président de la région Jean-Paul Huchon (Parti socialiste) et le député Daniel Goldberg ont appelé au développement de ces villages d’insertion. De plus en plus de communes seraient intéressées, selon M. Huchon.

    « Ce lieu de vie prouve que d’autres voies existent qui concilie dignité de l’homme et sauvegarde de l’ordre public », selon lui.

    Le coût est cependant élevé: 350.000 euros par an pour le village d’Aubervilliers, financé principalement par l’Etat et la mairie, ainsi que par la communauté d’agglomération et la région.

    Un résident, Adrien, père de deux enfants, qui préfère ne pas donner son nom, explique que des Roms « sont jaloux » de ce lieu de vie. Le village est d’ailleurs « sécurisé » pour éviter d’autres installations. « J’aurais du mal à vivre ici si quelqu’un de ma famille était dans un bidonville », reconnaît-il.

    Par rapport aux expulsions de Roms vers leur pays d’origine, il se dit « honteux ». « Je le croyais plus fort, Monsieur Sarkozy », ajoute Adrien.

    Pour Christophe Auger, ce type de village est « bien adapté pour les Roms qui ont des projets de vie en France, (…) mais n’est pas une réponse pour ceux qui font des allers-retours avec leur pays d’origine ».

    Sylvie Guichard, de la fondation Abbé Pierre, estime que « c’est une des solutions les plus abouties ». « Il y a des solutions possibles », martèle-t-elle, soulignant que les Roms sont quelques milliers en France. Le principal est, selon elle, « de leur donner accès au travail ».

    Comme M. Auger, elle espère que la polémique va s’apaiser, afin de pouvoir reprendre un travail serein avec les Roms.

    Copyright © 2010 AFP. Tous droits réservés.

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